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Liban - Déchets

La polémique s’envenime entre Chehayeb et les manifestants de Bourj Hammoud

« Les ordures retourneront dans les rues », avertit le ministre de l'Agriculture ; les Kataëb et la société civile rejettent cet ultimatum ; la municipalité menace de fermer la route aux camions.

M. Chehayeb au cours de sa conférence de presse hier, attaquant sans les nommer les militants de la société civile. Ceux-ci ont répondu par une autre conférence de presse. Photo Ani

Alors que le sit-in permanent du parti Kataëb, soutenu par plusieurs rassemblements d'écologistes, a réussi à interrompre les travaux de construction d'une décharge à Bourj Hammoud depuis plusieurs jours, Akram Chehayeb, ministre de l'Agriculture et président du comité de suivi de la gestion des déchets, a mis en garde hier : « La seule alternative aux décharges est le retour des déchets dans les rues. Si c'est ce que les gens veulent, qu'ils manifestent et ferment les routes, sinon qu'ils agissent avec responsabilité. »

Le ministre a également affirmé, au cours d'une conférence de presse tenue en son bureau au centre-ville de Beyrouth, que le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) vient de recevoir une lettre du président de la municipalité de Bourj Hammoud, qui déclare refuser que les déchets continuent de s'empiler dans l'aire de stockage temporaire près du chantier de la décharge si les travaux de construction de celle-ci restent bloqués, afin, précise la lettre, de ne pas souffrir de la création d'une nouvelle montagne de détritus dans cette région. Ces propos sont lourds de menaces puisque cette aire de stockage reçoit depuis mars les déchets d'une partie de Beyrouth et du Mont-Liban. Une menace reprise par le parti Tachnag lui-même en soirée, qui déclare « n'être d'accord avec le plan gouvernemental que si celui-ci est appliqué comme il a été convenu en septembre dernier », et qui assure que « la route des camions sera fermée dès demain (aujourd'hui) matin ». Serions-nous aux portes d'une nouvelle crise ?

La réponse des manifestants à M. Chehayeb ne s'est pas fait attendre. Lors d'une conférence de presse tenue à 18h au lieu même du sit-in par le parti Kataëb et les écologistes, ceux-ci ont rejeté toute menace de retour des déchets dans les rues, assurant que l'alternative existe et que le dialogue devrait s'instaurer.
Rappelons que le plan gouvernemental de gestion des déchets, adopté en mars dernier par le gouvernement pour mettre fin à plusieurs mois de crise, est fondé sur la construction de deux décharges côtières, l'une au sud de Beyrouth à Costa Brava (littoral de Choueifate), l'autre au nord de la capitale, à Bourj Hammoud-Jdeidé. Les travaux ont commencé récemment sur les sites, après la clôture des appels d'offres (la société de Jihad el-Arab pour Costa Brava, et la société de Dany Khoury pour Bourj Hammoud). Entre-temps, les aires de stockage temporaires sur les deux sites continuent de recevoir les déchets.

 

(Lire aussi : Les Kataëb déterminés à aller jusqu'au bout)

 

« Du populisme et de la surenchère »
Au cours de sa conférence de presse, M. Chehayeb a employé un ton acerbe pour s'adresser aux manifestants qui bloquent l'entrée du chantier de Bourj Hammoud, les accusant de « populisme et de surenchère, ayant fait échouer le premier plan de gestion des déchets (NDLR : conçu par le comité présidé par Chehayeb lui-même en septembre dernier), et s'apprêtant à faire de même aujourd'hui ». Dans une tentative d'amadouer le parti Kataëb auquel une polémique l'oppose depuis des semaines, il a demandé « aux amis du parti Kataëb de ne pas permettre à ces forces de blocage de s'infiltrer à travers leur mouvement de protestation, sachant que ces personnes défendent leurs propres intérêts, et que le prix à payer sera le retour des déchets à la rue ». Il s'est dit également « inquiet pour le prestige de l'État, qui risque d'être écorné par ce blocage ».

Le ministre a rappelé que « ce plan est le fruit d'un consensus trouvé autour de la table de dialogue, avec l'assentiment de toutes les forces politiques ». Il a souligné que « le plan est temporaire, pour quatre ans seulement, sachant qu'il sera suivi d'un autre fondé sur la décentralisation progressive ».
« Ainsi, a-t-il poursuivi, les municipalités qui s'avéreront capables de gérer leurs déchets retireront les tonnes qui leur reviennent du volume total qui finit dans les deux décharges. Pour les municipalités qui ne pourront pas y arriver, nous proposerons une solution centralisée par l'installation d'usines de récupération de gaz et de production d'énergie. Mais entre-temps, tant que les municipalités ne sont pas prêtes à prendre la relève, on ne peut les maintenir sans solution centrale. »

Le ministre a mis en avant le fait que le projet de décharge à Bourj Hammoud prévoit de réhabiliter l'ancienne montagne de déchets, « qui libère des gaz et des liquides de déchets dans la mer depuis trente ans ». « On accepte un ancien dépotoir polluant, et on refuse une décharge contrôlée ? » s'est-il étonné. Il a précisé par ailleurs que tous les déchets qui seront enfouis dans cette décharge seront triés et traités au préalable dans l'usine de tri du Coral (Beyrouth), ce dont doutent les détracteurs du projet, ainsi qu'ils l'ont affirmé à plusieurs reprises, étant donné que les ballots de déchets dans les aires de stockage ne sont pas triés. Il a surtout appelé le chef des Kataëb, Samy Gemayel, à prendre part activement à la surveillance de ces sites durant les quatre années que durera le plan.

M. Chehayeb a longuement abordé le sujet du tri des déchets, reconnaissant, comme l'a dit le député Samy Gemayel, que 35 % des déchets sont recyclables, en théorie. « Mais cela est le cas lorsque le tri se fait dans les maisons, poursuit-il. Dans le cas d'un tri plus tardif dans un centre, cette proportion ne dépasse plus les 10 % puisque les papiers et les cartons mélangés aux matières organiques deviennent pareils à celles-ci. »

 

(Lire aussi : Sukleen dément avoir prévu d’arrêter le ramassage des déchets)

 

 

« Écartez le comité Chehayeb ! »
Dans une conférence de presse où ils ont répondu à M. Chehayeb, un représentant du parti Kataëb, Michel Hraoui, le président du Mouvement écologique libanais, Paul Abi Rached, et le porte-parole de la Coalition contre le plan gouvernemental de gestion des déchets, Raja Noujaim, ont déclaré leur rejet de l'ultimatum lancé par le ministre : soit la mise en application du plan gouvernemental de décharges, soit les déchets dans les rues.

Le représentant des Kataëb a assuré que le mouvement se poursuivra jusqu'à ce que ce projet de décharge soit abandonné. Paul Abi Rached a rappelé pour sa part « que les écologistes se sont souvent déclarés hostiles à l'enfouissement de la totalité des déchets ou à l'incinération de la totalité des déchets ». « Si ce gouvernement est sérieux, qu'il écarte le comité présidé par le ministre Chehayeb, et qu'il décide d'écouter les personnes sincères, une solution adéquate pour les déchets sera trouvée en quelques jours seulement », a-t-il assuré.

Raja Noujaim a expliqué que le mouvement s'oppose au fait que le remblayage de la mer se fera avec des déchets non triés, et qu'il ne veut surtout pas un risque de retour des déchets dans les rues. « Nous voulons que les responsables assument leurs responsabilités, mais pas que le peuple souffre et soit de nouveau noyé par les détritus, a déclaré M. Noujaim. Si l'intention de fermer la route aux camions, attribuée à la municipalité de Bourj Hammoud, est véridique, celle-ci doit comprendre qu'elle assumera alors la responsabilité d'une nouvelle accumulation des ordures dans les rues. En effet, vous pouvez vérifier que la route des camions qui transporte les ballots vers l'aire de stockage n'a jamais été fermée par les manifestants. »
Et d'ajouter : « M. Chehayeb doit savoir qu'il lui est indispensable de discuter de ce dossier avec les principaux concernés, au lieu de multiplier les réunions avec les responsables. Au lieu de cela, il nous traite de tous les noms, notamment celui de "commerçants de l'environnement", ce qui est absurde. »

Les écologistes ont rappelé que les solutions passent par la création de centres de tri et de compostage, qui permettent de réduire considérablement le volume des déchets.

 

 

 

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commentaires (2)

"Il s'est dit également inquiet pour le prestige de l'Etat, qui risque d'être écorné par ce bloquage." A mourir de rire ! 1) faudrait d'abord que l'Etat Libanais existe encore ! - le presitge de quoi...de qui ? - tous les autres bloquages qui écornent - la présidentielle ainsi que tous les autres projets qui trainent depuis des années...etc., etc. qui en parle ? Donc, maintenant, le presige de l'Etat Libanais dépend des ordures ménagères ??? Expliquez-nous comment font les autres pays dans le monde pour résoudre le problème des ordures ménagères ? En les entassant sur leurs bords de mer ? Irène Saïd

Irene Said

16 h 10, le 24 août 2016

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Commentaires (2)

  • "Il s'est dit également inquiet pour le prestige de l'Etat, qui risque d'être écorné par ce bloquage." A mourir de rire ! 1) faudrait d'abord que l'Etat Libanais existe encore ! - le presitge de quoi...de qui ? - tous les autres bloquages qui écornent - la présidentielle ainsi que tous les autres projets qui trainent depuis des années...etc., etc. qui en parle ? Donc, maintenant, le presige de l'Etat Libanais dépend des ordures ménagères ??? Expliquez-nous comment font les autres pays dans le monde pour résoudre le problème des ordures ménagères ? En les entassant sur leurs bords de mer ? Irène Saïd

    Irene Said

    16 h 10, le 24 août 2016

  • eh bien qu'elles retournent dans les rues... et que cette rue se debarasse de vous et vos semblables

    George Khoury

    10 h 18, le 24 août 2016

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