De l’équilibre.
Alors que les JO de Rio couronnaient les efforts athlétiques des sportifs du monde entier, l'université de Dayton, dans l'État de l'Ohio, a célébré les prouesses des rats de bibliothèque qui en ont fait leur profession (à comprendre les bibliothécaires), lors d'olympiades organisées à leur intention. Dans l'imaginaire collectif, ils ou elles sont continuellement vissés sur leur chaise derrière leur ordinateur, ou suspendus sur une échelle à la recherche d'un titre, d'une page, d'un passage ou d'un mot. La responsable de cet événement a précisé : « Il faut les voir tous les jours, faisant des allers-retours avec leurs chariots chargés de livres, jongler avec des piles d'informations et rester concentrés, durant de longues heures, sur de complexes demandes de références. »
Ces olympiades d'un genre inédit, détournant les performances habituelles des bibliothécaires en faveur des efforts de force qu'ils doivent déployer, en parallèle, ont été mises sur pied pour promouvoir la fréquentation des bibliothèques de chaque localité. Certes, et dans ce but de nombreuses activités interactives et divertissantes sont déjà organisées, mais les olympiades ont voulu braquer les feux sur la compétence de ceux qui prennent en charge le monde des livres, notamment en faisant jouer les multiples facettes de leur spécialité. Les compétitions ont fait appel à une certaine dose de vigueur et d'attention, tel le Journal Jenga (du même nom du jeu d'adresse et de réflexion), qui consiste à empiler des journaux sur une grande hauteur et à ne pas être dans la trajectoire de leur écroulement. Il fallait aussi faire tenir en équilibre sur sa tête un paquet de magazines, faire rouler un grand chariot de livres sur un circuit sinueux et exécuter un lancer de disque avec un livre. Il était toutefois précisé que les journaux utilisés étaient destinés à un système de recyclage spécial utilisé par les bibliothécaires.
Côté épreuve cérébrale, il a également été demandé aux participants d'effectuer un rapide exercice de tri, consistant à ranger des livres selon la classification déterminée par la Librairie du Congrès.
Le « rayonnage synchronisé »
De cet exercice mental, rendu ludique et sportif, des enseignements peuvent être tirés, a indiqué l'un des responsables de l'université. En particulier sur « le caractère indispensable du système de catalogage du savoir mondial, mis au point par la Librairie du Congrès. Sans lequel, même en cet âge de moteurs de recherche à grande vitesse qui sévissent sur la Toile, les informations peuvent être perdues dans un océan de données auxquelles on accède par pure chance plutôt que par une méthode définie ».
Ces matchs de la tête et des jambes qui se veulent dans l'esprit olympique ont un autre but : tester la compétence des bibliothécaires afin de l'accroître, si nécessaire, car il est toujours bon de rafraîchir ses connaissances. Les concurrents ont quitté l'atmosphère feutrée de leur environnement rassurant, peuplé de rayonnages, pour pratiquer au grand air leur savoir-faire.
En Nouvelle-Zélande, on se permet aussi de défier les bouquins, mais sur un autre mode. À la bibliothèque de la ville d'Invercargill, le « rayonnage synchronisé » est pratiqué. Le personnel du lieu transforme ses gestes quotidiens en de fantaisistes mouvements d'ensemble : attraper un livre au vol, exécuter un jeu de bras à l'indienne ou encore marcher sur ses mains pour accéder à une étagère inférieure.
Michel Melot, illustre historien de l'art et conservateur de grandes bibliothèques de France, écrit dans son ouvrage La sagesse du bibliothécaire : « Le bibliothécaire aime les livres comme le marin aime la mer. Il n'est pas nécessairement bon nageur, mais il sait naviguer. Regardez comme cet océan furieux se calme dans la bibliothèque. »
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