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Liban - Portrait

La petite histoire de Faouzi Mahfouz et du Tanzim, ou comment les jeunes chrétiens ont commencé à s’armer dans les années 60

Faouzi Mahfouz, connu par son nom de guerre « Abou Roy  », était l'un des fondateurs du Tanzim. Son décès il y a quelques jours à l'âge de 70 ans, des suites d'une maladie rénale, met en relief l'histoire de cette organisation paramilitaire clandestine qui a été l'une des premières à avoir formé des jeunes chrétiens à l'utilisation des armes, à la fin des années soixante.

L’une des affiches du Tanzim, datée de juillet 1977, frappée du slogan suivant : « Tu l’aimes (au Liban), travaille pour lui ». Photo tirée du site www.signsofconflict.com

L'un des piliers et principaux fondateurs du Tanzim, organisation paramilitaire formée à la fin des années 60, Faouzi Mahfouz, alias Abou Roy, est décédé il y a quelques jours. Sa disparition fait rejaillir l'une des phases cruciales de la crise libanaise qui a débouché sur le déclenchement de la guerre en avril 1975. Cette organisation clandestine avait en effet pour but d'encadrer et d'entraîner les jeunes chrétiens pour faire face aux organisations palestiniennes armées de l'époque.

Les frères Oubad et Nagib Zouein, deux des fondateurs du Tanzim – dont l'un des dirigeants était le député Georges Adwan, vice-président des Forces libanaises –,
évoquent pour L'Orient-Le Jour le souvenir d'Abou Roy en replaçant dans leur contexte les événements qui avaient alors ébranlé le Liban, lorsque la souveraineté et l'autorité de l'État central étaient menacées par l'implantation militaire de l'OLP dans le pays.

« Nous étions tous membres du parti Kataëb. J'étais moi-même en charge d'une unité du parti. J'étais le chef de Faouzi qui est devenu plus tard mon compagnon d'armes, souligne Oubad Zouein. Faouzi était un homme courageux, intransigeant, sincère, dévoué. Il avait toutes les qualités d'un chef. Il venait d'une famille de militaires. Son père était officier dans l'armée. »

 

(Lire aussi : Un Marseillais retrouve enfin la tombe de son père tué à Beyrouth en septembre 1975)


Dès la fin des années cinquante, notamment avec les événements qui avaient touché le pays en 1958, les chrétiens du Liban ont commencé à se sentir en danger. Le parti Kataëb et ensuite le Parti national libéral ont commencé à former des jeunes au maniement des armes. «  C'était une opération limitée aux jeunes membres des partis, note Nagib Zouein. Si on n'adhérait pas à un parti on ne pouvait pas être entraîné. Or il fallait protéger le Liban du danger des Palestiniens qui s'armaient et qui voulaient faire du Liban un pays de substitution. Ce sont donc les citoyens, même s'ils n'étaient pas partisans, qui devaient être formés aux armes. Et c'est ce que le Tanzim a fait », relève Nagib Zouein.

« C'est après les accords du Caire de 1969, permettant aux réfugiés palestiniens de s'armer au Liban et leur donnant implicitement le droit de combattre Israël à partir du Liban-Sud, que nous avons commencé vraiment les entraînements, ajoute-t-il. Faouzi a porté les armes en 1958. Il a combattu dans les rangs des Kataëb. Il avait 14 ans. »

« L'idée du Tanzim nous est venue en 1968, juste après les événements du mois d'avril, qui avaient opposé l'armée libanaise à une faction palestinienne. Quand nous avons vu comment la crise a été traitée, nous avons compris qu'il fallait agir. Faouzi et moi avons pris rendez-vous avec les membres du bureau politique du parti Kataëb et nous leur avons proposé nos idées. Celle entre autres de former les jeunes Libanais au combat  », note Oubad Zouein.

 

Plus de 12 000 jeunes, hommes et femmes
Nagib Zouein souligne dans ce cadre que « le mouvement a été d'abord clandestin ». « Il a bénéficié ensuite de l'appui d'une congrégation religieuse maronite, qui a donné un terrain pour l'entraînement (à Tabriyé) dans le jurd du Kesrouan, à Fatqa, précise-t-il. C'était un couvent désaffecté. » Et d'ajouter : « Compte tenu de la situation qui sévissait dans le pays et de l'incapacité de la troupe à agir contre les Palestiniens armés, et du fait qu'aucune décision politique n'était prise sur ce plan, l'armée a fermé les yeux sur les entraînements. Plus tard, nous avons été accusés, à tort, d'être de connivence avec le Deuxième bureau. Ce qui n'était certes pas le cas. »


Oubeid Zouein souligne en outre qu'«  au début, nous avons commencé nous-mêmes à informer les personnes de confiance de nos entraînements ». « Et puis les gens ont commencé à venir seuls, spontanément, indique-t-il. Jusqu'en 1975, nous avions formé 12 000 jeunes, hommes et femmes, aux armes. Nous achetions les munitions de nos économies et les jeunes payaient pour leur entraînement, que ce soit pour leur alimentation dans le camp ou les munitions qu'ils utilisaient. Nous n'avions pas de nom. Comme nous étions clandestins, les gens ont fini par nous appeler Tanzim (que l'on peut traduire en français par Organisation), relève aussi Oubad Zouein. Cette organisation n'avait pas de chef non plus. Faouzi Mahfouz était notamment en charge de la logistique. Il excellait dans tout ce qu'il faisait. Il se donnait à fond dans tout ce qu'il entreprenait. On le surnommait le bulldozer. Il a joué des rôles importants dans diverses batailles. »

Et de poursuivre : « Lors de la guerre des 100 jours à Achrafieh, en 1978, qui avait opposé les Forces libanaises à l'armée syrienne, il a fait sortir trois camions d'obus de mortier d'Achrafieh, sous le nez des soldats syriens qui encerclaient ce quartier chrétien de Beyrouth. Le but était de faire sortir ces armes et les amener jusqu'au fleuve (de Beyrouth) afin de pouvoir bombarder les Syriens déployés autour d'Achrafieh. Sa témérité a payé et je ne sais pas par quel miracle il a réussi à sortir ces munitions. »


Oubad Zouein évoque également le siège de Zahlé en avril 1981. « Abou Roy était grec-catholique, comme la majorité des habitants de la capitale de la Békaa, et il a joué un rôle dans la défense de Zahlé, indique-t-il. Un an plus tôt, il avait formé un groupe de jeunes. Après leur entraînement, il les a amenés à pied du jurd du Kesrouan jusqu'à Zahlé. Il souffrait depuis qu'il était jeune d'une insuffisance rénale. La maladie s'est accentuée au fil des ans et a fini par le tuer. »
Faouzi Mahfouz a rejoint les rangs des Forces libanaises qui étaient formées de quatre instances : les Kataëb, le PNL, les Gardiens du cèdre et le Tanzim. Il y est resté jusqu'en 1986, quittant les FL à l'issue des combats entre Samir Geagea et Élie Hobeika.

 

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commentaires (3)

LES APPREHENSIONS NEES D,IRRESPONSABLES DECLARATIONS ET D,ULTIMATUMS CREE LE DESESPOIR ET LA CRAINTE DU DEVENIR ET CONDUISENT MALHEUREUSEMENT TOUJOURS VERS L,ULTIME !!!

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 54, le 06 octobre 2016

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Commentaires (3)

  • LES APPREHENSIONS NEES D,IRRESPONSABLES DECLARATIONS ET D,ULTIMATUMS CREE LE DESESPOIR ET LA CRAINTE DU DEVENIR ET CONDUISENT MALHEUREUSEMENT TOUJOURS VERS L,ULTIME !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 54, le 06 octobre 2016

  • S'aimer, oui comme la totalité des citoyens américains ou suisses, et avoir une formation pour le maniement des armes, oui, former des associations citoyennes de défense de lieux à majorité confessionnelle oui... Mais attention! Aujourd'hui il y a tellement d'armes de destruction "massive" distribuées à des "terroristes" qu'il faut laisser à l'Etat la tâche de défendre "le pays"; Les particuliers ne pourront jamais s'y substituer

    Chammas frederico

    13 h 59, le 06 octobre 2016

  • Faouzi Mahfouz etait UN homme admirable paix a son ame

    Sursock Georges

    13 h 54, le 06 octobre 2016

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