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Moyen Orient et Monde - Focus

Les coptes encore loin du compte, malgré les bons liens avec Sissi

Les espoirs de la communauté forte de 8 millions de fidèles confrontés à de réels obstacles.

L’intérieur de l’église copte Saint-Marc, à Alexandrie. Photo Antoine Ajoury

C'est fait. Après des décennies d'attente, la loi sur les églises a enfin passé le vote du Parlement égyptien le 28 août dernier, malgré les contestations. Au cœur du débat, se trouve l'article 2 qui conditionne l'autorisation de bâtir un lieu de culte chrétien et en détermine la superficie. Cette loi constitue une victoire pour les coptes d'Égypte, notamment concernant la liberté de culte, malgré les voix qui se sont élevées pour la critiquer, dont celle de la députée chrétienne Nadia Henry qui y voit « une condition pouvant empêcher la construction des églises ».

Ce succès relatif n'est d'ailleurs pas le fruit du hasard. Il existe en effet un soutien mutuel entre la plus grande communauté de chrétiens d'Orient et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Tawadros II, pape de l'Église copte-orthodoxe, avait notamment été vu aux côtés du futur président Sissi le 3 juillet 2013, lorsque celui-ci annonçait publiquement le renversement du régime du président islamiste Mohammad Morsi. Ce soutien public semblait en apparence profiter autant aux coptes qu'au président. D'une part, les coptes voyaient dans le futur président un protecteur face aux attaques des Frères musulmans. Il était, selon Tawadros II, « l'homme de la situation contre l'hiver islamiste ». Une référence à la montée en puissance des mouvements islamistes après les révolutions arabes de 2011. En plus, les coptes aspiraient à une réelle citoyenneté qui leur est encore aujourd'hui refusée. D'autre part, le général Sissi avait récupéré le soutien d'une partie non négligeable de la population. On estime à environ 8 millions le nombre de coptes en Égypte, dont une partie appartient à une petite bourgeoisie commerçante urbaine.

(Lire aussi : L’Égypte se dote d’une loi sur la construction des églises)


La situation évolue peu
Or, malgré cet accord et un appel à la réforme religieuse encourageant lancé en 2013, la situation évolue peu. Les Égyptiens ne peuvent exercer librement leur droit de choisir une religion, un culte ou un rite sans que certains d'entre eux soient pris pour cible. Par ailleurs, la mixité entre chrétiens et musulmans est souvent source de vives tensions entre les deux communautés. De nombreux cas de violences, de meurtres ou même de kidnapping ont été signalés quand un individu de l'une des communautés se marie avec quelqu'un de l'autre.

Ce droit lié à la liberté de religion et de conscience « reste tabou » pour Martino Diez, directeur de la Fondation internationale Oasis qui travaille sur la connaissance et la rencontre entre chrétiens et musulmans. Il déplore ainsi que la loi du 28 août « n'améliore que la condition de la liberté de culte ».
En effet, le président Sissi n'a pas pu empêcher la poursuite des violences et des persécutions, certes ponctuelles, mais bien réelles. Selon l'Église copte-orthodoxe, 37 attaques sont à déplorer depuis 2013. Des salafistes et des Frères musulmans continuent à prendre pour cibles les églises et les fidèles, en Haute et Moyenne-Égypte notamment.


(Lire aussi : « C’est mon droit, en tant que citoyen égyptien, de prier dans une église et pas dans la rue »)

 

Pas d'alternative politique
Les espoirs d'une situation meilleure ne sont certes pas interdits pour les coptes, mais de réels obstacles persistent pour faire de l'alliance avec le président Sissi une source de réels progrès.
Tout d'abord, c'est l'opposition des milieux musulmans conservateurs majoritaires qui empêche de profondes évolutions. Pour Martino Diez, « au-delà des déclarations de façade, ils ne veulent pas entendre parler d'égalité ou de citoyenneté commune avec les coptes ». De plus, les coptes ne disposent en réalité que trop peu de marge de manœuvre pour profiter d'avantage de l'entente avec le pouvoir.
Actuellement, la société égyptienne n'offre pas aux coptes d'alternatives politiques sérieuses pour faire avancer les choses dans leur sens.

Par ailleurs, le président Sissi impose via le contrôle des médias et la répression un système autoritaire auquel les coptes sont bien obligés de se conformer. Non seulement parce qu'il n'est jamais bon de s'opposer à un président omnipotent, mais aussi parce qu'ils perdraient les acquis obtenus auprès d'un raïs historiquement ouvert sur la question copte. Du moins comparé à ses prédécesseurs. Il a été notamment le premier leader égyptien à assister à la messe copte de Noël. Aussi, comme l'explique Martino Diez, « l'Église ne peut que soutenir Sissi », au grand dam des croyants dont les voix s'élèvent pour dénoncer l'inefficacité du président.

Pour les coptes, mettre fin aux attaques des musulmans radicaux et dépasser l'horizon des années Moubarak, au cours desquelles, sans être nécessairement persécutés, ils restaient considérés comme des citoyens de seconde zone, ne semblaient pas être des objectifs inatteignables à l'arrivée du président Sissi. Or, ni ces attentes ni celles issues de l'alliance avec le président semblent aujourd'hui réellement accessibles.


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