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Moyen Orient et Monde - Irak

Dans la célèbre rue Karrada Dakhil, à Bagdad, un bras de fer entre la vie et la mort

La menace d'attentat reste constante sur cette artère commerçante de la capitale irakienne qui refuse de céder au terrorisme.

Une Irakienne longe la rue Karrada Dakhil qui a connu, en juillet dernier, l’attentat le plus meurtrier de Bagdad, faisant 323 victimes. Photo prise le 31 juillet 2016. Sabah Arar/AFP

L'histoire des frères irakiens al-Fatlawi est à l'image de celle de la célèbre rue commerçante Karrada Dakhil dans leur quartier de Bagdad, un bras de fer tragique entre la vie et la mort face à la violence jihadiste.
Située sur la rive orientale du fleuve Tigre, la rue Karrada Dakhil est depuis longtemps un des endroits favoris des Irakiens pour boire un café ou faire des emplettes avec des amis ou en famille. On y trouve pêle-mêle des boutiques de mode masculine, de vaisselle et linge de maison, de glaces, de fruits et légumes, des terrasses de restaurant agrémentées de brumisateurs pour attirer les clients assommés par la chaleur, mais aussi, selon la saison, des stands ambulants proposant de savoureuses dattes fraîches. Mais, depuis des mois, cette artère animée est devenue une cible de choix pour les jihadistes du groupe État islamique (EI) qui y ont multiplié les attentats, semant la mort à coups de bombes.

La rue des attentats
En juillet, c'est dans cette rue que l'EI a perpétré l'attentat le plus meurtrier jamais commis à Bagdad, tuant 323 personnes. Hussein et son frère Ali, des habitants du quartier tous deux âgés d'une vingtaine d'années, avaient alors été parmi les premiers à atteindre le site du carnage pour aider les blessés.
« Après le début de cette série d'attentats à la bombe, Ali a ressenti beaucoup d'empathie pour les victimes. Dès qu'il y avait une explosion, lui et son frère Hussein étaient toujours les premiers volontaires sur place » pour aider les secours, raconte leur oncle Hossam.
Et puis il y eut cette nuit du 5 septembre 2016. Hussein rentrait chez lui peu avant minuit. Il avait gravi la moitié des escaliers conduisant à son appartement quand il a entendu l'explosion d'un véhicule piégé par l'EI dans la rue Karrada, une nouvelle fois. « J'ai pris mon téléphone portable et j'ai appelé mon frère Ali pour qu'on se donne rendez-vous et qu'on aille aider les victimes », raconte-t-il. Mais Ali ne répondit pas et Hussein eut un mauvais pressentiment.
Il se mit à chercher Ali et finit après des heures par le trouver, à la morgue, mort, tué par la bombe de l'EI dans leur chère rue Karrada. L'explosion a fauché Ali, quelques jours avant qu'il ne quitte l'Irak pour les États-Unis dans l'espoir de réaliser un de ses souhaits les plus chers. « Son rêve était d'avoir des enfants et cela allait peut-être devenir possible en Amérique », raconte son père Hassan en expliquant que le couple, marié depuis cinq ans, comptait suivre un programme de procréation médicale assistée aux États-Unis.

Karrada se relève
Depuis sa mort, la famille tente de revivre dans son quartier de Karrada. À l'image d'autres habitants qui, malgré la mort et les bombes, veulent que la rue du même nom reste aussi animée qu'avant pour montrer aux jihadistes qu'ils ne se soumettront pas à la violence. Fin août, un café-librairie a ouvert sur Karrada Dakhil avec un concert d'inauguration. Une des stars de la littérature irakienne, Ahmed Saadawi, y a également lu une partie de son dernier roman.
« C'est un endroit fabuleux pour les jeunes qui veulent un endroit tranquille, où on peut parler librement, acheter des livres et siroter un café », confie Muhannad al-Husseini, un client âgé de 25 ans. « Karrada se relève, surtout maintenant que les débris de l'explosion ont été nettoyés », ajoute-t-il.
La rue continue d'être fermée à la circulation régulièrement après les attentats, même si les autorités ont placé à ses entrées des portiques mobiles de détection pour sécuriser la zone. Quand les voitures ne peuvent pas passer, des bus emmènent toutefois les passants d'un bout à l'autre de la rue. Et les enfants profitent de l'absence de voiture pour jouer au football au milieu de la rue ou faire du vélo. Les cafés et les restaurants persistent eux aussi à rouvrir même si presque chacun d'entre eux a été détruit au moins une fois par une bombe. « C'est bien de voir que les gens continuent à vivre, et j'espère que de plus en plus de gens se tourneront vers ce genre d'activités culturelles », dit Muhannad en évoquant le café-librairie.
Il reste malgré tout conscient de la menace constante d'attentat alors que le pays mène une guerre contre l'EI et souffre d'une classe politique corrompue, qui entretient souvent les divisions confessionnelles et ethniques. « Notre gouvernement et notre Parlement sont en partie responsables des problèmes qui nourrissent le terrorisme, et jusqu'à ce qu'ils changent, nous devons nous préparer à d'autres attentats à la bombe. »
Ammar KARIM et Safa MAJEED/AFP

L'histoire des frères irakiens al-Fatlawi est à l'image de celle de la célèbre rue commerçante Karrada Dakhil dans leur quartier de Bagdad, un bras de fer tragique entre la vie et la mort face à la violence jihadiste.Située sur la rive orientale du fleuve Tigre, la rue Karrada Dakhil est depuis longtemps un des endroits favoris des Irakiens pour boire un café ou faire des emplettes avec...

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