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En cas de vacance

Nous étions presque seuls à la manifestation des « humanistes », mardi, au centre-ville de Beyrouth. Une petite centaine, ce n'est pas un grand nombre pour une cause aussi grave. Deux ans que la Constitution est ignorée, détournée, foulée aux pieds. Les interprétations les plus fantaisistes sont avancées pour retarder l'élection présidentielle dont la date butoir s'est perdue dans les brumes du temps. Certes, et avec une régularité de métronome, le rendez-vous électoral est dûment fixé par le chef du Parlement. Au début de la vacance présidentielle, nous autres, citoyens, avions commencé à nous intéresser au scrutin. Semaine après semaine, on spéculait, on soutenait telle candidature, on contestait l'autre, et même si personne ne nous demandait notre avis, on chipotait. Mais l'usure faisant, de séance boycottée en séance avortée, l'idée même du scrutin s'est transformée en grosse blague. Son annonce est désormais accueillie avec des ricanements désabusés. Cependant que monte l'angoisse du vide, proportionnellement au temps perdu. Il y a eu des périodes vaguement optimistes où nous était apparue la possibilité d'une fumée blanche. Dans ces moments-là, et tout à fait entre nous, puisque ces choses se déroulent dans des sphères où nous n'avons pas notre mot à dire, nous nous disions prêts à accepter n'importe quel prétendant à ce fauteuil crevé, pourvu qu'il s'y pose, que la vie politique reprenne un cours plus ou moins normal, et qu'on n'en parle plus.
Mais les choses ne sont pas si simples. Le Liban n'est pas loin, techniquement, de ce que le jargon géopolitique désigne comme un « État failli ». Cela, aucun de nous n'en doute. Corruption, pression démographique due à l'afflux de réfugiés, émigration chronique et fuite des cerveaux, déclin économique, détérioration des services publics et de l'environnement, État dans l'État, interventions étrangères, tout y est. Que par-dessus tout cela il nous soit possible d'élire un président nous semble tout à coup un luxe. Élire ? Avec un quorum, des bulletins et tout ? Sans tenir compte des pressions ni des intérêts extérieurs, ni des chantages mafieux, ni des desseins malveillants des gouvernants de nos gouvernants ? Visiblement, il ne nous est même plus permis ne serait-ce que de simuler l'autonomie. Au-delà des élections estudiantines et municipales, il semble y avoir une ligne rouge.
Pourquoi alors manifester aux côtés du groupe « Liban humaniste » ? À quoi bon rappeler aux députés les articles 74 et 75 (« en cas de vacance... ») de ce livret appelé Constitution et sans lequel, son nom l'indique bien, ce pays ne serait qu'un vague territoire sans identité, un simple lieu de passage ? Mais parce que les supporters de « Liban humaniste », cette poignée d'utopistes indépendants, armés de calicots calligraphiés et taillés au cordeau, porteurs de slogans dictés par la raison plutôt que la démagogie, sont les derniers gardiens de l'esprit et de l'élan populaire de 2005. Voilà. Du fameux million il ne reste que quelques dizaines. Ils n'ont rien cassé, ils n'ont pas fait grand bruit, ils ne changeront sans doute pas la donne. Mais ils ont le mérite de maintenir en veille la petite flamme Liban qui s'éteint.

Nous étions presque seuls à la manifestation des « humanistes », mardi, au centre-ville de Beyrouth. Une petite centaine, ce n'est pas un grand nombre pour une cause aussi grave. Deux ans que la Constitution est ignorée, détournée, foulée aux pieds. Les interprétations les plus fantaisistes sont avancées pour retarder l'élection présidentielle dont la date butoir s'est perdue dans...

commentaires (5)

Impressionnant, pénible à lire, mais émouvant! "Maintenir en veille la petite flamme Liban qui s'éteint" quel sentiment profond envers le Liban qui va à la dérive. Et pour cause: maudite pression des gouvernants de nos gouvernants!! C'est si bien dit Fifi, cette fois il s'agit d'un cri de détresse lancé du fond de l'abîme! Et oui, d'un million et plus en 2005, il n'en reste que quelques dizaines. Quel malheur pour ce pays qui prétendait être le berceau des civilisations. Même à mon âge de 77 ans, je ferai de mon mieux pour participer à votre éventuelle prochaine manifestation! De tout coeur Bravo à vous tous!

Zaarour Beatriz

00 h 02, le 02 septembre 2016

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Commentaires (5)

  • Impressionnant, pénible à lire, mais émouvant! "Maintenir en veille la petite flamme Liban qui s'éteint" quel sentiment profond envers le Liban qui va à la dérive. Et pour cause: maudite pression des gouvernants de nos gouvernants!! C'est si bien dit Fifi, cette fois il s'agit d'un cri de détresse lancé du fond de l'abîme! Et oui, d'un million et plus en 2005, il n'en reste que quelques dizaines. Quel malheur pour ce pays qui prétendait être le berceau des civilisations. Même à mon âge de 77 ans, je ferai de mon mieux pour participer à votre éventuelle prochaine manifestation! De tout coeur Bravo à vous tous!

    Zaarour Beatriz

    00 h 02, le 02 septembre 2016

  • Bravo pour l'initiative !! FAUT SURTOUT PAS LÂCHER !! Il n'y a que le peuple qui réussira à changer les choses ... Avec la persévérance, j'espère que le peuple se réveillera de son apathie et vous suivra en plus grand nombre! Vous avez mon support de loin, et de près lors de mes passages inchallah !!

    T Myriam

    22 h 07, le 01 septembre 2016

  • DICTES PAR LA RAISON... ET C,EST LA LE PLUS GRAND PROBLEME... OU LE DILEMME... PEUT-ON DEMANDER A DES BOITES VIDES DE PENSER AVEC RAISON CAD LOGIQUE ? LE BON DEBARRAS S,IMPOSE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 17, le 01 septembre 2016

  • Mais je suis sûre que tous les Libanais patriotes sont avec vous,ms ils sont tellement déçus qu'ils restent recroquevillés chez eux espérant que les autres arriveront à changer les choses et que enfin nos députés aient un peu de conscience et de patriotisme et oublieront leur MOI pr ne penser que LIBAN. J'adore vos articles Fifi.bravo.

    Mona Joujou Dfouni

    16 h 38, le 01 septembre 2016

  • bel article bravo

    LA VERITE

    15 h 45, le 01 septembre 2016

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