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Lifestyle - La bonne nouvelle du lundi

Ai Weiwei dédie son prix Lennon-Ono à une ONG libanaise

Crise des déchets, attentats, coupures d'électricité, malaise social, clivages politiques accrus, tensions communautaires... Face à l'ambiance générale quelque peu délétère, « L'Orient-Le Jour » se lance un défi : trouver une bonne nouvelle chaque lundi.

Ai Weiwei et Nora Joumblatt dans la Békaa en avril 2016. Photo fournie par Nora Joumblatt

Le 9 octobre prochain, à Reykjavík, en Islande, Ai Weiwei recevra avec trois autres lauréats (les artistes islandais Olafur Eliasson, indo-britannique Anish Kapoor et hongroise Katalin Ladik) la bourse Lennon-Ono pour la paix, des mains de Yoko Ono, veuve du John Lennon, membre des Beatles assassiné en 1980 à New York.
Lors de la cérémonie, le célèbre artiste dissident chinois remettra son prix à Kayany, une ONG libanaise qui ouvre des écoles pour les réfugiés syriens dans la Békaa.

«Honnêtement, à l'annonce de la nouvelle, je n'y ai pas cru. J'étais à court de mots», se rappelle Nora Joumblatt, présidente et fondatrice de Kayany, interrogée par L'Orient-Le Jour. «Ce n'est pas le montant qui est important (le prix est doté de 25000 livres sterling, soit 32695 $), mais le geste. Je suis très honorée qu'un artiste iconique et un grand humaniste comme Ai Weiwei ait choisi une ONG libanaise qui s'occupe des réfugiés syriens. C'est une très belle chose», se réjouit encore Mme Joumblatt.

(Pour mémoire : Ai Weiwei à « L'Orient-Le Jour » : Même dans l'affreux, il y a toujours l'espoir d'un meilleur)

La voix des réfugiés

Depuis l'été 2015, la star chinoise de l'art contemporain met son militantisme au service des réfugiés et multiplie les interventions engagées. On se souvient ainsi de son installation à Berlin où, en plein Festival du film, en février 2016, il avait tapissé les colonnes néoclassiques de la Konzerthaus de 14 000 gilets de sauvetage abandonnés sur le rivage de l'île grecque de Lesbos. En juillet, il avait fait flotter plus d'un millier de gilets au palais du Belvédère de Vienne. Quelques mois auparavant, il avait posé sur une plage de Lesbos dans la posture d'Aylan Kurdi, ce petite Syrien retrouvé mort noyé sur une plage turque et dont la photo avait fait le tour du monde.

L'artiste de 59 ans réalise actuellement un documentaire sur les réfugiés, intitulé pour l'instant The Human Flow. Une production qui l'a d'ailleurs mené en avril 2016 au Liban, à Ersal et Bar Élias notamment, pour rencontrer avec son équipe de tournage des réfugiés syriens et immortaliser leur quotidien. C'est lors de cette visite qu'accompagné de Nora Joumblatt, il a pu voir le travail de la fondation Kayany.

Ai Weiwei est «devenu, quelque part, un ami, et certainement un allié pour les réfugiés dans le monde; leur voix même. Il m'a raconté que lui-même a vécu en exil et est passé par des moments très difficiles quand il était enfant. Il sait ce que ça veut dire d'être réfugié», souligne Mme Joumblatt.

Construire des écoles

Fondée en 2013, l'ONG s'est donné pour mission de scolariser les enfants syriens les plus vulnérables, ceux qui vivent dans les camps informels de la Békaa. En partenariat avec le ministère des Affaires sociales, 6 écoles ont déjà été construites dans les camps ou à proximité, à Saadnayel, Bar Élias et Majdel Anjar, à partir de structures amovibles créées par l'Université américaine de Beyrouth et baptisées «Ghata». Deux écoles consacrées aux jeunes filles de 14 à 18 ans ont en outre été construites par la militante pakistanaise des droits de l'homme et Nobel de la paix Malala Youssefzai. Des formations techniques y sont dispensées : cours d'informatique, de couture, d'aide infirmière... Les professeurs bénéficient d'ateliers organisés par l'Unesco.

(Lire aussi : L'ambitieux projet des Clooney : offrir une éducation aux réfugiés syriens déscolarisés au Liban)

Dans ces écoles, 2 500 enfants syriens de 6 à 14 ans sont scolarisés. Mais des dizaines de milliers de petits réfugiés restent privés d'éducation au Liban. «Il y a 500000 enfants syriens dans le pays, un peu moins de 200000 sont inscrits dans les écoles publiques libanaises. Dans la Békaa, 78% des réfugiés syriens sont des femmes et des enfants et plus de 60% des enfants ne sont pas scolarisés, s'alarme Nora Joumblatt. Certains commencent à travailler dans les champs dès l'âge de 8-9 ans. Et après cinq ans de guerre, d'autres n'ont jamais mis les pieds dans une école. Ces chiffres se passent de tout commentaire. Sans éducation, c'est une génération perdue.»

Pour Nora Joumblatt, l'éducation est la priorité, pour donner un avenir à ces petits, ici ou ailleurs. «Les enfants sont les premières victimes de la guerre de libération contre le joug terrible de la dictature du régime syrien actuel. Cette situation a provoqué le plus grand mouvement migratoire de ce siècle. En tant que Syrienne de naissance, je me suis évidemment sentie particulièrement concernée. La moindre des choses que je puisse faire, c'est d'essayer d'aider ces enfants, de leur offrir une éducation, un avenir, et de leur rendre leur dignité», poursuit celle qui se rend dans la Békaa tous les lundis. «Sortir de leur tente et aller à l'école leur donne un semblant de normalité, tellement important après la guerre, l'exil et la misère. J'espère qu'ils pourront rentrer chez eux et reconstruire la Syrie.»

En attendant, Nora Joumblatt souhaite rendre hommage aux Libanais pour l'accueil qu'ils ont réservé aux réfugiés. « Ils ont été très accueillants. C'est formidable de leur part. On ne peut pas dire la même chose ailleurs, regrette-t-elle, en allusion aux politiques migratoires européennes. Mais je réalise quand même que ce petit pays menace de s'effondrer sous le poids d'environ 1,5 million de Syriens dans un silence international total. C'est inadmissible!»


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