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Liban - La situation

À Bkerké, le premier pas vers une légitimation dangereuse du package-deal ?

Le ministre Ali Hassan Khalil, hier, en compagnie du patriarche Raï à Bkerké. Photo Émile Eid

Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, semblait hier tombé « sous le charme politique » du ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, selon les termes d'une figure indépendante. Délégué à Bkerké par le président de la Chambre, Nabih Berry, le ministre aurait réussi à dissiper toute mésentente entre Aïn el-Tiné et Bkerké autour du package-deal comme préalable à la présidentielle. Le patriarche Raï s'était opposé dimanche dernier à cette velléité berryste en arguant du risque d'une aliénation de la présidence de la République, ce qui lui avait valu une vive rétorque du chef du législatif.

Certes, cette polémique non souhaitable pour les deux parties était, d'entrée de jeu, vouée à ne pas durer, comme devaient en attester certains médiateurs dès lundi, et préalablement à la déclaration des évêques de mercredi dernier – qui, de fait, n'a pas renchéri sur la question du package-deal, mais reformulé, sous forme d'un énoncé de principe, la teneur de la position du patriarche, celle d'accorder la primauté à la présidentielle en vertu de la Constitution et au regard de la crise qui s'aggrave.
Autrement dit, aussi bien la position du patriarche maronite que la déclaration des évêques se prêtent à différentes interprétations, ou mises en œuvre, dépendamment de ce que Bkerké choisit de concéder à ses interlocuteurs politiques. D'autant que les informations concordent sur le caractère isolé de la position de Bkerké, qui serait sans lien direct avec la réactivation récente des contacts autour de la présidentielle.

Et l'interlocuteur politique à même de séduire le patriarche hier aura été le président de la Chambre, par le biais de Ali Hassan Khalil, lequel a fait état à l'issue de sa visite « d'une entente totale sur le rejet de toute démarche à même de lier la présidence de la République ». Et d'ajouter aussitôt : « En dépit de l'amalgame médiatique autour du package-deal, son esprit est de sceller des ententes à même de faciliter au président de la République l'exercice de ses fonctions. »
Le principe du package-deal est donc maintenu et désormais à même d'être légitimé par Bkerké, ne fût-ce sur la base d'un critère flou, celui de l'aptitude du package-deal à élargir, au lieu de la restreindre, la marge de manœuvre du futur chef de l'État.

 

(Lire aussi : « Que veut donc Nabih Berry ? » Yassine Jaber apporte des éléments de réponse)

 

En réalité, l'entente entre les deux parties aurait deux fondements, que décrit à L'Orient-Le Jour une source indépendante informée de la démarche du patriarche. D'une part, le plaidoyer de l'Assemblée des évêques en faveur d'un « président arbitre » qui ne soit « ni le président d'un camp ni un président de pure forme », joint à l'appel à « une réconciliation nationale » et un retour à « la voie du compromis national de Taëf » aurait satisfait le président de la Chambre. Celui-ci y aurait vu un rejet implicite de la candidature du chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun. D'autre part, le patriarche aurait été convaincu de l'argument du camp berryste selon lequel le package-deal avait fait l'objet d'une entente de principe entre tous les participants à la table de dialogue national, dont le général Michel Aoun.
Or c'est cette corrélation entre le package-deal et le dialogue national qu'il faudrait mettre en question. En effet, concéder l'idée d'un package-deal, c'est légitimer le dialogue national comme institution alternative, laquelle ne manque pas de générer des notions pour le moins étrangères au texte libanais – comme le package-deal. À défaut d'être activement contestées, ces notions pourraient acquérir une légitimité suffisante pour justifier une éventuelle révision des textes.

L'apologie du dialogue par le Hezbollah est à cet égard significative, surtout qu'il incite non seulement à un retour au dialogue national, mais à la multiplication des ententes bilatérales, à l'image des ententes entre le Courant patriotique libre (CPL) et le Hezbollah, le CPL et les Forces libanaises, ou encore l'entente Hezbollah-Futur qui, rappelons-le, s'articule sur une clause vitale pour le Hezbollah : le containment, ou la mise à l'écart des dossiers litigieux stratégiques à même de provoquer une confrontation au Liban. Le député Nawaf Moussawi a ainsi souhaité hier solennellement que le mouvement Amal et le CPL entament un dialogue similaire. L'appel au dialogue est sous-tendu par la volonté du Hezbollah de contenir tout dérapage au Liban, sans toutefois modifier l'équation à laquelle il astreint le pays : une équation qui lie l'avenir de l'entité libanaise à celle de la Syrie, mais contraint le Liban à ne pas complètement mourir. C'est d'ailleurs en invoquant l'argument de l'escalade régionale que le Hezbollah préconise la relance du travail du cabinet, comme on somme une bête de labourer indéfiniment les mêmes cercles en reportant délibérément la semence.

 

(Lire aussi : L'optimisme présidentiel et ses bémols)

 

Avec l'usure, la sommation devient plus aisée. On finit par minimiser la portée de la référence des évêques maronites au « compromis historique de Taëf », quand bien même celle-ci pourrait initier une contre-dynamique à la stratégie du vide. Ainsi, le coordinateur général du 14 Mars, Farès Souhaid, y voit une « revalorisation de principe face aux appétits d'une Constituante » et un recentrage du dialogue autour des « conditions de Taëf ». Mais cette lecture, non relayée par une alliance politique cohésive, est contrecarrée par une interprétation nouvelle de Taëf, donnée hier par M. Moussawi (sachant que pareilles interprétations sont habituellement étrangères au discours du Hezbollah) : en confiant le pouvoir exécutif au gouvernement réuni, l'accord de Taëf aurait ainsi entendu consacrer la gestion collective de la politique, c'est-à-dire que toute prise de décision « exige la réunion de toutes les composantes du pays ».
En clair, rien moins qu'une consécration d'une loya jirga parrainée par l'Iran, mais dont on refuse encore de dire le nom.

 

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commentaires (8)

Démographie...quand tu nous tiens Faites plein d'enfants (comme le recommande Erdogan à son peuple) pour avoir une participation pérenne au pouvoir...Inéluctable!

Chammas frederico

15 h 10, le 08 octobre 2016

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Démographie...quand tu nous tiens Faites plein d'enfants (comme le recommande Erdogan à son peuple) pour avoir une participation pérenne au pouvoir...Inéluctable!

    Chammas frederico

    15 h 10, le 08 octobre 2016

  • À Bkerké, le premier pas vers une légitimation dangereuse du package+deal ? NORMAL DANS CETTE REPUBLIQUE DE DEALERS TOUTES CATEGORIES CONFONDUES

    Henrik Yowakim

    14 h 54, le 08 octobre 2016

  • ON A UN PATRIARCHE VISIONNAIRE. C'EST UN CRACK EN POLITIQUE, IL A LE VOLANT ENTRE LES DEUX MAINS. DORMEZ VOUS TRANQUILLES. "LE PAUVRE BACHAR"

    Gebran Eid

    13 h 21, le 08 octobre 2016

  • J'appelle tout cela , un recul stratégique, décrochage, repli, reculade, abandon, dérobade ou marche à reculons, package-deal, toasted chicken... Rayez la mention inutile !

    Un Libanais

    11 h 53, le 08 octobre 2016

  • quand le religieux se mele de politique....

    George Khoury

    10 h 30, le 08 octobre 2016

  • Eh bien voilà il suffisait d'expliquer pour que les esprits ouverts comprennent . Ne faire de deal que si les nouvelles mesures augmentent les pouvoirs du président, qui de surcroît se trouve être maronite , jusqu'à preuve du contraire .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 27, le 08 octobre 2016

  • PATRIARCHE RAI... SI VOUS TOMBEZ DANS LE PIEGE DES -SALLETS- INSPIREES PAR L,IRAN VOUS COMMETREZ UNE ERREUR IMPARDONNABLE ET OUVRIREZ TOUTE GRANDE LA BOITE DE PANDORE ET LE COMMENCEMENT DE L,ADIEU POUR LES CHRETIENS EN PREMIER ET POUR LES AUTRES COMMUNAUTES DU LIBAN ! ET AU LIEU D,UNIR LES CHRETIENS... CHER PATRIARCHE... VOUS ALLEZ LES DIVISER ENCORE PLUS !!! QUE LES CANDIDATS SE PRESENTENT ET QUE LES ELECTIONS DEMOCRATIQUES EN DECIDENT... ILS SONT TOUS LES DEUX DE LEUR CAMP ALORS POURQUOI LES SALLETS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 17, le 08 octobre 2016

  • Non madame bien qu'on y trouve dès chose interessente, le package deal ne passera pas car il manque au dialogue un acteur important qu'on ne peut pas nier !! De plus le package deal ne saurai être une condition à l'élection d'un président

    Bery tus

    05 h 48, le 08 octobre 2016

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