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Liban - Décryptage

Pendant ce temps, au Yémen, la guerre continue...

Dans la guerre qui se déroule au Yémen depuis deux ans, les morts tombent par dizaines dans un pays presque totalement détruit sans que la communauté internationale se mobilise et encore moins les médias. Pourtant, cette guerre oubliée, d'une rare violence, est la clé de tous les règlements régionaux en raison de l'importance stratégique de ce pays et des enjeux impliqués dans ce conflit. La sécurité dans la mer Rouge en dépend et, avec elle, les intérêts stratégiques des États-Unis, d'Israël et des pays du Golfe.

Une délégation yéménite, qui a déjà eu du mal à quitter son pays, en raison du blocus sévère qui lui est imposé, tente de temps à autre de sensibiliser l'opinion publique internationale, mais, d'une part, ses moyens sont limités et, d'autre part, le monde a d'autres priorités.
Au cours de son passage à Beyrouth, cette délégation a rencontré des représentants des médias pour faire le point sur les développements politiques et militaires. En réalité, la situation reste bloquée. En deux ans de bombardements aériens intensifs et de combats sur le terrain, la carte militaire n'a pas beaucoup changé : les combattants Ansarullah (on les appelle aussi les houthis, en référence au fondateur de ce groupe) contrôlent le nord du pays et la capitale Sanaa et les forces du président déchu Abed Rabbo Mansour Hadi, appuyées par l'Arabie saoudite et la coalition qu'elle a formée, se partagent le contrôle du Sud avec les forces d'el-Qaëda et celles de Daech nouvellement implantées dans certaines provinces.

En dépit d'affrontements féroces, les forces de la coalition n'ont pas pu avancer dans la province stratégique de Ma'rib, et le seul changement notoire est dans la progression des forces yéménites en territoire saoudien. Ansarullah et son allié l'ancien président Ali Abdallah Saleh contrôlent désormais effectivement une profondeur de 10 km en territoire saoudien, mais ils maîtrisent par leur puissance de feu une surface allant jusqu'à 50 km. Selon la délégation yéménite, rien n'indique qu'ils sont sur le point de s'épuiser ou d'être à court de munitions ou de missiles. Par contre, Daech est en train de se renforcer à l'est et au sud du pays. Ce qui constitue une menace potentielle non négligeable pour la sécurité du passage à travers la mer Morte.

Toutes les tentatives menées jusqu'à présent par la coalition pour briser ce statu quo et marquer une victoire même symbolique sur Ansarullah et Saleh ont échoué, sans pour autant pousser les protagonistes à chercher un accord politique. Les dernières négociations qui se sont déroulées au Koweït sous l'égide de l'Onu n'ont pas abouti et les raids aériens ont repris de plus belle. Il faut noter aussi que la délégation d'Ansarullah qui a participé aux négociations du Koweït n'a pas encore pu regagner son pays, en dépit des promesses koweïtiennes, les Saoudiens qui contrôlent l'espace aérien yéménite ayant interdit à l'avion qui la transportait d'atterrir. La délégation attend donc toujours à Mascate, où elle a échoué, l'autorisation de revenir à Sanaa. Les plus optimistes pensent que cette résidence forcée à Mascate (Oman) pourrait être l'occasion de lancer un nouveau processus de négociations, mais pour l'instant aucun indice n'est venu confirmer cette supposition.

Selon la délégation yéménite, le blocage des négociations viendrait essentiellement de l'entêtement saoudien à vouloir revenir au statu quo qui régnait avant le déclenchement de la guerre, autrement dit, à contraindre Ansarullah à se retirer de Sanaa. La délégation estime que cette exigence est totalement irréaliste, d'abord parce que deux ans de combats n'ont pas permis aux forces soutenues par l'Arabie d'avancer d'un pouce vers la capitale, ensuite parce que ce groupe évolue dans un environnement favorable dans le nord du pays. C'est d'ailleurs parce que le Sud (notamment Aden) ne lui est pas favorable qu'il s'en est retiré, pour en laisser le contrôle à Hadi et à ses alliés. Aujourd'hui, il faut donc faire preuve de réalisme. Ansarullah et Saleh n'exigent pas le pouvoir, mais ils ne peuvent pas non plus en être exclus. De même, en dépit de toutes les pressions pour la défaire, l'alliance entre Ansarullah et Saleh tient bon, sachant que l'ancien président tient toujours d'importants rouages au sein de l'État yéménite et son parti a deux tiers des sièges au Parlement.

Toute solution doit donc tenir compte de ces données, et même si le monde entier a fermé les yeux sur l'offensive saoudienne et tenté d'exercer des pressions sur Ansarullah, cela ne change rien aux données actuelles. Selon la délégation yéménite, les négociations du Koweït auraient été ouvertes pour permettre aux forces de Hadi appuyées par la coalition de se ressaisir et de se reconstituer. Ces forces n'auraient donc pas vraiment cherché à conclure un véritable cessez-le feu, et une fois les négociations terminées, elles ont repris leur offensive, en vain. Il est clair que les lignes de démarcation se sont stabilisées et les raids aériens ne permettent pas d'avancées sur le terrain, mais causent un surplus de dégâts et provoquent encore plus de morts.

Le secrétaire d'État américain a bien tenté de proposer une solution, mais elle s'est aussi heurtée au refus saoudien de faire des concessions. En attendant, l'influence de Daech est en train de grandir dans le sud du pays. Comme quoi, on sait comment commence une guerre, mais on ne sait pas comment elle peut finir, et si nul n'y prend garde, le Yémen du Sud pourrait devenir un nouveau bastion pour les terroristes...

 

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commentaires (3)

ET EN SYRIE... EST-ELLE FINIE ? POURQUOI PAS DE PAREILLES ANALYSES... ON SE LE DEMANDE !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 26, le 29 septembre 2016

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Commentaires (3)

  • ET EN SYRIE... EST-ELLE FINIE ? POURQUOI PAS DE PAREILLES ANALYSES... ON SE LE DEMANDE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 26, le 29 septembre 2016

  • Merci Scarlett pour seulement en avoir parlé. Ce qui prouve que vous ne faites pas partie de cette catégorie de journaliste qui ne prennent que les sentiers battus du politiquement correct . Respects .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 16, le 29 septembre 2016

  • Tant que les Arabes se battent entre eux nous aurons la paix au Liban avec ou sans Président, gouvernement ou parlement. De plus, tous ces conflit vont encore traîner dans le temps affaiblissant les criminels de la régions sont-ils des dictateurs, monarques ou islamistes véreux et sans scrupules. Pour l'occident (USA et Europe) comme pour l'Orient (Russie et Chine) il est important de sécuriser les ressources de l'Est Méditerranéen. Il ne restera donc pas de partis qui risques de mettre en danger les investissements qui se prépares. L'avenir de cette région est donc tout tracé et ce n'est certes pas le Hezbollah, l'Iran ou l’Arabie qui le changeront.

    Pierre Hadjigeorgiou

    08 h 59, le 29 septembre 2016

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