Les élections municipales du mois de mai ont montré un affaiblissement des partis politiques, mais c'est surtout aux remous au sein du CPL que les médias se sont intéressés. Selon le Courant patriotique libre, cette soudaine passion médiatique pour tout ce qui se passe au sein de ce parti, et en particulier pour les voix dissidentes, ne peut pas être innocente. Elle vise, à travers la focalisation sur les problèmes internes, à atteindre le général Michel Aoun et le chef du parti, le ministre Gebran Bassil. Considérant ainsi qu'il s'agit d'une nouvelle étape dans la guerre systématique menée contre Aoun et le parti qu'il a fondé, Bassil a préféré faire preuve de fermeté à l'égard de ceux qui ont élevé la voix et qui ont dénoncé ce qu'ils ont appelé « une dérive totalitaire au sein du CPL ». Au cours du meeting à l'occasion du 7 août, il a même déclaré : « Il n'y a pas d'opposition au sein du CPL, ni des courants différents à l'intérieur du parti. » Il voulait ainsi refermer la parenthèse de la contestation interne, à travers une vaste opération qui plaçait les récalcitrants devant un choix : soit intégrer le parti en respectant son règlement, soit le quitter. Selon ses proches, il ne pouvait pas faire preuve de laxisme, parce que la crédibilité du parti est en jeu et qu'il était important pour le CPL de montrer un nouveau modèle d'engagement partisan, même si cela doit se faire aux dépens de figures symboliques du militantisme aouniste. De plus, le timing de la contestation est suspect, aux yeux de la direction du parti, parce qu'elle intervient au moment où ce dernier mène une bataille politique difficile pour la reconquête des droits des chrétiens, dont la présidence de la République. Enfin, la complaisance avec laquelle les médias hostiles au CPL ont traité la question de ses remous internes ne peut pas être dissociée de la vaste campagne menée contre lui et son chef emblématique, le général Michel Aoun.
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Les contestataires, eux, ne partagent pas ce point de vue. S'ils ne cachent pas une certaine amertume d'avoir été expulsés du parti, sans avoir été, selon eux, réellement entendus (ils ont comparu devant l'instance disciplinaire sans pouvoir exposer leur point de vue ou se défendre, affirment-ils), après avoir lutté pendant des années dans le sillage du général Aoun, ils considèrent de leur devoir de « sauver » le courant dans lequel ils continuent de croire et de rectifier ainsi le tir. Selon eux, leur combat a aujourd'hui un grand titre : « La participation véritable, à travers un règlement interne véritablement démocratique ». Ils relèvent d'ailleurs à ce sujet le fait que le CPL, qui réclame à cor et à cri une participation véritable des chrétiens au pouvoir, n'applique pas le même principe dans ses rangs.
Bien qu'ayant fait l'objet d'un avis d'expulsion du parti, ces militants de la première heure continuent à vouer une grande admiration au général Aoun, qui reste pour eux le chef charismatique et le phare. Leur problème est avec l'adoption d'un règlement interne modifié qui augmente les prérogatives du président du parti, au détriment des principes démocratiques. Par exemple, après avoir adopté un règlement interne prévoyant la possibilité pour le président du parti d'être élu pour deux mandats successifs seulement (8 ans), cet article a été changé pour lui permettre de rester à vie, sachant qu'un président élu pour deux mandats cherche à faire des réalisations, alors que celui qui a la possibilité de se faire réélire indéfiniment ne songe plus qu'à placer ses hommes. De même, le conseil politique qui devait définir la stratégie du parti n'a plus qu'un pouvoir consultatif, alors que le nombre de ses membres désignés par le chef a été augmenté, au détriment de ceux qui sont élus...
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Ce ne sont là que deux exemples, il y en aurait d'autres, selon les opposants, qui insistent sur le fait que la tendance globale vise essentiellement à renforcer les pouvoirs du chef du parti. À ce sujet, les opposants rappellent que le règlement interne prévoit l'organisation de primaires même pour les élections municipales, mais elles ont été suspendues faute de temps et on a vu les résultats dans plusieurs localités... Les dissidents estiment aussi qu'après un chef charismatique comme Michel Aoun, le président du parti, quel qu'il soit, ne peut que faire l'objet d'une comparaison désavantageuse pour lui. C'est pourquoi il aurait mieux valu, selon eux, établir un système de pouvoir collégial, ne serait-ce que pour une période transitoire. Mais cette proposition n'a pas été retenue. Au contraire, tout a été fait pour concentrer les pouvoirs entre les mains du président, quitte à éloigner toutes les figures qui pourraient constituer une menace pour lui. C'est du moins ce qu'affirment les opposants qui ajoutent que leur revendication se résume en deux mots : alternance et participation, avec le souhait de revenir au règlement interne avant sa modification. À ceux qui leur reprochent de faire entendre leur voix au moment où le CPL mène campagne pour les droits des chrétiens, les opposants répondent qu'ils n'ont pas choisi le timing, ajoutant que tout ce qu'ils demandent, c'est que la direction du parti écoute la base. Bien qu'ils reconnaissent avoir été sollicités par plusieurs parties hostiles au général Aoun, ils affirment qu'ils ne veulent pas se laisser récupérer par qui que ce soit. Ils ne veulent pas renier leur passé militant et précisent que leur action vise à préserver leur rêve d'un parti démocratique, qui ne ressemble pas à ceux qui existent déjà au Liban, mais au contraire puisse leur servir de modèle.
Que peuvent-ils faire maintenant qu'ils ont été expulsés ? Les opposants précisent qu'ils veulent faire entendre leur voix, pour que le commandement actuel reconnaisse qu'il y a un problème et renoue le dialogue. Mais en faisant entendre leur voix, ne sont-ils pas en train de faire du tort au général Aoun dont ils continuent de se réclamer ? « C'est lui qui nous a appris à ne pas nous taire », disent-ils. « C'est pour lui, pour nous et pour la base que nous menons ce combat. »
Au moment où le CPL s'apprête à mener une nouvelle bataille pour « la participation des chrétiens au pouvoir », et cherche à rassembler le maximum de soutiens, ce mouvement de protestation peut être une entrave. Simple coïncidence, maladresse ou manipulation ? L'avenir le dira.
Pour mémoire
Jreige : Le gouvernement et l'élection présidentielle paralysés par le même groupe
commentaires (4)
moutons oui !! allez y dire ca a bassil ... haha
Bery tus
14 h 14, le 27 août 2016