Cela ressemble à un mea culpa. Ou au moins à une volonté de faire l'autocritique de son bilan avant que les autres ne s'en chargent. Pour la première fois, Barack Obama a reconnu, à demi-mot, que sa politique en Syrie était un échec. « La situation en Syrie me hante en permanence », a confié le président américain dans un entretien publié par Vanity Fair jeudi, alors que la trêve parrainée par Washington et Moscou a volé en éclats au bout d'une semaine.
« Savoir que des centaines de milliers de personnes sont mortes, des millions ont été déplacées ; tout cela me pousse à m'interroger sur ce que j'aurais pu faire différemment au cours des cinq ou six années écoulées », explique M. Obama qui quittera le pouvoir en janvier. Le premier président noir de l'histoire des États-Unis ne manque pas d'une certaine lucidité. Il sait que le dossier syrien est le talon d'Achille de son bilan en politique internationale. Que l'histoire retiendra que son inaction a eu comme double conséquence de laisser le régime syrien et ses alliés continuer de bombarder aveuglément les populations civiles et de permettre aux groupes les plus radicaux de prendre de l'ampleur à la faveur du chaos.
Le président américain admet son impuissance, mais refuse, pour autant, d'en assumer toute la responsabilité. « Les arguments classiques sur ce qui aurait pu être fait sont faux », assène-t-il. Il exprime ainsi son « scepticisme » face à l'idée selon laquelle fournir plus d'armes aux rebelles modérés aurait favorisé le renversement d'Assad ou que lancer des frappes aériennes contre le régime lorsque l'utilisation d'armes chimiques a été établie aurait eu un impact « décisif ».
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Renoncement
Si les États-Unis tentent aujourd'hui, coûte que coûte, de relancer le processus de paix en Syrie, leur pouvoir d'influence par rapport aux acteurs régionaux et locaux s'est considérablement réduit à mesure que la guerre s'est prolongée. Ceux-ci n'ont pas digéré les renoncements de M. Obama à essayer de changer la donne en Syrie. Son refus de mettre en place une no-fly zone, son aide conditionnée aux rebelles (les Américains ont accepté de former des rebelles à condition qu'ils combattent uniquement les groupes jihadistes), sa focalisation sur le combat contre l'État islamique (EI) et son soutien aux Kurdes syriens auront contribué à détériorer son image auprès des Turcs, des Saoudiens et de l'opposition syrienne.
Le moment le plus marquant de ce renoncement restera l'été 2013, où M. Obama avait annoncé que les États-Unis étaient prêts à frapper des cibles du régime syrien après une attaque à l'arme chimique – ligne rouge qu'il avait lui-même fixée – avant d'abandonner cette option. Il avait, dans un premier temps, fait part de sa décision de soumettre la question de l'intervention à un vote du Congrès, écartant de facto une action militaire à court terme, puis avait accepté une proposition russe de destruction des armes chimiques syriennes. M. Obama a-t-il manqué de courage ou disposait-il d'informations suffisantes pour le convaincre que l'intervention n'était pas la meilleure option ? C'est la seconde option que le président américain met aujourd'hui en avant sans être très convaincant pour autant.
(Pour mémoire : La véritable erreur d’Obama en Syrie)
Trop/pas assez d'Amérique
Parce qu'il a passé une grande partie de ses deux mandats à tenter de corriger les erreurs de son prédécesseur, M. Obama connaît le prix d'une intervention militaire dans le monde arabe. Les facteurs historiques ont certainement dû peser lourd dans la tête du dirigeant de la première puissance mondiale au moment de prendre sa décision. Sans doute a-t-il estimé que le risque était trop important par rapport aux possibilités de résultats. Mais en revenant sur sa parole, M. Obama a perdu une grande partie de sa crédibilité dans le monde arabe, alors que son arrivée au pouvoir, flanquée du discours du Caire, avait créé une forte attente à son égard. Et sa politique, à l'inverse de celle de son prédécesseur Georges W. Bush, a mis en évidence le prix de la non-intervention.
« D'habitude, je suis plutôt bon pour examiner différentes options et prendre les décisions qui sont, à mon sens, les meilleures du moment en fonction des informations dont je dispose », explique le président américain. « Mais il y a des moments où j'aurais aimé avoir pu imaginer d'autres solutions », ajoute-t-il.
« Je me demande régulièrement: y avait-il une initiative à laquelle nous n'avons pas pensé ? Y avait-il une voie, au-delà de celles qui m'ont été présentées, que Churchill ou Eisenhower auraient imaginée ? » s'interroge le président américain. C'est cet équilibre entre l'intervention musclée et l'inertie totale, entre le trop d'Amérique et le pas assez, que le président américain n'a jamais réussi à trouver en Syrie. En axant toute sa stratégie sur le combat contre l'EI, sans pour autant proposer une alternative politique aux sunnites, Washington a limité sa marge de manœuvre à des objectifs à court terme. En refusant de faire pression sur le régime, Washington s'est retrouvé isolé, critiqué par les deux camps et sans allié fiable sur lequel s'appuyer sur le terrain.
« J'ai échoué mais je ne sais pas s'il était possible de faire mieux », dit aujourd'hui, en quelque sorte, le président américain, dans un exercice de confession-réflexion qu'il affectionne particulièrement.
Dans un article publié par le journal Le Monde intitulé « Le jour où Obama a laissé tomber Hollande », publié le 24 août 2016, le président français résumait les enjeux de la non-intervention avec honnêteté: « Je ne sais pas ce que cela aurait donné si on avait frappé, peut-être qu'on se reverrait et que vous me diriez : "Vous avez frappé, mais il y a Daech qui est là, c'est de votre faute." Ce que je peux dire, c'est qu'on n'a pas frappé... et il y a Daech. »
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commentaires (8)
on s'en tape de ce qui se passe en irak et ailleurs nous ce qui nous intéressent c'est le liban et ses voisins Obama aurait du frapper fort les criminels du regime syrien et aurait degager assad ... mais maintenant il y a une connivence entre russe et americain ASSAD ET L'IRAN EN PAYERONT LES FRAIS !!
Bery tus
19 h 22, le 24 septembre 2016