Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Joseph YACOUB

Cette littérature arabe que les islamistes veulent étouffer...

Nous vivons dans un monde fait de plusieurs facettes, nourri en permanence de paradoxes et de contradictions. Ces dernières décennies, notre planète a connu des mutations, teintées d'angoisse et de malaise sans précédent. Sur l'islam politique et la modernité tout a été dit, dans un sens comme dans l'autre, Mais les termes du débat n'ont pas été pour autant élucidés. Inquiet de la poussée de l'intégrisme islamiste, le grand poète palestinien Mahmoud Darwich regrettait qu'aujourd'hui « les repères sont perdus. Nationalisme et tiers-mondisme, socialisme et communisme ont tous failli ». À présent, le monde arabo-musulman fait face à un enjeu politique de taille, celui du combat intellectuel contre les salafistes et les islamistes radicaux qui tentent par tous les moyens d'éclipser tout un patrimoine culturel arabe, très riche, d'ordre historique et exégétique, en vue d'imposer leur vision de l'islam.
Ce patrimoine les dérange car contraire à leur lecture littéraliste. Il est en effet marqué par une méthode d'étude basée sur une analyse contextuelle, multidisciplinaire et rationnelle des cadres qui ont vu naître la civilisation arabo-musulmane dès le commencement. À cet égard, Il est frappant de constater le haut degré de précision et de détail qui imprègne ces travaux. Ce monde, comme d'autres, a été traversé par une multitude de perceptions et de pensées. Hier et aujourd'hui, il existe des courants humanistes musulmans importants et des tentatives de sécularisation de la pensée et de laïcisation de l'État, amorcées par les auteurs de la renaissance arabe (Nahda) à partir du milieu du XIXe siècle, tels les Égyptiens Ali Abd al-Razek et Khaled Mohammad Khaled, le Syrien Sadek Jalal al-Azm (qui a critiqué la pensée religieuse) et les Soudanais Mahmoud Mohammad Taha et Abdullahi Ahmad an-Na'im. Les auteurs libanais y ont contribué. Dans son livre paru en 1925 : L'islam et les principes de gouvernement, le théologien égyptien Ali Abd al-Razek (1886-1966) prône la séparation de la religion et du pouvoir politique : « La religion n'a rien à voir avec l'administration des armées musulmanes, l'édilité des villes et des rivages, et l'organisation des administrations ; tout cela relève, soit de la raison et de l'expérimentation, soit des règles stratégiques, soit d'architecture des bâtiments ou d'opinions des connaisseurs. »
Sous cet angle, nous aimerions insister sur la façon dont l'histoire et la littérature arabo-musulmanes ont été enseignées durant les dernières décennies. Il est très regrettable qu'on soit resté à la surface des choses, sans approfondissement, l'émotionnel l'emportant sur le rationnel. Ce mal avait alors été fustigé par d'illustres écrivains égyptiens comme Taha Husayn (1889-1973), analyste critique de la littérature préislamique (al-Jahilyia) et Ahmad Amin (1878-1954) qui appelaient incessamment à réformer les manuels d'enseignement de l'histoire et de la littérature arabe. Chose importante, pour comprendre les représentations, les attitudes et les comportements des gens d'Arabie, ces auteurs insistent sur l'étude des mentalités, et ce dès le premier siècle de l'hégire, d'un point de vue anthropologique où on voit s'enchevêtrer plusieurs facteurs historique, géographique, linguistique, culturel, économique et politique. À cette importante dimension endogène, on ajoutait l'élément externe, à savoir les contacts et les mélanges avec les autres nations et cultures, l'impact du judaïsme et du christianisme, et des cultures gréco-romaine, persane et indienne. Sur cet aspect, les auteurs arabes mettent également en valeur le rôle des Syriaques.
En outre, cette contextualisation du message religieux permet de comprendre d'une manière objective les schismes produits dans l'islam et les différentes écoles exégétiques et juridiques. Ici, un hommage particulier doit être rendu au savant égyptien Ahmad Amin (1878-1954) qui a analysé dans toute sa complexité la vie mentale et sociétale arabe avec beaucoup de minutie et d'objectivité. Parmi ses nombreux apports, on retient qu'il met l'accent sur les emprunts réciproques des cultures.
En conclusion, on peut dire que l'essentiel a été quasiment dit. Il est urgent de relire auteurs et textes pour redonner un souffle revigorant à ce débat et sortir de l'historiographie dominante et de l'hagiographie.

Joseph YACOUB
Professeur honoraire (sciences politiques) de l'Université catholique de Lyon, ancien titulaire de la chaire de l'Unesco Mémoire, cultures et interculturalité.

Nous vivons dans un monde fait de plusieurs facettes, nourri en permanence de paradoxes et de contradictions. Ces dernières décennies, notre planète a connu des mutations, teintées d'angoisse et de malaise sans précédent. Sur l'islam politique et la modernité tout a été dit, dans un sens comme dans l'autre, Mais les termes du débat n'ont pas été pour autant élucidés. Inquiet de la...

commentaires (1)

Il nous faut une vraie reforme de l'enseignement de la philosophie dans le secondaire au niveau de tout lemonde arabe pour ancrer chez la nouvelle generation l'esprit critique

Mounir Sader

10 h 56, le 13 décembre 2016

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Il nous faut une vraie reforme de l'enseignement de la philosophie dans le secondaire au niveau de tout lemonde arabe pour ancrer chez la nouvelle generation l'esprit critique

    Mounir Sader

    10 h 56, le 13 décembre 2016

Retour en haut