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Culture - Événement

Il était un jardin qu’on appelait... l’art

Défi relevé pour l'équipe de Art in Motion qui a réussi avec panache à déplacer l'art dans la rue, plus précisément dans le jardin René Moawad (anciennement Sanayeh). Une flânerie qui ressuscite vivement l'esprit de la capitale.

Le dôme de Yok Yok, réalisé à partir de journaux libanais.

Déterminées à redonner au jardin René Moawad son sens et son essence puisqu'il a été confronté à tous les conflits, toutes les difficultés et les querelles intestines, Rania Tabbara, Rania Halawi et Raya Farhat (les trois femmes derrière l'association à but non lucratif Art in Motion) ont joué la carte de la modestie et de l'art accessible, pas celle de la présomption et des œuvres coincées entre quatre murs. Avec le soutien des ministères de la Culture et du Tourisme, de la municipalité de Beyrouth, de nombreux sponsors, mais aussi avec l'aimable autorisation du collectionneur Samir Abillamaa et des galeries comme Agial et Tanit. Avec une passion et une flamme qui ne s'éteignent jamais, les cofondatrices, la directrice artistique et la consultante Valérie Reinhold, toutes quatre rejointes par un comité de consultants (Ahmad Tabbara, Rula Alami et Dina Zamely), ainsi que l'architecte Lina Ghotmeh, qui est intervenue sur l'aménagement de l'exposition, le jardin a refleuri d'œuvres artistiques et s'est mis à s'animer et à dialoguer avec le public. Tous les publics.

 

 

 

Delirium
« Une très belle initiative, très louable », disent certains promeneurs. « Il faudra la préserver », renchérissent d'autres. Les enfants se faufilent dans la pièce installée (et bien nommée) Delirium comme s'ils entraient dans une grotte aux horreurs, ou encore dans une galerie de miroirs déformants. Des mioches, assis à l'ombre d'une grande sculpture, jouent peut-être sans prêter attention à ce qui les entoure, mais certainement avec un regard qui capte et qui enregistre. Tout ce monde qui circule, observe, s'interroge, et même dialogue avec l'œuvre, contribue à la vie et la pérennité de celle-ci.
Sculptures en matériau du pays, précise Valérie Reinhold, dont telle était la condition pour qu'un artiste étranger participe à cette grande fête. Une fête où le dialogue se fait dans toutes les directions. Dialogue de cultures, d'abord, entre les artistes locaux et ceux d'Europe, et dialogue entre l'art et un public panaché formé d'enfants, de vieux et de jeunes.
À l'entrée du jardin, saluer d'abord les Citizenno zero en résine qui vous accueillent de leurs yeux, quoique désespérés, regardant vers le haut. Houmam al-Sayed transpose tout le désespoir de la Syrie dans une atmosphère bienveillante. La misère serait-elle moins pénible au soleil ? Le chanteur avait-il raison ?
Puis, croiser Yorgo, statue réalisée par Xavier Veilhan avec des techniques high-tech (gracieusement prêtée par le collectionneur Samir Abillamaa), ne dénote guère avec l'environnement mais diffuse une certaine lumière sereine.


Igloo orange

Ensuite, s'engouffrer dans le Delirium d'Ada Yu, fait de métal, de sable et de bois, une invitation à l'espace infini. Ou dans ce petit igloo orange de Cathy Weyders, appelé Moving worlds. Construit à partir de bouées de sauvetage, sa signification n'est pas si gaie puisqu'il évoque tous ces migrants qui tentent de s'évader et qui échouent en mer. Plus loin, le grand dôme de l'artiste Yok Yok réalisé à partir de journaux libanais reste accueillant. Structure éphémère, elle mêle les éléments de la nature, tels que le vent et la lumière, et fait appel à tous les sens des visiteurs.
Circuler parmi les statues fixes qui de jour en jour se mêlent à la nature, s'harmonisent, confirmant encore une fois la beauté du travail de l'homme. Car qu'est-ce qu'un arbre planté ou un métal sculpté sinon le prolongement de la main humaine et de la main céleste ? Et qu'est-ce que cet espace qui porte (non par hasard) son nom initial de Sanayeh, qui évoque les artisans ? L'Olivier de Abdel Rahman Katanani, bien qu'en fil barbelé, opère son propre dialogue avec ses autres confrères du jardin. Quant au cactus de Ziad Antar, il rappelle les anciennes frontières entre zones industrialisées et zones habitées, tout en ramenant aux questions de mutation des sociétés.

Passerelle idéale
S'attarder devant les totems de Marwan Rechmaoui réalisés à partir de matériaux de construction et évoquant les sept piliers de la sagesse. Mais aussi contempler Ninti, que dresse devant des regards attentifs Nancy Debs Hadad. Incarnant la déesse sumérienne de la vie, Ninti en fer rouge et noir symbolise toute la volonté de vivre, de survivre et de revivre de la capitale.
S'arrêter enfin et se reposer avant de reprendre le parcours : il y a tellement d'autres œuvres à voir, des installations et des performances visuelles. Alors on se love dans cette sorte de banc énorme, en fibre de verre, réalisé par Nabil Hélou. Ouvert de toutes parts, ses volutes font traverser la lumière. Il est la passerelle idéale entre l'art et le public. Permettant au premier de se décloisonner et au second de s'y fondre en cherchant paix et réconfort. Le but d'Art in Motion dans cette exposition intitulée Resistance Persistence serait ainsi totalement atteint. En attendant l'édition prochaine ?

*Jusqu'au 24 octobre, ouvert de 7h00 à 19h00, avec ateliers de travail et des rencontres avec les artistes.

 

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