Le mouvement pro-armée Houmat al-Diyar (« Gardiens du pays »), qui suscite de plus en plus l'inquiétude d'une partie des Libanais, a été pointé du doigt hier par le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, qui projette de demander sa dissolution.
C'est lors de la commémoration du troisième anniversaire du double attentat contre les mosquées al-Salam et al-Takwa, à Tripoli, en août 2013, que M. Machnouk a dénoncé ce mouvement, qu'il considère comme dangereux.
« Je suis en train de préparer un dossier sécuritaire et légal à présenter au Conseil des ministres pour demander le retrait de la licence accordée à Houmat al-Diyar. La patrie ne peut pas être protégée par davantage de milices, ni par de nouveaux groupes armés, mais par le dialogue, les concessions mutuelles et l'appui à notre système politique », a dit le ministre lors d'une conférence de presse tenue au siège de Dar el-Fatwa à Tripoli, sur invitation du mufti de la ville, Malek Chaar, à l'occasion de cette commémoration. Plusieurs figures du 14 Mars et un grand nombre de dignitaires religieux étaient présents.
Le double attentat de Tripoli avait fait 42 morts et 500 blessés.
Le fondateur de Houmat al-Diyar, Ralph Chémali, indique sur sa page Facebook que le but de son mouvement est de « rapprocher la société civile de l'armée libanaise ». Il a assuré hier, dans une interview à la LBC, que son mouvement n'est pas armé mais qu'il soutient la troupe tout simplement.
Comparé par certains aux Forces de mobilisation populaires en Irak, Houmat al-Diyar suscite beaucoup de méfiance, notamment dans les milieux sunnites qui craignent l'émergence d'une nouvelle unité du genre « brigades de la résistance », calquée sur le modèle du Hezbollah, d'autant plus que le mouvement a des bureaux à Tripoli.
À l'instar de Nouhad Machnouk, le député de Tripoli, Samir el-Jisr, a confié hier qu'il était en train de préparer un dossier complet sur Houmat al-Diyar. « Ce dossier comporte des informations sur l'objectif et les membres de ce mouvement. Des vidéos et photos qui ont circulé sur les réseaux sociaux et qui montrent des éléments en train de s'entraîner avec l'armée libanaise à Nabatiyé seront jointes au dossier. Nous le présenterons soit à la prochaine séance de dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah, soit à la commission parlementaire de la Défense que je préside. Ce qui a été publié dans les médias sur ce mouvement est inquiétant », a dit M. Jisr.
Selon une source proche du mouvement, il s'agit d'un « organisme non armé qui se conçoit comme un rassemblement des amis de l'armée ». M. Chémali est propriétaire d'un pub à Jounieh, mais il a toujours été proche de l'armée dont il est un grand admirateur. « Il partait souvent voir ses amis de la brigade aéroportée de Ghosta. Petit à petit, il s'est fait beaucoup de connaissances dans l'armée et les services de renseignements. C'est juste quelqu'un qui aime beaucoup la troupe, explique cette source. Dans son mouvement, il y a même des femmes ainsi que des personnes de toutes les communautés. Leur but est de soutenir l'armée, tout simplement, sans vouloir prendre les armes pour autant. »
Les responsables du double attentat de 2013 identifiés
Concernant les investigations sur le double attentat qui a frappé Tripoli il y a trois ans, Nouhad Machnouk a assuré durant la conférence de presse que tous les coupables ont été identifiés mais que certains sont actuellement en cavale. « Les investigations qui ont été menées par les services de renseignements ont permis de déterminer les responsables du double attentat de 2013, au Liban et en Syrie, ainsi que les noms de ceux qui ont planifié, exécuté ou facilité la tâche. Ce dossier a été transféré à la justice. Certaines des personnes impliquées ont été arrêtées, d'autres se sont enfuies mais nous connaissons leur identité », a-t-il souligné. M. Machnouk a par ailleurs indiqué qu'il allait faire parvenir un rapport complet sur les détails du double attentat au mufti Chaar.
Le mufti a quant à lui exprimé son soutien pour les familles des victimes et demandé que justice soit faite. « J'invite l'État à divulguer les noms de ceux qui sont impliqués dans ce crime parce que nous n'acceptons pas que certains puissent sentir que l'État se tait face à un carnage de cette ampleur », a-t-il dit.
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commentaires (7)
Excellent idée du ministre de l'Intérieur. Nous lui suggérons de dissoudre, par la même occasion, toutes les formations armées illégales: le Hezbollah et ses cohortes auxiliaires dites saraya al moukawama, ainsi que les groupes armés miliciens entretenus par diffrents partis politiques, sans oublier les formations palestiniennes hors-camps-de-réfugiés toutes inféodées au pouvoir de Damas.
COURBAN Antoine
08 h 06, le 26 août 2016