Rechercher
Rechercher

Économie - Infrastructures

Pour Erdogan, la folie des grandeurs a désormais un pont

Édifié en un temps record, ce troisième pont mirifique sur le Bosphore, inauguré hier par le président turc, doit permettre de décongestionner Istanbul.

Ce pont, conçu par les architectes français Michel Virlogeux et suisse Jean-François Klein pour un coût de près de 900 millions de dollars, a la plus grande portée du monde (1 408 mètres entre deux pylônes). Ozan Kose/AFP

Recep Tayyip Erdogan a inauguré hier le troisième pont sur le Bosphore à Istanbul, un ouvrage élégant édifié en un temps record malgré de considérables défis techniques, selon la volonté d'un président qui rêve d'une « nouvelle Turquie ».

Le pont Yavuz Sultan Sélim, l'un des plus grands ponts suspendus du monde, fait partie des travaux d'envergure voulus par M. Erdogan dans lesquels ses détracteurs voient une « folie des grandeurs ».
Ce troisième pont routier et ferroviaire est censé décongestionner la métropole tentaculaire et alléger la circulation sur les deux premiers ponts enjambant le Bosphore, qui relient aussi les rives européenne et asiatique de la ville de 18 millions d'habitants.

Le pont, qui doit être mis en service dès aujourd'hui, s'inscrit dans le cadre d'un mégaprojet autoroutier de 150 km devant permettre à la plus grande ville de Turquie, qui étouffe, de s'étendre vers la mer Noire.
« Nous sommes en Europe, et nous allons rejoindre l'Asie par la mer pour la troisième fois », a déclaré le président Erdogan avant de couper le ruban. « Nous connectons les continents grâce au pont », a-t-il lancé.
Lyrique lui aussi, le Premier ministre Binali Yildririm a estimé que « Yavuz Sultan Selim n'est pas seulement un pont mais une œuvre d'art », qualifiant la structure hybride – le pont est à la fois suspendu et haubané – de « merveille de l'ingénierie ».

Tambour battant
Cet ouvrage, conçu par les architectes français Michel Virlogeux et suisse Jean-François Klein et bâti par une joint-venture sud-coréenne (Hyundai et SK) pour un coût de près de 900 millions de dollars, a la plus grande portée du monde (1 408 mètres entre deux pylônes).
« Ce pont met la Turquie au premier plan mondial, c'est le plus spectaculaire construit ces dernières années », a déclaré à l'AFP Michel Virlogeux, qui a entre autres conçu le viaduc de Millau (sud de la France) et le pont de Normandie (Ouest).
« Je ne connais aucun exemple d'ouvrage conçu et construit en trois ans et demi », souligne-t-il. « Il y a eu une volonté politique » d'aller vite, a assuré l'ingénieur.

Pour Erdogan, l'évènement est aussi l'occasion d'un bref moment de gloire dans une Turquie toujours assommée, un mois et demi après un putsch raté. Ces dernières années, le président turc a multiplié les grands projets d'urbanisation, souvent menés tambour battant. « La Turquie sera dans une position différente avec des projets aussi ambitieux », a promis M. Erdogan en inaugurant le pont.

À l'image de sa dimension impressionnante, l'ouvrage a d'ailleurs hérité du nom du sultan Yavuz Selim, qui a conquis de larges pans du Moyen-Orient lors d'un règne de huit ans. Mais le choix de ce nom a été ressenti comme une provocation par les Alévis, minorité chiite persécutée par le sultan ottoman.
En 2015, Erdogan a relancé l'idée d'un canal parallèle au détroit du Bosphore, qui prévoit le percement d'une voie d'eau de 43 km de long entre la mer Noire au nord et la mer de Marmara au sud, dans la partie européenne de la ville.

Plus récemment, le gouvernement a annoncé pour 2020 un « mégaprojet » de tunnel Eurasia sous le détroit du Bosphore, doté de trois niveaux et long de 6,5 km.
« Depuis qu'il a été élu, Erdogan n'a jamais cessé d'avoir un œil sur Istanbul, dont il a fait une véritable vitrine politique », explique Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble (France) et chercheur associé à l'Institut français d'études anatoliennes.

Parmi les autres réalisations figurent des lignes ferroviaires à grande vitesse et l'ouverture de nouvelles centrales hydroélectriques et thermiques, dont nombre ont été menées sous la responsabilité du Premier ministre Yildirim, ex-ministre des Transports.
Ces travaux d'aménagement ont également leurs détracteurs qui dénoncent des « projets fous » à la recherche effrénée de la grandeur. L'initiative la plus controversée reste la construction d'un troisième aéroport, qui doit s'achever en 2018 et permettra à terme d'accueillir 200 millions de passagers, ce qui en ferait l'un des plus grands du monde, avec six pistes. L'annonce a provoqué la colère des organisations écologistes, qui ont dénoncé « un massacre environnemental » dans une zone boisée située près du lac Terkos, l'un des six principaux réservoirs d'eau potable d'Istanbul.

 

Pour mémoire
Prières inaugurales à la mosquée géante de Çamlica

Erdogan inaugure une mosquée pour réconcilier l'Amérique et son islam

Istanbul : le 3e aéroport prévu pour 2018

Erdogan ressort des cartons son "projet fou" de canal à Istanbul

Recep Tayyip Erdogan a inauguré hier le troisième pont sur le Bosphore à Istanbul, un ouvrage élégant édifié en un temps record malgré de considérables défis techniques, selon la volonté d'un président qui rêve d'une « nouvelle Turquie ».
Le pont Yavuz Sultan Sélim, l'un des plus grands ponts suspendus du monde, fait partie des travaux d'envergure voulus par M. Erdogan dans...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut