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Moyen Orient et Monde - Je vous parle d’Alep...

II - Yasser, comptable à Alep : « Ne t’inquiète pas mon amour, nous sommes en vie, ne sois pas triste pour la maison »

On parlera plus tard d'Alep comme on parle aujourd'hui de Sarajevo, de Srebrenica ou de Grozny. On parlera de la politique de la terre brûlée menée par le régime syrien, les Russes et les Iraniens sous le regard des Occidentaux, impuissants. Parce que cette histoire tragique est en train de se passer à quelques kilomètres de nos frontières, parce que cette bataille symbolise, plus que n'importe quelle autre, la nature et les enjeux du conflit syrien, « L'Orient-Le Jour » a décidé de donner la parole aux Alépins pendant une semaine. Chaque jour, un Alépin, homme ou femme, vivant à l'Est dans les quartiers rebelles, ou à l'Ouest dans les quartiers loyalistes, médecin, infirmier, Casque blanc, marchand, combattant, photographe, étudiant ou autres, racontera son quotidien dans l'enfer d'Alep.
Aujourd'hui, le témoignage de Yasser Hemeish, comptable et responsable du stock à l'ACMC (Aleppo City Medical Council).

Un hôpital visé par des raids de l’aviation russo-syrienne dans le quartier rebelle de Maadi à Alep. Abdelrahman Ismail/Reuters

« Hier, ma famille et moi n'avons pas pu fermer l'œil de la nuit. Les bombardements ont commencé vers 3 heures du matin, et tous les habitants de mon quartier étaient aux aguets. Vers les 5 heures, une roquette s'est abattue sur l'immeuble où j'habite, dans le quartier de Maadi, vraisemblablement tirée depuis la citadelle historique dans la vielle ville sous contrôle du régime.

Après l'explosion, les deux derniers étages se sont effondrés, mais heureusement plus personne n'y résidait. Mes beaux-parents, ma femme et moi étions dans nos chambres au deuxième étage. Nous sommes restés tétanisés. Impossible de faire un pas. Je savais qu'un jour ça arriverait, que ce serait notre tour, car les habitations sont visées au hasard. Mais quand ça a été notre tour, c'était indescriptible. Je me devais de rester fort et de rassurer mon épouse enceinte de 5 mois. Elle était effrayée comme jamais, mais je lui disais : "Ne t'inquiète pas mon amour, nous sommes en vie, ne sois pas triste pour la maison." Nous sommes restés cloîtrés dans l'appartement jusqu'à l'arrêt des bombardements vers 7h du matin. Puis nous nous sommes habillés et j'ai emmené ma famille se réfugier dans le centre médical dans lequel j'officie. Sur le chemin, une nuée de gens est venue à notre secours.

 

(Lire aussi : Mohammad, infirmier à Alep : « Les enfants ne savent pas qui est Assad ou ce qu'est la rébellion »)

 

Beaucoup m'ont proposé de nous héberger chez eux en attendant de trouver un endroit sûr. Y en a-t-il encore ? Dans l'après-midi, nous avons regagné un appartement à l'abandon, dans notre rue. Ses propriétaires sont réfugiés en Turquie. Un espace vide, sans électricité ni eau bien entendu, comme partout ailleurs à Alep-Est. Je n'ai pas pu ramener d'affaires de chez moi. Les étals des marchés sont vides, donc impossible de trouver de quoi manger, à part du pain. Mais même le four voisin a été visé cette nuit-là et 7 personnes sont mortes. Ce soir, je suis encore en état de choc. Les émotions se confondent dans ma tête. Je suis tour à tour triste, mais reconnaissant que Dieu nous ait laissé la vie sauve. Je suis furieux aussi, mais c'est la peur qui prédomine car je n'entrevois pas le bout du tunnel. Ce soir, ce sont d'autres quartiers qui sont bombardés. J'ignore encore si je pourrai réussir à dormir, car qui sait ce qui peut se passer. Demain matin (aujourd'hui), j'irai au travail. On a besoin de moi... »

 

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« Hier, ma famille et moi n'avons pas pu fermer l'œil de la nuit. Les bombardements ont commencé vers 3 heures du matin, et tous les habitants de mon quartier étaient aux aguets. Vers les 5 heures, une roquette s'est abattue sur l'immeuble où j'habite, dans le quartier de Maadi, vraisemblablement tirée depuis la citadelle historique dans la vielle ville sous contrôle du régime.
Après...

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