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Liban - Artisanat

Paul Khoury, cordonnier de luxe

Depuis plus de trente ans, Paul Khoury redonne vie à des chaussures, en préservant leur élégance et leur ligne.

Les gens ont des histoires particulières avec leurs souliers, assure le cordonnier.

L'atelier de cordonnerie de Paul Khoury, à Antélias – Haret el-Ghawrneh – n'a pas d'enseigne. Et pourtant, l'endroit ne désemplit pas et l'on vient des quatre coins du pays pour réparer les chaussures haut de gamme. L'occupant des lieux travaille pour plusieurs magasins de luxe et pour des centaines de clients qui savent qu'il est le seul capable de sauver une paire de chaussures à laquelle ils sont attachés. « Mes clients sont des nantis. Une personne qui n'a pas les moyens ne viendra jamais payer pour raccommoder des souliers. Pour la même somme, elle achèterait une autre paire », lance-t-il.

Paul Khoury a commencé à travailler dans l'atelier de son père dans les années soixante-dix. « C'était la guerre et mon père, Najem, qui s'était spécialisé à l'Institut Cortbaoui, le meilleur de l'époque, voulait que je travaille avec lui. Nous confectionnions surtout des chaussures médicales, notamment avec des arcs en métal pour les enfants ayant les pieds plats. D'ailleurs, j'ai toujours les moules, ils sont en train de rouiller petit à petit. Les clients venaient chez nous de partout... Et puis cet artisanat spécifique s'est éteint », dit-il. « Même les ateliers de cordonnerie qui effectuent le travail que je fais actuellement se comptent désormais sur les doigts d'une main », ajoute-t-il.

Dans son atelier, Paul, qui travaille avec sa femme Amale, peut faire les travaux les plus compliqués, changer de semelle de talon ou de couleur à une paire de chaussures, l'élargir, la rendre plus stable au sol... Les machines qu'il utilise et qui sont toujours en parfait état datent du temps de son père. « Les chaussures, c'est toute une histoire. Il faut voir comment les gens sont attachés à leurs souliers, que ce soit les hommes ou les femmes. Ils se souviennent du moment où ils les ont achetés, de leur prix, de la première fois qu'ils les ont portés. Certains viennent à plusieurs reprises raccommoder une même paire de chaussures. Pas parce qu'ils n'ont pas les moyens d'en acheter une autre, mais parce qu'ils y sont attachés », raconte-t-il.

« Mon métier est fatigant, non pas le travail artisanal mais le fait de traiter toujours avec les gens. Il y a ceux qui me croisent à un cocktail de mariage par hasard et qui me remettent une paire à raccommoder qu'ils avaient dans le coffre de leur voiture. Il y a ceux qui ne parlent avec moi que de souliers. "Regarde mes chaussures, est-ce qu'elles ont besoin d'un lifting ? Est-ce qu'elles sont seyantes à mes pieds ?" me demande-t-on. C'est vraiment à en avoir ras-le-bol », dit-il.

Aucune personne de la famille de Paul Khoury n'a appris le métier. Son frère et ses sœurs vivent aux États-Unis et au Canada. Ses deux fils suivent actuellement des études à la NDU, l'un en génie mécanique et l'autre en génie civil option environnement.

 

(Lire aussi : À la rue Gouraud, Fadlo Ghalieh préserve la tradition en confectionnant des chemises sur mesure)

 

La fin des apprentis
« Jusqu'aux années quatre-vingt-dix, j'avais des jeunes qui venaient apprendre le métier. Il y en a même un, parmi eux, qui a émigré au Canada et y a ouvert un atelier. Il fait beaucoup d'argent depuis », raconte-t-il.
« Depuis une quinzaine d'années, il n'y a plus d'apprentis qui viennent à l'atelier. Pourtant, j'aime transmettre mon savoir-faire », souligne Paul, qui avoue aimer la sculpture, le dessin et aussi l'écriture. D'ailleurs, à un moment quand il était enfant, il avait rêvé de devenir journaliste.
« J'aime les détails. Scruter les détails quand je regarde une scène ou un paysage », note-t-il. C'est probablement son sens du détail qui l'aide à raccommoder comme un artiste des chaussures.

Quelles sont les meilleures chaussures à son avis ? « Pour les hommes, il n'y a rien de mieux que les Fratelli Rossetti qui tiennent le pied. Et pour les femmes, j'aime la marque Casadei. Elle donne aux femmes de l'allure et on scrute une demi-heure leurs chaussures avant de les regarder à elle... » répond-il.
Le plus important pour une chaussure ? « Qu'elle soit reposante. Toute la vie d'un être humain dépend de la façon dont il se sent dans ses chaussures. »
Paul travaille aussi la maroquinerie et les vêtements de cuir et confectionne parfois des porte-monnaie en cuir pour lui tout seul.

 

 

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