Le suspense continue d'entourer le sort de la prochaine séance parlementaire d'élection présidentielle. Pour les uns, ce suspense serait dû aux hésitations du chef du courant du Futur à adopter ouvertement la candidature du général Michel Aoun, et pour d'autres, c'est le Hezbollah et son allié, le chef du mouvement Amal, qui en seraient la cause en raison de leur volonté cachée de ne pas élire Aoun... ni aucun autre candidat, dans le contexte actuel.
S'il faut en croire les déclarations des cadres du courant du Futur ou même des personnalités du bloc parlementaire de ce courant, l'élection présidentielle serait encore lointaine... en raison du « double jeu » du Hezbollah. D'un côté, il appuie la candidature de Michel Aoun, et de l'autre, il n'entreprend aucune démarche effective pour faciliter son élection à la présidence. Ces propos ont été tenus ces deux derniers jours par Ahmad Hariri et Jamal Jarrah, pour ne citer qu'eux, sans parler de la position stable du chef des Forces libanaises sur le sujet.
Autrement dit, avant même que « l'initiative de Saad Hariri » (d'appuyer la candidature de Michel Aoun à la présidence) ne se soit concrétisée, ces figures du courant du Futur et leurs alliés ont commencé à miser sur son échec, en cherchant à en faire assumer la responsabilité à l'autre camp. Cette attitude ambiguë alimente le scepticisme au sujet d'un rapide dénouement de la crise présidentielle en faveur du général Aoun et va dans le sens de ceux qui croient que tout ce mouvement n'est qu'une manœuvre de plus de Saad Hariri, qui n'est pas en mesure de prendre la décision d'appuyer publiquement la candidature du fondateur du CPL sans avoir obtenu l'aval clair de l'Arabie saoudite. D'autant que, toujours selon les sceptiques, le temps n'est pas favorable à un « compromis libanais », face aux nouveaux développements régionaux et internationaux.
Face au camp des incrédules, il y a ceux qui croient fermement à la possibilité de conclure un accord présidentiel au cours des prochaines semaines. Pour ceux-là, rien n'obligeait Saad Hariri à lancer une nouvelle initiative, s'il n'était pas soucieux de la voir aboutir. Ses problèmes sont sérieux et son leadership est en jeu. Il a donc clairement besoin de revenir au Sérail, et le camp adverse lui a bien fait savoir que la seule possibilité de le faire consiste à appuyer la candidature de Michel Aoun à la présidence.
D'ailleurs, Saad Hariri a évoqué ce scénario avec les responsables saoudiens qu'il a rencontrés au cours de son dernier voyage éclair à Riyad, et la réponse de ceux-ci a été laconique : faites ce que vous jugez bon pour vous. Nous ne nous y opposerons pas. Mais en même temps, nous ne sommes pas responsables des conflits qui pourraient survenir par la suite entre vous et Michel Aoun. Cette position a été considérée par le chef du courant du Futur comme un feu vert indirect pour aller de l'avant, sachant que Riyad a bien d'autres dossiers prioritaires, dans le contexte actuel.
(Lire aussi : Hariri cette semaine à Paris et Riyad, en attendant Bkerké...)
Dans ce cas, pourquoi les proches de Saad Hariri continuent-ils à faire assumer la responsabilité du blocage au Hezbollah ? Ceux qui croient à l'imminence de la conclusion d'un accord présidentiel pensent qu'il y a deux camps au sein du courant du Futur : il y a ceux qui ne veulent pas de Michel Aoun à la présidence et qui font tout pour saboter cette « initiative », et ceux qui y croient mais cherchent à renforcer la position de Saad Hariri dans les négociations préalables, en attaquant le Hezbollah.
L'objectif de ces attaques serait de semer le doute dans l'esprit des partisans de Aoun pour que ce dernier demande au Hezbollah de lâcher du lest, notamment au sujet de la formation du gouvernement et des rapports des forces politiques qui la commandent. La manœuvre a d'ailleurs partiellement réussi, puisque dans les milieux aounistes, la question sur la véritable position du Hezbollah à l'égard de l'élection du « général » revient souvent. Même si Michel Aoun lui-même ne cesse de répéter que sa candidature bénéficie de l'appui total du Hezbollah. Et dans son prochain discours, prévu à la fin des dix jours de Achoura, Hassan Nasrallah devrait confirmer cette position.
Dans la foulée, les tentatives de faire assumer la responsabilité du blocage au président de la Chambre ont aussi tourné court, puisque son conseiller Ali Hamdane a clairement déclaré, dans un entretien samedi à la radio du Hezbollah Izaat al-Nour, que Nabih Berry ne fera pas obstacle à l'arrivée de Michel Aoun à la présidence.
La balle revient donc dans le camp du Futur et de son chef. C'est d'ailleurs ce qui pousse le camp des optimistes à croire en la possibilité d'un déblocage rapide, en misant sur la détermination de Saad Hariri et sur le fait que le pas le plus dur a déjà été accompli, lorsqu'il a évoqué cette possibilité avec ses interlocuteurs du camp adverse et de son propre camp. Selon les optimistes, il ne resterait plus que d'ultimes arrangements, surtout sur les grandes lignes de l'étape ultérieure, Saad Hariri craignant en effet d'élire Michel Aoun à la présidence et d'être désigné à la présidence du Conseil sans toutefois avoir la possibilité de former un gouvernement...
Pour mémoire
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commentaires (5)
Quel que soit le choix de Hariri, son camp pourra ne pas le suivre pour elire Aoun Si les elections se font par vote secret, il ne pourra pas garantir a Aoun d'etre elu Tout cela , c'est pour aider les journalists a ecrire des articles de fond qui ne reposent sur aucune realite ou alors Hariri a tellement besoin d'etre premier Ministre pour des raisons financieres qu'il trahira ses compatriotes comme Geagea a trahi les combattants morts au front apres les bombardements de Aoun sur achrafieh en 1989 Pauvre Liban
LA VERITE
13 h 51, le 10 octobre 2016