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Économie - Liban - Marchés publics

Inspection mécanique : vers un retour à la case départ ?

L'Organisme de gestion de la circulation routière a demandé hier au Conseil d'État de revenir sur sa décision, prise la veille, de mettre en sursis l'exécution des résultats de l'appel d'offres mécanique.

Une file d’attente devant le centre d’inspection de Hadeth. Photo Nabil Kawkab

Sans cesse contestées depuis le lancement de la procédure en avril 2015, l'attribution du marché de la modernisation des quatre centres d'inspection mécanique des véhicules et la construction de dix autres sont appelées à connaître un nouveau coup d'arrêt significatif.

L'Organisme de gestion de la circulation routière (OGCR), affilié au ministère de l'Intérieur, a demandé hier au Conseil d'État (CE) de revenir sur sa décision prise la veille de mettre en sursis l'exécution des résultats de cet appel d'offres international, remporté fin juillet par la joint-venture Autospect/SGS/Securitest/Autosécurité.

La décision du CE fait suite au recours déposé le 19 août par l'un des candidats malheureux, la joint-venture Applus/Jawda, devant les juges au fond, et s'applique aussi aux deux autres recours déposés par deux autres candidats, les joint-ventures Eri/Fal et Opus/Danach. « Le président de la chambre de permanence, qui a pris cette décision, a considéré les arguments présentés dans la requête comme pertinents et mettant en doute l'adjudication, et estimé qu'Applus/Jawda avait subi de ce fait de grands dommages », a expliqué à L'Orient-Le Jour une source au CE, ayant requis l'anonymat.

« Nous comprenons que le CE ait besoin d'étudier en détail ce recours, mais ce n'est pas nécessaire d'arrêter l'exécution du contrat », a confié à L'OLJ Ayman Abdel Ghafour, haut fonctionnaire à l'OGCR, chargé auprès du ministère de l'Intérieur du suivi de l'appel d'offres mécanique.

 

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Blocage de plusieurs mois
À moins que le CE ne réponde favorablement à la requête de l'OGCR, l'affaire pourrait durer encore plusieurs mois. « Il s'agit d'une décision provisoire. Car, dans un premier temps, le ministère de l'Intérieur aura au maximum 4 mois pour faire parvenir ses réponses au CE. Puis ce sera au tour de la joint-venture Applus/Jawda de faire de même dans un délai de 2 mois, avant que le ministère de l'Intérieur ne puisse apporter ses réponses définitives dans un délai de 2 mois aussi. Le défendeur ayant toujours le dernier mot », a détaillé la source au CE. « De notre côté, nous allons faire parvenir nos réponses au CE dans un délai de 15 jours et lui demander de raccourcir les délais de réponses (pour la joint-venture aussi) de manière à ne pas retarder l'exécution, et causer davantage de dégâts... » a indiqué M. Abdel Ghafour.

Car la joint-venture gagnante avait reçu dès début août « l'ordre de débuter les travaux » de la part de l'OGCR. « La joint-venture gagnante est en mesure de réclamer des dédommagements – qui seraient, le cas échéant, fixés par la justice –, car elle était censée prendre le contrôle des 4 centres existants », s'est inquiété M. Abdel Ghafour. « Entre-temps, par respect aux avis des autorités judiciaires, nous sommes contraints de laisser la gestion de ces centres à l'ancien prestataire Fal, même si son contrat a pris fin le 1er juillet », a-t-il regretté. Contactées, ni SGS ni Fal n'étaient en mesure de répondre aux questions de L'Orient-Le Jour dans l'immédiat.

Le 19 août, le procureur général à la Cour des comptes, Fawzi Khamis, avait déjà demandé à l'OGCR de faire preuve de « patience » et de ne mettre à exécution le contrat avec Autospect/SGS/Securitest/Autosécurité « qu'une fois ses investigations terminées », afin de « ne pas causer de dommages à l'État ». « La décision du CE va nous permettre de poursuivre nos investigations, dont nous livrerons les résultats dans quelques semaines », a déclaré à L'Orient-Le Jour une source à la Cour des comptes.

 

 

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Multiples griefs
« Nous faisons confiance à la justice. S'il n'y avait rien à contester dans cet appel d'offres, le CE n'aurait pas émis cette décision d'arrêt », a réagi Ali Hassan Danach, représentant de la joint-venture Opus/Danach.
De fait, les arguments sur lesquels s'appuient les recours des trois joint-ventures – Eri/Fal, Applus/Jawda, Opus/Danach – sont identiques.

Premier grief mis en avant : le fait d'avoir été toutes trois écartées par le rapport des experts techniques, car elles ne répondaient pas à certains critères techniques éliminatoires, fixés par le cahier des charges. Une décision qui n'a pas permis la consultation de leurs offres financières, qu'elles assurent inférieures à celle de la joint-venture gagnante, soit 441,2 millions de dollars sur 10 ans dans le cadre d'un contrat BOT (Build Operate Transfer).

Les joint-ventures écartées contestent aussi le fait que ce cahier des charges, approuvé par le Conseil des ministres en avril 2015 dans sa version initiale, ne l'a pas été après modifications par l'OGCR, qui l'a transmis directement à la Direction des adjudications (DDA), chargée de gérer l'appel d'offres. Elles estiment qu'il a été élaboré de manière à favoriser la joint-venture gagnante, avec l'inclusion de critères techniques difficilement évaluables et pouvant laisser place à des interventions subjectives. Des accusations rejetées en bloc par l'OGCR qui considère avoir détaillé les modalités de notation, y compris pour les critères non quantifiables.

Or, la composition du comité chargé de l'évaluation technique est également remise en cause par les joint-ventures écartées qui dénoncent l'inclusion de trois représentants de l'OGCR en son sein. Ces derniers ont été nommés suite à une décision du Conseil des ministres et non par la DDA, comme c'était le cas pour les trois autres experts du comité. Une procédure inhabituelle, également contestée en son temps par la DDA, qui a dû néanmoins obtempérer. L'OGCR fait de son côté valoir que les résultats de l'expertise technique ont été approuvés à l'unanimité par les 6 membres du comité. Enfin, les candidats écartés contestent également la validation de l'attribution du marché par le seul ministère de l'Intérieur, sans passer par le Conseil des ministres.

Autant de points sur lesquels le CE devra trancher dans sa décision finale, dont l'issue pourrait être un retour intégral à la case départ. « Après la réception des réponses du requérant et du défendeur, le CE peut décider d'invalider les résultats de l'appel d'offres », prévient la source au CE. « Dans ce cas, la gestion des centres existants continuera d'être assumée par Fal jusqu'à l'organisation d'un nouvel appel d'offres. Mais je doute que les citoyens soient prêts à supporter la situation pour encore deux ans », a regretté M. Abdel Ghafour.

 

 

 

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