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Culture - Sculpture

Randa Nehmé : suivez son regard !

Une quarantaine d'œuvres de l'artiste exposées en plein air à Ghorfine.

De bronze, de marbre, d’alliages, les sculptures de Randa Nehmé seront exposées aux regards à partir du 3 septembre, sous le titre énigmatique de « Koans », dans son domaine de Ghorfine (Jbeil).

Comme un météore laisse une traîne de lumière, elle file, traçant son chemin parmi les chênes verts, les pins et les bambous, à coups de machette, de pointes et de ciseaux. Sa vie est shuntée par le bloc de marbre, la pierre, la glaise, le bronze. « L'originalité du possible », voilà ce que cherche la sculptrice, une femme dont l'amour chuchote qu'elle a été « manigancée par la beauté ».

Sculptée elle-même par l'effort martial, burinée par le soleil, cachant bien les souffrances venues de ses longues heures de travail qui lui ont meurtri les phalanges, le coude et l'épaule, Randa Nehmé expose une quarantaine d'œuvres, sa première exposition depuis cinq ans*.
Mais d'abord, il y a la beauté intrinsèque de l'espace qu'elle a agencé à Ghorfine (Jbeil), pour présenter ses œuvres. Garrigue familiale de 3 000 mètres carrés remplie d'arbustes, de broussailles et de rochers, elle en a cousu les reliefs, les formations rocheuses et les arbres, pour en faire un musée personnel à ciel ouvert où l'on déambule dans des allées tapissées de gravier ou de pelouses, entre des sculptures petites et grandes, graves ou espiègles exposées près de rideaux de bambous, des séquences de fer forgé ou à l'ombre bienfaisante de grands chênes verts, de pins et de micocouliers..

Que cherche cette enfant sculpturale qui est aussi épouse et mère ? Quel est le trait d'union de toutes ces œuvres ? C'est l'esprit de la beauté qu'elle poursuit, un rêve intérieur qui la construit à mesure qu'elle le découvre. La beauté d'une vague, d'un corps insoumis, d'une lune au télescope, d'un cerveau au travail, d'une crinière de lion, d'un mouvement abstrait comme un jeu de lumière.
En circulant entre ses œuvres achevées et les blocs de pierre qui l'attendent, elle manifeste autant d'amour aux uns qu'aux autres. D'un jet de tuyau d'arrosage, elle fait vivre la couleur rose d'un marbre ou les veines d'or d'un marbre noir qui attendent leur forme définitive. Son sculpteur favori ? Michel-Ange... et la nature, la nature toujours la même et toujours une autre, les visages dont aucun ne ressemble à l'autre, les troncs d'arbre ou encore les nuages décousus qui défilent dans leur unité, leur diversité et leur évanescence.

Bientôt, elle nous introduit dans sa retraite personnelle, un vieil enclos à chèvres dont le sol a été rabaissé pour y permettre la station debout et qui communique par des escaliers aux larges dalles en ciment avec un surprenant volume souterrain qui s'avère être une citerne vidée de son eau et éclairée a giorno par une verrière au plafond et deux larges ouvertures à chaque extrémité. C'est le salon-bibliothèque du Nautilus, le sous-marin de Vingt mille lieues sous les mers, dont les hublots donnent sur l'immensité des fonds marins.

Sur une table longiligne faite d'un tronc d'arbre ouvert en longueur, des livres d'art, des petites sculptures, des crayons, des feutres, des livres de sagesse. Randa Nehmé multiplie les voyages de reconnaissance, les randonnées exploratoires vers des lieux de sérénité qu'elle tente de cerner, et dont elle dresse, sous forme de sculpture, les cartes et la topographie. Dans l'espoir fou d'être elle-même sculptée par la lumière qu'elle cherche entre les gouffres, les sommets, les souffrances, les renoncements.

 

« Nouvelle figuration »
« La taille directe de la pierre est en voie de disparition », regrette Randa Nehmé, dont les sculptures relèvent de la « nouvelle figuration ». La liberté avec laquelle elle propose ses sculptures est l'un de ses grands atouts. Il n'y a là aucune commercialisation, aucune répétition, mais plutôt un art d'agencer les espaces. En même temps que le volume de ses sculptures, elle propose en effet l'espace dans lequel l'œuvre peut respirer et inspirer ; un banc, un fer forgé, une pelouse, une luminosité, un arbre. Beaucoup de sculptures sont faites pour l'extérieur, et sont vendues à des prix qui ne devraient pas ruiner une entreprise en bonne santé, mais plutôt l'enrichir. Du reste, sa « marchandise » est techniquement parfaite. « J'ai de bons produits, pas des sculptures de récupération », dit-elle. Tous ses bronzes sont fondus et polis en France. Du métier, elle en a à revendre.

De l'avenir ? Elle s'en fiche. « Je ne vends pas, on m'achète », glisse-t-elle encore. Son grand cadeau, c'est de continuer à rester intuitive, indépendante et abordable. L'art fédère le vrai et le beau. Au public de montrer que la gratuité de l'activité artistique est toujours appréciée à sa juste valeur ! Du reste, Randa Nehmé ne cherche que la gloire d'être sa modeste personne, d'aller jusqu'au bout de son talent.
Les pièces anciennes de cet enfant prodige de l'Académie des beaux-arts, qui recevait un 19,5/20 pour sa tête de Voltaire (vraiment, quelle avarice ! ), sont parmi les plus belles. Négligemment installées sur une petite étagère, parmi d'autres objets, deux mains jointes. Les siennes. Comment, avec ses mains au travail, sculpter ses mains ?

C'est le secret du regard de Randa Nehmé, « victime heureuse de la beauté », que vous êtes invités à découvrir.

 

*Exposition samedi 3 septembre à 18h, dans son domaine « 3ala bali », rue Aref Nehmé, Ghorfine, Jbeil.

 

Pour mémoire
La « Divine Comedy » de Randa Nehmé

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