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Lifestyle - Un peu plus

Là-bas

L’exil de la première vague de Libanais (1915).

La Gaule, Vercingétorix face à César, le baptême de Clovis en 489, Clotaire II et son fils Dagobert, Charles Martel et la bataille de Poitiers en 732, Charlemagne, successeur de son père Pépin le Bref, a cette idée folle d'inventer l'école, Hugues Capet, Philippe Auguste, l'exécution de Jeanne d'Arc, la barbe de François Ier puis celle d'Henri IV, Louis XIV, Marie-Antoinette et ses brioches, la Bastille, Napoléon, De Gaulle...

Voilà ce qu'apprennent les petits Libanais qui suivent le programme français. Voilà ce qu'ils apprennent pendant le primaire, le collège et le secondaire. Voilà ce qu'ils apprennent avant d'en connaître un peu plus sur leur pays. Mais en arabe. Parce que l'histoire du Liban ne s'apprend qu'en na7awé. Et pas quand on est petit. Avant les classes de 6e, 5e ou même 4e, selon les écoles, les petits Libanais ne savent rien des Phéniciens et de leurs aventures à Carthage ou dans la mer Égée, de la conquête d'Alexandre le Grand en 333 av. J.-C., des influences hellénistiques. Ils ne connaissent pas encore la conquête romaine, l'influence de l'Empire byzantin, saint Maron, la dissidence druze, les Omeyyades, les croisés, le comté de Tripoli, les Ayyoubides, le sultanat mamelouk. Puis l'Empire ottoman, l'émir Bachir, le double caïmacamat, la moutassarrifiya, la Première Guerre mondiale et la grande famine, le mandat français, la création du Grand Liban, les accords Sykes-Picot, l'indépendance, la crise de 56-58, le chéhabisme, les accords du Caire... et la guerre. Cette guerre sur laquelle rien n'est enseigné à l'école. Il n'y a pas eu de vainqueur, il n'y aura pas d'histoire. Il y en a trop, des histoires. Ce qui suivra 1975 ?
Rien. Sans parler du programme d'histoire, qui n'a pas changé depuis des lustres. Terikh wou geghraphia.

Parlons-en de la géographie. Avant de savoir où se trouvent le Akkar, Saïda, Tyr, la Békaa ; avant de savoir ce qu'est un caza, un mohafazat, le nom des rivières et des fleuves ou celui des montagnes, ces petits Libanais qui suivent le programme français posséderont sur le bout des doigts le nom des régions et des départements français, son relief, son climat, son système électoral. Qui est son président. Nous, on n'en a pas.

Et après, on se demande pourquoi les jeunes, pour la plupart d'entre eux, ont toujours quitté le pays vers d'autres horizons. Ben, en maîtrisant mieux l'histoire et la géographie d'autres pays, on en rêve. On rêve de ces ailleurs que l'on connaît depuis notre plus tendre enfance. Ça a toujours été comme ça. Le Liban a connu plusieurs vagues d'exil. Dues aux crises, à la famine ou aux guerres. Depuis quelques années, à cause de tout. Et depuis juillet dernier... parce qu'en plus de ce tout magmatique, on vit dans la merde. Au sens propre comme au figuré. Les jeunes s'en vont. Ceux qui veulent faire leurs études universitaires, mais aussi ceux qui sont au début de la fondation de leur famille. Et ce n'est plus une question de moyens. Ce ne sont pas seulement les plus nantis qui prennent la poudre d'escampette. Beyrouth est la 41e ville la plus chère du monde, et la 4e des pays arabes, selon le classement du bureau Mercer. Hallucinant quand on sait que rien ne suit cette cherté de vie. Ni les salaires ni les conditions. Rien ne vaut plus le coup de débourser autant dans et pour un pays qui ne nous donne rien en échange.

Alors, ceux qui le peuvent se barrent. Et on ne peut que les encourager. Les encourager à poursuivre leurs rêves ailleurs. Même si ce sera dur, ça l'est devenu ici aussi. Oui, oui, certains diront que la douceur de vivre au Liban n'existe nulle part ailleurs, que rien ne vaut la famille et les amis. Que les services sont faciles. Soit pour les services et ceux qui nous entourent. Douceur de vivre ? Laquelle de douceur ? Celle du plus grand virus de gastro-entérite qu'ait connu le pays ? Celle de l'eau sale qui coule dans nos robinets ?
De nos rues, de nos montagnes, de notre mer, de nos villes, croulant sous les poubelles ? Quelle douceur de vivre, quand la plupart des Libanais ont du mal à joindre les deux bouts, quand les prix flambent, quand les loyers sont exorbitants et que les salaires ne suivent pas ? Quelle douceur de vivre, quand on ne peut pas se promener dans la rue, ni prendre son temps dans un parc ou y faire du vélo ? Quelle douceur de vivre quand un pays vous oblige à vous séparer de vos enfants ?
La douceur du coton peut-être, celui dans lequel on vit anesthésiés. Celui duquel on regarde notre pays vieillir, sans broncher.

La Gaule, Vercingétorix face à César, le baptême de Clovis en 489, Clotaire II et son fils Dagobert, Charles Martel et la bataille de Poitiers en 732, Charlemagne, successeur de son père Pépin le Bref, a cette idée folle d'inventer l'école, Hugues Capet, Philippe Auguste, l'exécution de Jeanne d'Arc, la barbe de François Ier puis celle d'Henri IV, Louis XIV, Marie-Antoinette et ses...

commentaires (2)

Je n'ai pas encore l'âge de Noé 600 ans mais presque. J'ai commencé mes études chez les Bonnes Soeurs puis chez les Frères Maristes depuis 1936 jusqu'à 1947. Donc, comme toutes les personnes de mon âge à Jounieh j'ai appris l'Histoire de France puis dès la sixième, l'Histoire du Liban dans les livres disponibles à l'époque car il n'y avait pas d'autres. Parce que chaque communauté de notre cher et vieux pays voulait écrire "son" Histoire du Liban. Je cite un exemple les massacres de 1860 au Chouf. On a inventé leurs causes à un jeu de billes entre un petit druze et un petit maronite, puis on a changé les causes en les attribuant à une perdrix chassée par un chasseur etc... Tandis que la seule vérité était l'extermination des maronites réputés francophiles par les druzes anglophiles à l'instigation des Ottomans et de la Perfide Albion.

Un Libanais

22 h 42, le 27 août 2016

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Commentaires (2)

  • Je n'ai pas encore l'âge de Noé 600 ans mais presque. J'ai commencé mes études chez les Bonnes Soeurs puis chez les Frères Maristes depuis 1936 jusqu'à 1947. Donc, comme toutes les personnes de mon âge à Jounieh j'ai appris l'Histoire de France puis dès la sixième, l'Histoire du Liban dans les livres disponibles à l'époque car il n'y avait pas d'autres. Parce que chaque communauté de notre cher et vieux pays voulait écrire "son" Histoire du Liban. Je cite un exemple les massacres de 1860 au Chouf. On a inventé leurs causes à un jeu de billes entre un petit druze et un petit maronite, puis on a changé les causes en les attribuant à une perdrix chassée par un chasseur etc... Tandis que la seule vérité était l'extermination des maronites réputés francophiles par les druzes anglophiles à l'instigation des Ottomans et de la Perfide Albion.

    Un Libanais

    22 h 42, le 27 août 2016

  • Très triste mais si réaliste. Un pays qui va à la dérive dans toutes ses composantes et dans tous les sens, ne devrait plus mériter de conserver sur son sol une jeunesse écoeurée par tant d'injustice et d'indifférence exercées par ceux qui le gouvernent... Les petits et les jeunes libanais ne connaissent de leur pays ni son histoire ni sa géographie!! Ils connaissent la violence, l'aggressivité et la loi de a jungle! Ceux et celles qui suivent le programme français apprennent au moins des matières qui leur seront utiles au moment de quitter leur pays... Dommage pour le Liban et pour les parents qui doivent se séparer de leurs enfants Merci Mme. Médéa pour cet article si vrai et si clair

    Zaarour Beatriz

    22 h 37, le 27 août 2016

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