Rechercher
Rechercher

Culture - Littérature

La vie commence et finit dans une chambre

L'homme qui doute toujours a besoin de mythes. Pour Abdo Wazen, les religions sont d'abord des mythes. Croyant indiscipliné et œcuménique dans l'âme, il se forge sa propre religion. « À cœur ouvert »* est une autofiction noire, un récit intimiste et social.

Avec le recul des années dont dispose l'auteur, et une vie jalonnée d'embûches, de grandes chutes et de nouveaux départs, Abdo Wazen nous livre un roman étrange et insolite par sa fracture. Un office des ténèbres où l'auteur se montre très lucide dans sa réflexion sur les ravages du temps, le suicide, le deuil familial répété, la foi, le rôle des anges et surtout la nature du Christ.

Le roman prend son départ dans la blancheur d'une chambre d'hôpital. De cette couleur, le lecteur ne retiendra que le tablier de l'infirmière. Le noir obscurité, le noir Afrique, le noir deuil, le noir des non-voyants et le noir de la robe de sa mère auront vite fait de colorer nos pupilles. Ayant triomphé de la grande faucheuse, il fera le chemin à l'envers, traversera les couloirs de la mort à reculons, pour rejoindre son enfance, son adolescence et accéder à la rédemption.

Le récit prend le lecteur par réminiscences et petites touches sur les voies de la douleur, physique par une première expérience où il échappe à la mort et morale par la perte du père qui ne le gardera pas orphelin. Wazen, longtemps marginalisé et exclu, se réfugie dans le déni du deuil tirant même quelques avantages dus à l'absence du père. Il aura cependant sans cesse du mal à composer avec l'ombre de sa mère éternellement nimbée de noire. La perte d'une sœur à l'âge de 24 ans, après une longue agonie, le rattrapera et le plongera dans un mal-être qui ne trouvera son salut que grâce à l'écriture.

 

Marcher pour se sauver
« Les êtres suicidaires sont de véritables agonisants qui dissimulent la mort dans leur cœur. » Pour Abdo Wazen, on se suicide toujours en retard : c'est avant de se donner la mort que le véritable suicide a lieu. L'instant tragique n'est rien face à l'agonie, à l'angoisse illimitée qui précède l'acte. Wazen passera des nuits entières à marcher, à fuir une âme troublée, à s'interdire de penser, à tenter de vaincre ses démons. Sa vie se résumait à deux jambes, qui tels des compas, arpentaient le monde. Le chemin parcouru avait peu d'importance, seule la dynamique comptait, celle qui le ramenait sans cesse au seuil de sa maison, pour se dire qu'une fois encore, il s'était sauvé.

Athée, avec le signe de la croix
Agnostique en étant croyant, Abdo Wazen ne s'endort jamais sans avoir fait le signe de la croix. Il n'hésite pas à citer Arius qui nie la divinité du Christ, et pour qui le fils de Dieu qui s'est incarné en Jésus n'est pas éternel ni égal à Dieu. Il ignore d'où lui vient cette conscience religieuse, ni comment elle se cultive. Elle est un instinct, un élan vers le divin, à l'origine insondable, elle est une nostalgie pour une divinité absente qui n'est que source première de toute création. L'auteur s'arrête sur le terme « hérésie » comme étant souvent employé pour qualifier ce qui sort du conformisme ambiant, une doctrine qui nie la divinité de Christ ou son pouvoir à accorder le salut.

Pour lui, Jésus est une personne humaine, Marie est la mère de l'homme Jésus, et son message commun à toutes les religions est un message d'amour. L'ambivalence de ses choix, tantôt communiste, tantôt droitiste, tantôt chrétien, tantôt laïc, fait de lui un être religieux et œcuménique, un chrétien par choix. Une espèce intermédiaire qui aime autant qu'il déteste le croyant et celui qui doute. Pour lui l'homme est avant tout une âme.

Un amoureux des livres
L'univers de Abdo Wazen est peuplé de philosophes, de penseurs et d'écrivains. Tel ses compagnons de guerre, il ne se lasse pas de les évoquer. Les pensées de Sartre et de Camus, les écrits du philosophe allemand Novalis, les réflexions de Kafka, l'enseignement de Socrate et de celui de Hallaj, chrétien par désir, ou encore celui de Nietzsche qui affirmait que « personne n'est chrétien à part le Christ lui-même », Suhrawardi, saint Augustin, et de tant d'autres. Et pourtant, il prend très jeune le parti d'écrire dans sa langue maternelle, l'arabe, et c'est précisément dans cette version que le lecteur se doit d'appréhender cette lecture. La traduction française se révèle malheureusement truffée de lacunes, tant par la construction des phrases que par l'acuité du message. La quête philosophique de l'auteur et ses réflexions profondément bouleversantes ne résonnent juste que soufflées par ses mots propres.

*« À cœur ouvert », Abdo Wazen, aux éditions L'Orient des livres, Sindbad/Actes Sud.

 

Pour mémoire

Majdalani et Wazen en lice pour le Prix de littérature arabe

Avec le recul des années dont dispose l'auteur, et une vie jalonnée d'embûches, de grandes chutes et de nouveaux départs, Abdo Wazen nous livre un roman étrange et insolite par sa fracture. Un office des ténèbres où l'auteur se montre très lucide dans sa réflexion sur les ravages du temps, le suicide, le deuil familial répété, la foi, le rôle des anges et surtout la nature du...

commentaires (4)

Ben...certains sont né dans une alcôve et continu dans la salle de séjour ....;-)

M.V.

07 h 41, le 31 août 2016

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Ben...certains sont né dans une alcôve et continu dans la salle de séjour ....;-)

    M.V.

    07 h 41, le 31 août 2016

  • UN ARTICLE QUI VEUT TOUT DIRE... SANS RIEN DIRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 37, le 31 août 2016

  • PARAGRAPHE CINQ LIGNE CINQ DOIT ETRE ENCORE CELUI DE NIETSCHE ET NON ENCRE ? J,ARRETE ICI CAR LES FAUTES DOIVENT ETRE NOMBREUSES DANS CET ARTICLE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 35, le 31 août 2016

  • PREMIER PARAGRAPHE LIGNE CINQ : ET (LE) SURTOUT LA NATURE DU CHRIST... QUE FAIT LE (LE) ICI ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 19, le 31 août 2016

Retour en haut