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Liban - Verbatim

Samir Frangié : Le rejet de la discrimination confessionnelle est aujourd'hui la condition à notre survie

Voici le verbatim du discours prononcé par Samir Frangié après avoir été décoré de la Légion d'honneur, par l'ambassadeur de France au Liban, Emmanuel Bonne.

"J'ai souvent été traité d'optimiste incorrigible, de rêveur, d'idéaliste", a déclaré, lors de son discours Samir Frangié, après avoir reçu l'insigne de la légion d'honneur au grade de commandeur. Photo Ibrahim Tawil

Monsieur l'Ambassadeur,

Je vous remercie pour votre mot et pour tous les efforts déployés dans la recherche d'une solution à la crise que traverse le Liban.

Je vous prie de transmettre mes remerciements au président François Hollande pour l'honneur qu'il m'a fait de me décerner la Légion d'honneur au grade de commandeur.

Cette haute distinction me renforce dans ma détermination à poursuivre la bataille que je mène pour la paix, bataille dont j'ai découvert l'absolue nécessité au cours de mon long « Voyage au bout de la violence ».

J'ai souvent été traité d'optimiste incorrigible, de rêveur, d'idéaliste. Cela ne m'a pas empêché de poursuivre mes efforts pour mettre ensemble, aux pires moments de la guerre, ceux qui s'affrontaient, de participer à la création du Congrès permanent du dialogue libanais qui a préparé le terrain à la réconciliation de la Montagne en 2001 et à celle du Regroupement de Kornet Chahwane qui, soutenu par le Patriarche Nasrallah Sfeir et l'évêque Youssef Béchara, a renoué les liens entre chrétiens et musulmans, et ouvert ainsi la voie en 2005 au « soulèvement de l'indépendance ».

Je n'aurais pas pu mener ces batailles sans le soutien de ma famille et de mes compagnons de route.

Je salue à cette occasion ma femme et mes enfants sans l'aide desquels je n'aurais pas été avec vous aujourd'hui.

Je salue également tous mes amis qui m'ont aidé à mesurer l'importance du lien à l'autre, cet autre qui nous forme comme nous le formons.

Je salue aussi la mémoire de ceux qui ne sont plus de ce monde et qui ont beaucoup donné.

Je pense à ceux qui ont été assassinés, de Rafic Hariri et Samir Kassir à Mohamed Chatah.

Je pense aussi à ceux qui nous ont quitté, à l'Imam Mohamed Mehdi Chamseddine, à l'Imam Hani Fahs, à Nassir Assaad, à Nassib Lahoud, à Assem Salam à Hikmat Eid, et beaucoup d'autres.

Je pense enfin à mon père qui a été l'un des artisans de l'indépendance, la première, et dont j'ai hérité ce refus viscéral de toute discrimination confessionnelle, mon père qui avait négocié en 1946 l'accord sur l'évacuation des troupes françaises du Liban et avait, lui aussi, reçu la Légion d'honneur au grade de commandeur.

 

Chers amis,

Le rejet de cette discrimination confessionnelle fondée sur la peur de l'autre ne relève plus d'un choix politique. Il est aujourd'hui la condition à notre survie.

Et celle-ci nécessite de tourner la page du passé et de jeter les bases d'une véritable réconciliation nationale. Je ne parle pas de compromis à trouver entre les forces politiques pour un nouveau partage du pouvoir entre elles, mais d'une véritable réconciliation qui nous permettrait de mettre un terme à un demi-siècle de guerres et de violences et de refonder notre vivre ensemble aux conditions de l'Etat et non plus aux conditions d'une communauté dominante.

Il nous faut pour cela sortir de cet état d'impuissance qui nous paralyse et comprendre que ceux qui rejettent la violence sont aujourd'hui très largement majoritaires et peuvent jouer un rôle déterminant s'ils œuvrent à tisser des liens entre eux pour mener ensemble la bataille de la paix.

Cette réconciliation qui ne doit exclure personne, même ceux qui sont encore dans l'attente de nouvelles « victoires divines », est aujourd'hui plus que jamais nécessaire parce qu'elle nous permet de redonner vie à cette expérience unique du vivre ensemble que nous avons connue et qui fonde la démocratie sur la reconnaissance de la diversité. Nous devons en faire un modèle pour un monde arabe ravagé par la guerre civile.

 

Monsieur l'Ambassadeur,

La France a un rôle capital à jouer dans cette bataille pour la paix.

Ce rôle n'est pas nouveau et les efforts déployés depuis 1975 pour mettre un terme à la guerre en témoignent. Un de vos prédécesseurs, l'ambassadeur Louis Delamare, a même payé de sa vie les rencontres qu'il avait organisé pour amorcer le dialogue entre les belligérants, rencontres auxquelles j'avais participé avec Walid Joumblatt.

C'est d'ailleurs dans le cadre de cette bataille pour la paix que j'ai eu l'occasion de rencontrer le président François Hollande, lors de sa visite au Liban, pour lui exposer le projet d'une « Méditerranée du vivre-ensemble » qui s'adresserait aux modérés des deux rives pour les pousser à mener ensemble leur bataille contre toutes les formes d'extrémisme.

J'avais été très favorablement impressionné par la réaction de mon interlocuteur qui avait proposé de tenir ce congrès méditerranéen à Paris même.

Cette réaction m'avait encouragé à organiser à Beyrouth un congrès préparatoire qui avait regroupé des représentants de la société civile arabe, Libanais, Palestiniens, Irakiens, Syriens et Tunisiens.

Je voudrais également rendre hommage à la France pour sa condamnation de cet effroyable massacre qui se poursuit en Syrie depuis plus de cinq ans. Ses efforts pour amener la communauté internationale à assumer ses responsabilités nous aident à poursuivre ce long chemin vers la paix.

Monsieur l'Ambassadeur,

Je reçois la Légion d'honneur à un moment difficile de mon existence où je dois mener, une nouvelle fois encore, bataille contre une violence d'un type différent et d'une nature plus insidieuse.

Cette distinction me pousse à poursuivre avec encore plus d'acharnement mon combat contre toutes les formes de violence.

Pour cela aussi, je vous remercie.

 

Monsieur l'Ambassadeur,
Je vous remercie pour votre mot et pour tous les efforts déployés dans la recherche d'une solution à la crise que traverse le Liban.
Je vous prie de transmettre mes remerciements au président François Hollande pour l'honneur qu'il m'a fait de me décerner la Légion d'honneur au grade de commandeur.
Cette haute distinction me renforce dans ma détermination à...

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