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Campus - Entretien

Jean-Paul de Gaudemar : « L’université est fondamentalement un facteur de paix »

En visite au Liban, le professeur et recteur de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF) a plaidé pour une francophonie ouverte et confiante, et incité les universités à mieux se positionner comme opérateurs stratégiques de développement.

Aider les universités membres à relever les défis d'aujourd'hui, telle est la mission de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF) qui regroupe plus de 800 établissements d'enseignement supérieur répartis dans diverses régions du monde. En tête de ces défis, figure la qualité de l'enseignement supérieur, notamment face au nombre sans cesse croissant des étudiants inscrits dans les universités et les grandes écoles. Une problématique qui n'est pas étrangère aux institutions d'éducation supérieure libanaises. 

180 000 étudiants pour un pays de 4 millions et demi d'habitants, c'est considérable », affirme M. de Gaudemar en soulignant le caractère universel et irréversible de cette « extraordinaire poussée de la scolarisation supérieure », qui se traduit non seulement par une massification des effectifs universitaires, mais également par une grande diversité du public étudiant. La recherche de la qualité de l'enseignement supérieur soulève plusieurs questions. Les universités doivent innover et inventer de nouvelles méthodes pédagogiques, le modèle universitaire d'hier étant complètement dépassé, estime M. de Gaudemar. « D'où l'importance du numérique qui permet de s'adresser à des publics très nombreux tout en permettant à chaque étudiant de s'approprier de façon individuelle les enseignements », poursuit-il.

Associée étroitement à la qualité de l'enseignement, la recherche, « sans laquelle l'enseignement supérieur s'étiole très rapidement », constitue un autre défi pour les universités. Les disparités en matière de recherche sont importantes d'un pays à un autre, précise le recteur de l'AUF en notant par ailleurs l'existence de considérables inégalités dans ce domaine entre les universités libanaises. D'où l'importance de « la solidarité active » entre les établissements d'enseignement supérieur qui « était l'idée de base de l'AUF à son lancement au début des années soixante », rappelle M. de Gaudemar.
La qualité de l'enseignement supérieur comporte une troisième dimension, tout aussi importante, selon le recteur de l'AUF. Elle concerne la qualité de la gouvernance. « Là encore, l'AUF peut mettre en place des procédures d'assurance/qualité, des procédures d'évaluation et essayer de définir de véritables stratégies numériques », indique-t-il.

 

(Pour mémoire : Tout ce que fait réellement l'AUF au Moyen-Orient...)

 

Employabilité et insertion professionnelle
Pour cet ancien élève de l'École polytechnique, docteur d'État en sciences économiques, l'employabilité et l'insertion professionnelle des étudiants sont une priorité. « Il y a des dizaines de milliers de diplômés chaque année. Si la jeunesse la plus formée, la plus diplômée, celle qui a la vocation de porter la société dans les années qui viennent, se sent exclue, cela ne peut créer que des catastrophes à long terme », prévient-il. M. de Gaudemar, qui, au cours de sa visite au pays du Cèdre, a rencontré des représentants du secteur professionnel pour discuter des moyens et des actions à entreprendre afin de renforcer le lien universités/entreprises, propose pour améliorer l'employabilité des jeunes étudiants : 

D'abord que le monde économique et le monde universitaire se parlent, qu'ils dialoguent, qu'ils réfléchissent ensemble. Cela ne veut pas dire subordonner l'un à l'autre. » Rapprocher donc la sphère académique de l'univers professionnel, « repenser l'offre de formations et puis que les étudiants ne se pensent pas tous comme de futurs salariés mais se projettent le plus spontanément possible aussi dans le fait d'être eux-mêmes de futurs créateurs d'activités », ajoute M. de Gaudemar en soulignant la vocation de l'université d'être un outil de développement local. « Pour être des moteurs de développement, il faut que les universités regardent autour d'elles, qu'elles acceptent de ne pas se cantonner dans leur rôle académique, qu'elles se préoccupent de leurs environnements. »

 

(Lire aussi : Le Liban est-il plus francophone que les autres ? La preuve par 7...)

 

Une francophonie ouverte et fédératrice
« Un dernier élément auquel je suis attaché, y compris dans un pays plurilingue comme le Liban, c'est l'ouverture aux autres cultures », confie le recteur de l'AUF en invitant les universités à porter cette « dimension interculturelle ». « Je plaide pour une francophonie décomplexée qui ne se sent pas menacée de toutes parts mais qui, au contraire, peut être forte et pour laquelle on peut plaider, non seulement parce qu'elle est porteuse de grandes valeurs, car nous sommes sur des problèmes réels, nous trouvons des solutions que nous partageons avec notre environnement », affirme-t-il.

Notons que le Bureau Moyen-Orient de l'AUF, dirigé par Hervé Sabourin, compte aujourd'hui 59 établissements membres répartis dans 13 pays de la région. « Notre travail est actuellement très centré sur le Liban, notre base principale, et sur l'Égypte. En même temps – et c'est un peu la conséquence de l'emballement de l'enseignement supérieur, les universités ont compris qu'il faut qu'elles développent et diversifient leurs relations internationales –, nous avons vu arriver vers nous des universités venant de pays qui ne sont pas spécialement francophones comme par exemple l'Iran, les pays du Golfe et le Soudan », ajoute M. de Gaudemar qui dit croire fortement « que l'université est fondamentalement un facteur de paix... Si nous pouvons, un tant soit peu, contribuer à ce rapprochement (entre les différents pays de la région) grâce aux universités, ça ne serait pas si mal. »

 

 

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