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À La Une - reportage

Pour les liftiers du Sénat, l'ascenseur Brésil ne fait que descendre

"Je les vois seulement se battre, s'invectiver en ne pensant qu'à eux-mêmes", assure le groom d'ascenseur.

 

Aux premières loges, les employés du Parlement observent chaque jour les hommes les plus puissants du Brésil décider de l'avenir du pays. AFP / AGENCIA BRASIL / Marcelo CAMARGO

Toute la journée, les garçons d'ascenseur du Sénat brésilien accompagnent leurs élus aux étages. Mais à force d'écouter en silence leurs conversations, ils sont convaincus que ces derniers ne conduisent le pays que dans une direction: le bas.

"Ce que je vois, ce sont plein de gens malhonnêtes en train de juger une femme elle aussi malhonnête", assène un liftier qui préfère garder l'anonymat, par crainte de perdre son travail.
Il n'a pas totalement tort: selon l'organisation anti-corruption Transparency Brésil, plus de la moitié des 81 sénateurs (59%) appelés depuis jeudi à se prononcer sur la destitution de la dirigeante de gauche - notamment pour maquillages des comptes publics - sont soupçonnés de corruption ou font l'objet d'une enquête judiciaire.
La proportion chez les 513 députés, qui avaient validé la première étape du processus d'impeachment, était la même.

Le garçon d'ascenseur qui s'est confié à l'AFP alors que la cabine était vide, se taisant ensuite quand des parlementaires sont entrés, ne défend pas la présidente, dont la cote de popularité a chuté à 13%.
Mais pour lui, Michel Temer, son ex vice-président de centre-droit devenu rival qui assure la présidence par intérim et s'apprête à la remplacer jusqu'aux élections de 2018, ne vaut guère mieux.
"Nos politiciens sont très malhonnêtes", dit-il et "aujourd'hui, il n'y a pas d'alternative décente pour la présidence".

Le propre président du Sénat, Renan Calheiros, (PMDB), est soupçonné d'avoir touché des millions de dollars en pots-de-vin, tout comme de nombreux parlementaires et chefs d'entreprise, dans le cadre du méga-scandale de corruption au sein du groupe pétrolier public Petrobras.

Un autre sénateur de premier plan, le président du PSDB (centre-droit) Aecio Neves, candidat battu de justesse par Mme Rousseff à l'élection de 2014, intéresse aussi la justice: il est visé par une enquête sur de présumés pots-de-vin, et un parfum de scandale flotte autour d'un compte bancaire secret au nom de sa famille au Liechtenstein.

Malgré cela, il espère se présenter à la prochaine élection présidentielle en 2018.

 

(Pour mémoire : Le Sénat décide de soumettre Rousseff à un procès en destitution)

 

Nettoyage complet ?
Aux premières loges, les employés du Parlement observent chaque jour les hommes les plus puissants du Brésil décider de l'avenir du pays.

"Je n'ai jamais vu le Sénat ou la Chambre des députés voter quoi que ce soit en faveur du peuple. Je les vois seulement se battre, s'invectiver en ne pensant qu'à eux-mêmes", assure le groom d'ascenseur.

A ses côtés, un collègue opérant un autre vieux modèle ThyssenKrupp de l'élégant bâtiment est tout aussi désabusé. "Remplacer Dilma par Temer, ce n'est pas la solution. S'il y avait une vraie élection, il ne gagnerait jamais", affirme-t-il à propos de cet homme d'appareil tout aussi impopulaire que sa rivale.

Au restaurant du Sénat, les serveurs ont également leur mot à dire sur ceux qu'ils côtoient au quotidien: "Il y en a quelques-uns de bien qui viennent ici, mais la plupart sont très arrogants et ne nous traitent pas avec respect", raconte l'un d'eux, en regardant par dessus son épaule pour s'assurer que personne ne le voit parler à un journaliste.

 

(Pour mémoire : Un Libanais à la tête du Brésil...)

 

Pour améliorer les choses, l'un des agents d'entretien de l'institution suggère une solution qu'il connaît bien: le nettoyage complet. "Je ne crois pas que nous puissions avoir de changement sans de nouvelles élections", estime-t-il. "L'impeachment, cela veut dire changer les personnes, mais les choses resteront pareilles. Il faut un nouveau départ, complètement nouveau".

Une large majorité de 61% de Brésiliens est favorable à des élections anticipées selon un sondage CartaCapital/Vox Populi effectué en août.
Dilma Rousseff a proposé de consulter les Brésiliens par référendum sur cette option au cas fort improbable où la procédure de destitution à son encontre échouerait. Mais cela passerait par un tout aussi improbable amendement de la Constitution, qui ne prévoit pas en l'état une telle porte de sortie de crise.
Et sans surprise, ceux qui occupent désormais le pouvoir, Michel Temer le premier, ne veulent évidemment pas en entendre parler.

De toute façon, le problème resterait entier, relève le second garçon d'ascenseur. Car en cas d'élections, qui pourrait donc bien incarner une nouvelle et meilleure alternative? A ses yeux, la cause est entendue: "Pour arriver aussi loin en politique, il faut être malhonnête. Une personne 100% honnête n'y arriverait jamais".

 

Pour mémoire

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Toute la journée, les garçons d'ascenseur du Sénat brésilien accompagnent leurs élus aux étages. Mais à force d'écouter en silence leurs conversations, ils sont convaincus que ces derniers ne conduisent le pays que dans une direction: le bas.
"Ce que je vois, ce sont plein de gens malhonnêtes en train de juger une femme elle aussi malhonnête", assène un liftier qui préfère garder...

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