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Liban - Boussole

Positions de principe

Non au blocage, à la rodomontade, au chantage, au torpillage, au catastrophisme, à l'engueulade, au factionnalisme, à l'invective, au sectarisme, à l'extrémisme, à la menace et non à toutes autres annonces de violence, d'escalade et de partitionnisme. Le pays est fatigué, et aux appels à l'escalade, comme les actions menaçantes de cette semaine, doivent être opposées des positions de principe. La plus belle leçon du Coran pour l'humanité est de la décrire comme un juste milieu, umma wasat, succédané humaniste de la règle d'or d'Aristote. Je propose d'opposer aux extrêmes cette position de principe humaniste, et ses applications actives.

Aussi me permets-je poliment, malgré ma colère, de dire à M. le député Aoun et à son gendre d'arrêter le blocage, la rodomontade, le chantage, etc. (voir plus haut). Ou plutôt, parce qu'ils ne s'arrêteront pas, je me permets d'appeler les Libanaises et Libanais qui ont cru en lui un moment à prendre encore plus de distance et à rejoindre le Liban humaniste que M. Aoun met de nouveau en péril. Le pays meurtri et l'économie à la dérive n'en peuvent plus d'inventions constitutionnelles délétères que sa faction invente tous les jours pour ne pas élire un président suivant les prescriptions constitutionnelles, dernières en date le taatil – blocage, torpillage, à vrai dire il n'y a pas de concept constitutionnel dans le monde pour rendre à cette invention la traduction qui lui sied – et la nausée collective s'installe face aux variations creuses sur un soi-disant mithaq, – pacte, mais qu'est-ce que la Constitution sinon un pacte fondateur, auxquels des ignares de son groupe veulent opposer un « pacte politique » aussi fluide qu'extraconstitutionnel ?

M. le torpilleur en chef mérite une description détaillée des malheurs qu'il a infligés à nos vies à trois reprises durant sa carrière politique, la première fois du putsch de 1988 au désastre d'octobre 1990, alors que des officiers de l'armée se faisaient tuer pendant que le commandant en chef autopromu en président putschiste prenait l'avion pour Paris ; la seconde fois par le torpillage de la révolution du Cèdre – qui lui avait permis de rentrer au pays et que nous avons faite sans lui –,  en empêchant le changement de président, de 2006 à 2008, en bloquant le pays dans un pacte contre nature alors que ses camarades au Parlement se faisaient assassiner dans la rue en toute impunité par ses alliés ; et maintenant, la troisième fois pour ma génération, et depuis trois ans, le blocage du pays revendiqué dans une nouvelle catégorie politique made in Lebanon, « à la tête de l'État, ma personne ou personne ».

Le Liban était le premier « État failli » avant la lettre, M. Aoun a présentement réussi à créer le poste assez spécial de dictateur avant la lettre, vocable que Philémon lui-même n'aurait pu inventer dans la bande dessinée la plus hallucinatoire.
Il n'empêche que, comme tous prototyrans et tyrans de l'histoire, il faut faire la part des choses et ne pas se dénuer d'une position de principe. M. Aoun a raison : il n'est pas juste, et je pense même qu'il est illégal, de prolonger le mandat du commandant de l'armée. Par respect pour l'armée surtout, qui a en ses rangs un grand nombre de généraux (ou colonels, excusez ma pauvre connaissance de la nomenclature), officiers de valeur qui méritent ce poste important de fin de carrière. J'ai vu une fois le général Kahwaji, brièvement dans l'antichambre de la rencontre avec le président Hollande, il m'a fait bonne impression. Raison de plus : respecter la loi est essentiel pour la place du général Kahwaji dans l'histoire, et surtout pour le renouveau de l'armée comme une institution neutre et apolitique respectée et aimée par l'ensemble du pays. Une loi qui passe son temps à se faire des exceptions n'est pas une loi. Elle est un chiffon de papier.

Pour le principe aussi, un mot à mon ancien étudiant, M. le député Sami Gemayel. J'ai dû gravement échouer à faire passer le message de base en lui prodiguant mes cours de droit européen : que l'Europe est avant tout une construction constitutionnelle, un bâti juridique. Et que si quelques députés européens frustrés s'amusaient à bloquer les services publics en coupant la route aux camions de voierie, ils ne survivraient pas longtemps. De profiter d'un pays à la dérive pour rendre si misérable la vie des gens en bloquant le ramassage des ordures est illégal, nauséabond et gratuitement méchant. Et si M. Gemayel a par ailleurs raison, qu'il faut avant tout élire le chef de l'État, au lieu de jouer au bandit de grand chemin dans un pays traumatisé, qu'il rejoigne plutôt notre appel à l'application de la Constitution. Après les malheurs interminables de notre État failli, il ne fait qu'ajouter aux entorses insupportables à l'État de droit. Les familles des victimes de Daech et des massacres de Tripoli ont dix fois plus de raisons de couper les routes, elles ne le font pas et en sont d'autant plus admirables.

À vrai dire, cette tribune m'est pénible. Je préfère y dialoguer avec des gens de science et de beauté, Aristote ou le Coran, qui ne parlent pas à voix haute ou bloquent la voierie. Mais j'ai tâché, malgré ma colère, de rester poli, en rappelant ces positions de principe.

 

 

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commentaires (3)

Je blâme les quatre députés du Kesrouan Farid Elias Khazen, Youssef Khalil, Naamtallah Abi-Nasr et Gilberte Zouein, voleurs de l'argent public en encaissant indûment leurs salaires en dépit de leur absence du Parlement depuis deux ans et demi. Ils boycottent l'élection du Président maronite de la République. C'est aberrant de les voir déambuler avec leurs voitures aux plaques bleues de députés qui n'empruntent plus la route du Parlement depuis deux ans et demi. C'est la honte de mon Kesrouan qu'ils supposent représenter.

Un Libanais

12 h 04, le 28 septembre 2016

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Commentaires (3)

  • Je blâme les quatre députés du Kesrouan Farid Elias Khazen, Youssef Khalil, Naamtallah Abi-Nasr et Gilberte Zouein, voleurs de l'argent public en encaissant indûment leurs salaires en dépit de leur absence du Parlement depuis deux ans et demi. Ils boycottent l'élection du Président maronite de la République. C'est aberrant de les voir déambuler avec leurs voitures aux plaques bleues de députés qui n'empruntent plus la route du Parlement depuis deux ans et demi. C'est la honte de mon Kesrouan qu'ils supposent représenter.

    Un Libanais

    12 h 04, le 28 septembre 2016

  • EXCUSEZ-MOI, CHER MONSIEUR MALLAT, MAIS LE CORAN ET ARISTOTE NE VONT PAS DE PAIRE... ELOIGNONS LA RELIGION DE LA POLITIQUE... ET ANALYSONS ET PARLONS UNIQUEMENT DE DEMOCRATIE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 58, le 10 septembre 2016

  • Il serait bon qu’on nous explique en vertu de quel principe de droit, de santé publique ou de bon sens on remblaie la côte de détritus, on pollue la mer et on expose l’environnement ainsi que les riverains aux marmites à microbes.

    Emile Antonios

    07 h 13, le 10 septembre 2016

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