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À La Une - Justice

Jugé pour ses comptes cachés, l'ex-ministre français Cahuzac avance un motif politique

Son premier compte, ouvert en 1992, était destiné "au financement des activités politiques" de l'ancien Premier ministre Michel Rocard, a-t-il déclaré devant le tribunal correctionnel de Paris.

Pourfendeur de la fraude fiscale et détenteur d'un compte caché à l'étranger: l'ancien ministre français du Budget Jérôme Cahuzac s'est retrouvé lundi devant la justice, près de quatre ans après avoir déclenché le plus retentissant scandale du mandat présidentiel de François Hollande. AFP / PHILIPPE LOPEZ

L'ancien ministre français du Budget Jérôme Cahuzac a assuré lundi, à l'ouverture de son procès pour fraude fiscale, qu'il avait ouvert son premier compte en Suisse pour financer des activités politiques sur la suggestion d'un tiers.

Pourfendeur de la fraude fiscale lorsqu'il était au gouvernement, Jérôme Cahuzac avait été contraint en 2013 d'avouer l'existence de comptes dissimulés à l'étranger, après avoir menti au Parlement et au président François Hollande à leur sujet.

Près de quatre ans après ce scandale, le plus retentissant du mandat de François Hollande, l'ancienne étoile montante socialiste, 64 ans, a pour la première fois avancé un motif politique à son action.  Son premier compte, ouvert en 1992, était destiné "au financement des activités politiques" de l'ancien Premier ministre Michel Rocard, a-t-il déclaré devant le tribunal correctionnel de Paris, en assurant que le socialiste, décédé cet été à l'âge de 85 ans, "ignorait tout" de ce financement occulte.

Selon Jérôme Cahuzac, tout a commencé en 1991, quand il s'est rapproché de l'équipe Rocard. A l'époque, le financement des partis politiques avait commencé à être régulé en France. "Il m'est dit que la seule façon d'aider ne peut être que de façon occulte et parallèle. Il m'est dit: pourquoi pas, mais pas en France. J'avais compris", a-t-il encore assuré, sans donner aucun nom.

Chirurgien de formation, il vient de passer plusieurs mois au ministère de la Santé et démarche alors "certains responsables de laboratoires" pour solliciter des financements. D'après lui, le laboratoire Pfizer a ainsi fait deux versements en 1993 sur le premier compte ouvert par un proche en Suisse. Jérôme Cahuzac a toutefois reconnu que le second compte, ouvert en 1993 en son nom propre auprès de la banque UBS, avait servi en 2000 et 2001 à recueillir "le fruit de (son) travail" de chirurgien à l'étranger.

 


 

'Guérilla'
L'ancien ministre est jugé jusqu'au 15 septembre avec son ex-épouse Patricia Ménard et leurs conseillers, le banquier suisse François Reyl et l'ex-avocat Philippe Houman. Ils risquent une peine allant jusqu'à sept ans de prison et un million d'euros d'amende. La discrète banque genevoise Reyl comparaît aussi, comme personne morale.

Lundi, la patronne du parquet financier Eliane Houlette - qui, fait rare, assiste le procureur au procès - a mené la charge contre les conseils des banquiers qui ont "multiplié les recours", ne visant à ses yeux qu'à retarder ou échapper au procès en transformant "le combat judiciaire en guérilla".

L'après-midi a ensuite été consacrée au récit de cette incroyable affaire, qui débute en décembre 2012 quand le site d'information Mediapart révèle l'existence d'un compte caché, d'abord en Suisse puis à Singapour, de Jérôme Cahuzac. Le mois suivant, le parquet ouvre une enquête. Celle-ci fait apparaître les mécanismes d'une fraude fiscale "obstinée", "sophistiquée" et "familiale".

A l'origine de cette entreprise, Jérôme Cahuzac et sa femme dermatologue qui ont tenu ensemble une florissante clinique spécialisée dans les implants capillaires avant de se séparer. Au début des années 90, l'argent coule à flots, entre les règlements des riches patients de la clinique et les lucratives activités de conseil de Jérôme Cahuzac qui, après son passage au ministère de la Santé, propose son expertise à des laboratoires pharmaceutiques. Après les premiers comptes chez UBS, ces avoirs sont transférés chez Reyl en 1998.

Quand le secret bancaire suisse commence à se fissurer en 2009, les 600.000 euros que détient Jérôme Cahuzac prennent la route de Singapour, en faisant un détour par une société-écran panaméenne puis une autre aux Seychelles, un montage réalisé avec l'aide d'un intermédiaire basé à Dubaï. Mme Cahuzac a elle choisi la Royal Bank of Scotland sur l'île de Man pour déposer des chèques de patients anglais, avant d'ouvrir son propre compte en Suisse, sur fond de brouille avec son époux. Même les comptes de la mère de l'ex-ministre serviront à "blanchir" les chèques de clients de la clinique. L'argent a payé des vacances à l'Ile Maurice ou des appartements aux enfants à Londres.

 

 

Pour mémoire
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