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Moyen Orient et Monde - Entretien express

Burkini : « En réalité, le Conseil d’État pousse le législateur à faire voter une loi »

Grégory Kalflèche, professeur de droit public à Toulouse 1 Capitole, analyse pour « L'Orient-Le Jour » les enjeux de la décision du Conseil d'État contre l'arrêté antiburkini de Villeneuve-Loubet.

Fethi Belaid/AFP

Est-ce que la décision du Conseil d'État est une surprise ou était-elle attendue ?
C'est une décision qu'on attendait, mais dont on savait qu'elle pouvait aller dans les deux sens, parce qu'elle a une dimension symbolique, comme c'est la première, et qu'en réalité elle sera suivie par un nombre non négligeable d'autres. C'est une décision qui est symbolique, car elle rappelle le cadre juridique dans lequel on va pouvoir interdire ou pas le burkini, selon les communes. Le Conseil d'État n'a fait que répéter la règle générale selon laquelle il faut un risque d'atteinte à l'ordre public. Dans le cas de Villeneuve-Loubet, il l'a appliquée de manière assez classique.

Pourquoi le Conseil d'État a-t-il ordonné la suspension de l'arrêté ?
Pour qu'un maire puisse interdire quelque chose avec un arrêté, il faut qu'il y ait un risque d'atteinte à l'ordre public. En l'occurrence, dans cette commune, les débats ont porté sur la question suivante : est-ce qu'il y a vraiment un risque d'atteinte à l'ordre public ? Sous-entendu : est-ce que vous avez pris un arrêté politique visant à interdire le burkini parce que vous êtes contre ? La défense n'a manifestement pas été suffisante, car le Conseil d'État a jugé que, dans cette commune-là, il n'y avait pas de risques de troubles. Pour être précis, il dit plutôt que la commune n'a pas prouvé qu'il pouvait y en avoir.

 

(Repère : Burkini, voile, niqab : ce que dit la loi en France)

 

Qu'est-ce que cela implique pour les autres communes ayant décidé d'interdire le burkini ?
Il y a aujourd'hui une trentaine de communes qui ont pris ce type d'arrêté. Au-delà des débats politiques, le Conseil d'État a recentré le débat dans des termes juridiques. La question pour les communes ayant pris ces arrêtés est : est-ce qu'il y a un réel risque d'atteinte à l'ordre public s'il y a des burkinis sur la plage ? Dans l'hypothèse où il peut y avoir trouble à l'ordre public, le Conseil d'État validera l'arrêté. Sinon, il le suspendra. Par exemple, il est vraisemblable qu'en Corse, où on a déjà eu des atteintes à l'ordre public avec des rixes et des destructions de voitures, à la suite de photos prises par un touriste d'une femme portant un burkini, l'arrêté dans la commune en question soit validé. Néanmoins, on ne va pas limiter cela aux cas où il y a déjà eu trouble, car le propre de ces arrêtés est justement d'éviter qu'il y en ait. Tous les éléments de preuves que pourront amener les maires confirmeront ou pas l'arrêté.

Est-ce que cette décision peut avoir un impact politique quelconque ?
L'impact politique est en réalité très bien contrôlé par le Conseil d'État, car ce dernier n'a pas fait de règle générale absolue, mais a plutôt rappelé une règle générale qui existe depuis 1933, ainsi que l'arrêt Benjamin qui stipule qu'il faut des mesures proportionnées au risque. Le juge ne résout pas de question politique, au contraire. L'impact politique sera nul. Le Conseil d'État est resté au plus petit niveau de la décision communale, en évitant de rentrer dans le débat politique. En traitant au cas par cas, selon les communes, il y aura forcément des décisions contradictoires. Le Conseil d'État pousse en réalité le législateur, s'il veut une position uniforme, à faire voter une loi.

 

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Est-ce que la décision du Conseil d'État est une surprise ou était-elle attendue ?C'est une décision qu'on attendait, mais dont on savait qu'elle pouvait aller dans les deux sens, parce qu'elle a une dimension symbolique, comme c'est la première, et qu'en réalité elle sera suivie par un nombre non négligeable d'autres. C'est une décision qui est symbolique, car elle rappelle le cadre...

commentaires (1)

Et oui la décision ne pouvait hélas être différente, les lois Françaises dans le domaine des droits du respect des êtres humains sont claires. Mais évidemment pas adaptées à la nouvelle situation.Il ne s'agit pas d'un problème de droit mais c'est un problème idéologique avec deux références: amalgame entre Musulmans et terroristes et bien sur le droit des femmes,la France à toujours été en pointe dans le combat des féministes et les tenues des femmes Musulmanes va à l'encontre de ce combat. Le problème c'est comme la loi ne règle rien j'ai bien peur que se soit la rue qui s'en charge et nous allons droit vers des altercations et là on rentre dans le domaine des troubles l'ordre public

yves kerlidou

09 h 29, le 27 août 2016

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Commentaires (1)

  • Et oui la décision ne pouvait hélas être différente, les lois Françaises dans le domaine des droits du respect des êtres humains sont claires. Mais évidemment pas adaptées à la nouvelle situation.Il ne s'agit pas d'un problème de droit mais c'est un problème idéologique avec deux références: amalgame entre Musulmans et terroristes et bien sur le droit des femmes,la France à toujours été en pointe dans le combat des féministes et les tenues des femmes Musulmanes va à l'encontre de ce combat. Le problème c'est comme la loi ne règle rien j'ai bien peur que se soit la rue qui s'en charge et nous allons droit vers des altercations et là on rentre dans le domaine des troubles l'ordre public

    yves kerlidou

    09 h 29, le 27 août 2016

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