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Économie - Liban - Compte rendu

Le Conseil économique et social veut redonner de la voix

En publiant un état des lieux actualisé de l'économie libanaise, le président du Conseil économique et social, Roger Nasnas, espère lui donner un second souffle.

Selon Roger Nasnas (deuxième en partant de la gauche), l’étude vise essentiellement à encourager le dialogue entre tous les acteurs économiques et sociaux. Photo Ibrahim Tawil

Presque dix ans après avoir dirigé un premier ouvrage collectif sur la situation économique du Liban – intitulé Le Liban de demain, vers une vision économique et sociale –, le président du Conseil économique et social (CES), Roger Nasnas, a présenté, hier, au Grand Sérail, une version actualisée de cette étude. Une récidive assumée dès le titre : Le Liban de demain, vers un développement économique et social. « Cette nouvelle étude met en perspective les différents défis auxquels l'économie et la société doivent faire face, tandis que l'ouvrage de 2007 proposait une approche plus sectorielle », indique M. Nasnas à L'Orient-Le Jour.

Écrit en collaboration avec une vingtaine d'experts et de responsables politiques, l'ouvrage a été qualifié par le Premier ministre Tammam Salam, qui a présidé la cérémonie, de « feuille de route pour mener le Liban vers la prospérité », tandis que le ministre du Travail, Sejaan Azzi, l'a de son côté loué pour « la diversité des thèmes abordés et des intervenants qui ont été mis à contribution pour le réaliser ». Un concert de louanges auxquelles se sont également joints les présidents respectifs des organismes économiques (OE), Adnan Kassar, de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Beyrouth et du Mont-Liban (CCIAB), Mohammad Choucair et de la Confédération générale des travailleurs au Liban (CGTL), Ghassan Ghosn.

 

(Pour mémoire : Le président du Cese annonce la création d'un Conseil économique et social de la Méditerranée)

 

Laissé à l'abandon
Bien que manifeste, cet enthousiasme contraste toutefois avec la situation de l'assemblée présidée par M. Nasnas, laissé à l'abandon par les gouvernements successifs. Une situation que M. Nasnas espère pouvoir changer avec la publication du nouvel ouvrage. « L'étude vise essentiellement à encourager le dialogue entre tous les acteurs économiques et sociaux afin d'élaborer une stratégie à long terme pour développer le pays », ajoute-t-il. Un objectif qui ressemble à s'y méprendre à la mission du CES définie par la loi 389 du 12 janvier 1995 qui institue cette assemblée consultative rattachée au Conseil des ministres.
La loi 389 – modifiée par la loi n° 533/96 – charge en effet le CES « d'assurer la participation des secteurs économiques, sociaux et professionnels à l'élaboration, à titre consultatif, de la politique économique et sociale de l'État » en stimulant notamment « le dialogue et la coordination » entre ces derniers. « Une mission qui lui impose de rassembler plus de 70 membres issus d'organisations professionnelles et syndicales dans tous les secteurs d'activités représentés au Liban (Association des industriels, ordre des avocats, etc.), auxquels s'ajoutent des experts nommés en Conseil des ministres ainsi qu'un représentant de la diaspora », rappelle M. Nasnas.

Pour rappel, M. Nasnas exerce dans le privé les fonctions de président d'AXA Middle East.
« L'existence du CES – dont l'organisation est inspirée du modèle français – avait été consacrée par les accords de Taëf de 1989, mais sa création a été longtemps reportée par les responsables politiques, qui n'en voyaient pas l'utilité », poursuit-il. Un désintérêt qui va d'ailleurs se prolonger même après la prise de fonctions de la première – et unique – assemblée avalisée par le Conseil des ministres. « Au début de mon mandat de président du CES, je n'avais ni local, ni budget, ni personnel », raconte encore M. Nasnas, qui affirme avoir lui-même assuré les coûts de fonctionnement de cette assemblée – qui n'ont pas été communiqués. En 2001, on lui attribue « 3 assistants » en lieu et place de « l'effectif de 50 personnes » devant initialement être affecté au CES. « Nous avons paralysé le CES pendant 20 ans », a reconnu le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, dans son discours.

De fait, l'assemblée ne sera même pas renouvelée à l'issue de son mandat, le Conseil des ministres ne parvenant pas à s'entendre sur sa nouvelle composition, tandis que Roger Nasnas est chargé de la gestion des affaires courantes « jusqu'à ce qu'une nouvelle assemblée soit constituée », une situation qui dure depuis maintenant presque 15 ans. « À défaut de pouvoir accomplir les missions du CES au niveau local, j'ai essayé d'entretenir l'influence de cette assemblée à l'international », relate encore M. Nasnas, qui a notamment participé à la création de la Ligue des CES arabes – dont il est le vice-président depuis 2015. Il milite actuellement pour la création d'un CES euro-méditerranéen, pour lequel aucun calendrier précis n'est encore fixé.

 

(Pour mémoire : Nasnas souhaite le développement des mutuelles de santé)

 

Plus de moyens
Cependant, au-delà de la simple question de moyens matériels accordés au CES, l'utilité de cette institution pâtit également des limites juridiques qui encadrent son action. « Il est regrettable que les avis rendus par cette assemblée, sans être forcément contraignants, ne puisse davantage influencer les décisions de l'État », déplore M. Nasnas. Présent à la cérémonie, l'économiste Roy Badaro, qui a contribué pendant un an avec d'autres représentants de partis politiques à l'élaboration d'un projet de réforme du CES piloté par l'ONG Common Space Initiative (CSI), va plus loin. « Les prérogatives accordées au CES et à son président sont trop limitées pour être efficaces », analyse-t-il. Il préconise notamment de « renforcer les pouvoirs de son président » et de « rendre obligatoire la soumission préalable d'un projet ou d'une proposition de loi au CES », même si son avis reste consultatif. « Le projet de loi est prêt et nous espérons le soumettre dès qu'un président de la République sera élu », indique-t-il.

Il reste qu'un renforcement des prérogatives du rôle du CES semble faire l'unanimité au sein des différents acteurs du secteur privé. « La réactivation de cette assemblée fait partie des priorités de l'Union nationale des syndicats des travailleurs (Fenasol) », affirme son président, Castro Abdallah, qui considère qu'il s'agit de « la seule institution où l'ensemble des problématiques socio-économiques peuvent être abordées de façon constructive. « L'économie libanaise a besoin d'un CES fort et qui représente tous les secteurs du Liban afin d'élaborer une stratégie adaptée aux spécificités du pays », estime de son côté le directeur du département de recherche du groupe Byblos Bank, Nassib Ghobril.

 

Pour mémoire

Salam se félicite de l'élection de Nasnas à la vice-présidence des CES arabes

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