L'initiative du chef du courant du Futur, Saad Hariri, couronnée hier par l'annonce officielle de son appui à la candidature du fondateur du CPL, le général Michel Aoun, a incontestablement eu l'effet d'un petit séisme à l'origine d'un véritable bouleversement au niveau des alliances politiques et dont l'onde de choc a même atteint l'Occident.
Ce faisant, Saad Hariri a contraint toutes les parties, plongées depuis plus de deux ans dans une sorte d'indifférence confortable et rassurante, à définir leurs positions respectives par rapport à la candidature de M. Aoun. Mais dans le même temps, il a suscité, auprès de certaines capitales occidentales, des craintes liées à l'avènement à la tête de l'État d'un président appartenant à l'un des deux axes qui se font la guerre dans la région.
Quoi qu'il en soit, pour les Libanais, l'heure de vérité a sonné. À l'exception peut-être des Forces libanaises, qui ont fini par soutenir il y a quelques mois l'accession de Michel Aoun à Baabda, tous les partis politiques se sont retrouvés dans une situation embarrassante, avec en tête le Hezbollah, dans la mesure où la position du parti chiite par rapport à la présidentielle est davantage tributaire de données régionales que des impératifs de la politique locale. L'initiative de Saad Hariri l'a mis au pied du mur. D'une part, il ne peut pas lâcher son allié stratégique. D'autre part, il ne peut pas se rendre à la réunion parlementaire du 31 octobre si l'Iran n'a pas débloqué la présidentielle. D'aucuns ont trouvé tout à fait normal le ton très positif du communiqué du bloc parlementaire du Hezb hier. Après tout, Michel Aoun est son allié. Souhaite-t-il qu'il accède à Baabda, lui ou n'importe quel autre candidat ? Mystère...
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Un homme politique relaie ainsi des questions que beaucoup se posent : l'Iran a-t-il donné son feu vert pour l'élection d'un président ? Sinon, quelle excuse avancera le Hezbollah pour ne pas se rendre au Parlement, surtout que ses députés ne cessaient d'accuser l'Arabie saoudite, Saad Hariri et le 14 Mars de bloquer la présidentielle? Peut-il se permettre de boycotter la réunion du 31 octobre ? Y participera-t-il ? Aoun sera-t-il élu ? Réussira-t-il, lui ou Sleiman Frangié, à obtenir le nombre de voix requis, sinon que se passera-t-il? Nabih Berry convoquera-t-il un tour suivant au cours de la même séance ou la lèvera-t-il, rééditant ainsi l'expérience du 25 mai 2014, lorsque les deux candidats de l'époque, Michel Aoun et Samir Geagea, n'avaient pas obtenu la majorité de voix requise ? À l'époque, le président de la Chambre avait levé la séance sans en convoquer une autre par la suite.
Les efforts menés par le parti de Hassan Nasrallah pour retarder la réunion parlementaire électorale du 31 octobre, afin de donner la chance d'aboutir à des démarches de réconciliation entre Rabieh et Aïn el-Tiné, a été perçue dans les milieux du 14 Mars comme étant une tentative d'atermoiements. Il faut dire que l'embarras du Hezbollah ne se limite pas à la réunion de la fin du mois. C'est l'avenir de ses alliances qui est en jeu, maintenant que les alliances traditionnelles sont tombées et se sont entremêlées. Selon des sources du 8 Mars, le Hezb est très attaché à l'unité de sa communauté et au maintien du tandem chiite à sa tête, mais dans le même temps, il refuse de briser Aoun et de perdre son alliance stratégique avec lui. Si Aoun est élu, le Hezbollah risque une fissure au niveau de sa communauté, et s'il ne l'est pas, il préservera l'unité de sa communauté et son alliance avec Berry, mais perdra assurément celle qui l'unit au fondateur du CPL.
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Selon un dirigeant du bloc du Futur, la période qui s'étend entre l'annonce faite hier par Saad Hariri et la réunion du 31 octobre sera riche en développements politiques importants. Certains redoutent même des incidents sécuritaires qui précipiteraient l'élection d'un chef de l'État, d'autant, disent-ils, que l'Occident est en train de mettre la pression sur le Liban afin de se dépêcher d'élire un président pour se prémunir contre les flammes qui risquent de l'atteindre en provenance de la région. Sauf que l'Occident reste favorable, dans les circonstances actuelles, à l'élection d'une personnalité indépendante et neutre, en dehors des alignements politiques actuels, de sorte à ce que l'élection d'un chef de l'État ne puisse pas être perçue comme la victoire d'un axe contre un autre, sachant que le bras de fer dans la région est entre deux axes, l'un dirigé par l'Iran et l'autre par l'Arabie saoudite. Des ambassadeurs n'ont pas hésité dans ce cadre à faire l'apologie de ce profil devant leurs interlocuteurs libanais, sans se hasarder à avancer des noms. Un président neutre, estiment-ils, est capable de redynamiser les institutions, de préserver la stabilité du pays et de le prémunir contre les dangers extérieurs tout en maintenant le statu quo politique actuel.
L'avènement d'un chef de l'État lié à un axe déterminé risque au contraire de provoquer des ondes de choc politiques et de sécurité et de favoriser des troubles de nature à ébranler la stabilité du pays, voire à faire resurgir des guerres communautaires. Certains n'excluent pas une entente autour d'une personnalité du centre. Le tweet, mercredi, de l'ancien candidat de Saad Hariri, Sleiman Frangié, avait été interprété comme un appel indirect à une entente autour d'une personne indépendante.
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Ce faisant, Saad Hariri a contraint toutes...
commentaires (7)
LE GRAND MERCENAIRE HARIRI QUI JETTE SES ALLIÉS COMME IL CHANGE SES CHAUSSURES, SANS MÊME LES INFORMER À L'AVANCE. QU'ELLE SORTE D'HOMME QU'ON A À LA TÊTE DU PAYS. MAINTENANT IL APPUIE AOUN, UN AUTRE GRAND MERCENAIRE AFFAMÉ. LES MERCENAIRES NE SERONT JAMAIS NI AMIS NI ENNEMIS, C'EST LEURS INTERETS QUI COMPTE. LE RESTE NE SONT QUE DES VIEILLES CHAUSSETTES. APPLAUDISSANT
Gebran Eid
15 h 39, le 21 octobre 2016