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Liban - Réconciliation de la Montagne

Nouvelles menaces de mort contre Joumblatt : le régime Assad encore pointé du doigt

Damas semble toujours revenir à son antienne : la violence face aux entreprises de réconciliation nationale.

Walid Joumblatt, samedi, à Moukhtara.

Mais pourquoi donc changer les bonnes vieilles méthodes... Surtout si les mécanismes sont bien rodés et font particulièrement bien leur office ?

Quinze ans déjà – et L'Orient-Le Jour s'en félicitait au début du mois – et la réconciliation de la Montagne reste en excellente santé. Les images de Moukhtara, le 6 août, grâce au sage double parrainage du patriarcat maronite et du chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt, l'ont du reste prouvé. Des images qui faisaient écho au geste historique et fondateur du patriarche Nasrallah Sfeir et de M. Joumblatt, le 4 août 2001, à l'époque l'une des étapes fondamentales du processus qui conduira, quatre ans plus tard, le Liban à en finir avec l'occupation syrienne et à recouvrer – partiellement, Hezbollah oblige – sa souveraineté.

Quinze ans déjà – et L'OLJ mettait en évidence la sinistre, mais néanmoins salutaire, nécessité du devoir de mémoire – et la logique du régime répressif et tyrannique continue de réagir de la même façon, sur les bords du Barada. Mais pourrait-il en être autrement ? Entre les rafles et la ratonnade des 7 et 9 août 2001 dans les rangs de l'opposition, dite « chrétienne » à l'époque, et les nouvelles menaces de mort dont Walid Joumblatt vient de faire l'objet par le biais du quotidien al-Akhbar, encore une fois, rien n'a vraiment changé. Les mêmes images continuent de susciter les mêmes réactions d'effroi dans les mêmes cerveaux rongés par le désir farouche de diviser, morceler et écraser. Mais qu'en est-il donc dans les faits ?

(Lire aussi : La reconstruction de l'église Saint-Élie de Brih, fruit du mariage entre tradition et modernité)

Le « sponsor » de Daech

Le quotidien al-Akhbar, par la plume de l'une de ses figures de proue, Hassan Ollaik, s'est fait, dans son édition de vendredi, le véhicule de nouvelles menaces de mort à l'encontre du leader du Parti socialiste progressiste. Des menaces dont l'origine, affirme l'article, serait Daech, désormais soucieux d'« attaquer les druzes et les chrétiens et de tuer Joumblatt » (c'est le titre de l'article). Si le texte consacre la plus grande partie de son contenu à la lutte menée par les forces de l'ordre contre les groupuscules islamistes basés en Syrie et leurs projets de semer le chaos au Liban, il se contente de quelques lignes – sans lien manifeste avec le développement du sujet – pour transmettre son message. Deux lignes en introduction : « Le plus dangereux, dans les informations qui sont à la disposition des services de sécurité, c'est que l'EI souhaite déplacer les Libanais de leurs régions et de leurs villages, et assassiner des hommes politiques, à commencer par le député Walid Joumblatt. » Puis, une dizaine de lignes en conclusion : « Tout l'exposé qui précède (sur les plans des organisations terroristes au Liban) reste moins dangereux que les informations dont les services de sécurité disposent, lesquelles assurent qu'elles sont certaines, après divers recoupements. Ces informations montrent que la direction des opérations extérieures de Daech à Raqqa a donné l'ordre à des groupes opérant au Liban de concentrer leur action sur le ciblage de régions à majorité chrétienne et druze. De même, les ordres de Raqqa sont de viser les députés, ministres et politiciens druzes, le député Walid Joumblatt en tête (...). »

Pour qui connaît al-Akhbar, quotidien ouvertement pro-Hezbollah et pro-Assad, se faire soudainement l'écho des menaces de Daech – après avoir été longtemps celui des fatwas du Hezbollah et du régime Assad contre bon nombre de personnalités du 14 Mars – a de quoi sidérer.
Mais la manœuvre ne « sidère » pas pour autant le moins du monde le Parti socialiste progressiste et son chef. Loin de là. Interrogées sur ces nouvelles menaces, des sources proches de Walid Joumblatt ont ainsi fait savoir à L'Orient-Le Jour que « si les menaces bien soulignées dans al-Akhbar prétendent que ce sont les autorités supérieures de Daech qui les formulent, il serait plus juste d'aller chercher du côté des sponsors de Daech... c'est-à-dire du régime Assad ».
Car, pour les cercles proches de M. Joumblatt, il ne fait pas de doute, une fois de plus, que c'est du côté du régime syrien que ces menaces proviennent, loin des fanfaronnades attribuées au nébuleux État islamique. « Sans doute le régime syrien a-t-il été gêné par les images de la réconciliation de la Montagne, qui lui ont rappelé de mauvais souvenirs. À l'heure où lui s'emploie à diviser sur le plan sectaire pour assurer sa survie, une image comme celle-là, qui se trouve aux antipodes de l'architecture de la terreur et de la fumisterie de l'alliance des minorités, ne peut que le déranger », commente ainsi une source politique. Une lecture partagée, du reste, par le chef du PSP et ceux qui gravitent autour de lui.

(Lire aussi : Quand résistance politique, réconciliation et purification de la mémoire fusionnent)

La « fatalité »...

Pour l'ancien député Samir Frangié, l'un des architectes de la réconciliation de la Montagne de 2001, qui a dîné récemment chez M. Joumblatt en compagnie du coordinateur général des forces du 14 Mars, Farès Souhaid (pour la première fois depuis 2009), l'image est encore plus claire. Interrogé hier par L'OLJ, M. Frangié a indiqué : « Il est curieux que le seul homme politique qui prône aujourd'hui une réconciliation nationale fasse l'objet de menaces de mort. En célébrant la réconciliation de la Montagne 15 ans après, Walid Joumblatt a voulu envoyer aux Libanais le message suivant : les projets des uns et des autres ont atteint leurs limites. Il est temps de tourner la page du passé et de donner la priorité à la sauvegarde du pays, menacé par une violence qui s'étend de jour en jour. »

Quant à Walid Joumblatt, rompu depuis des décennies à ce genre de violence morale et psychologique de la part du régime Assad et de ses alliés locaux, il a répondu samedi sur un ton sage et laconique à ces menaces, lors d'une cérémonie à Moukhtara : « Quels que soient le message et la menace qu'il comporte, qu'elle soit proche ou lointaine, c'est sur la fatalité que nous comptons, passé l'âge que nous avons atteint. La connaissance est l'arme la plus puissante que nous ayons à offrir à nos jeunes face aux défis de l'avenir et à ses difficultés, en ces temps sombres où les vagues d'ignorance et de sous-développement de différentes formes sont de plus en plus imposantes. Seul l'approfondissement de la connaissance est capable de faire face au repli sur soi et au puritanisme, et de consolider la culture de la tolérance, du pluralisme et du respect de l'autre en ces temps difficiles où nous assistons à une excitation sans précédent des sentiments de haine et d'aversion. »

Éternel retour

Quinze ans plus tard, et le régime syrien réagit toujours de la même manière aux tentatives de rapprocher les Libanais qui font échec à sa politique machiavélique de diviser pour régner sur un parterre de communautés disloquées, en menaçant d'assassiner tous ceux qui tentent l'aventure de briser le tabou syrien de la réconciliation, surtout depuis que des limites bien définies ont été fixées aux leaders du 14 Mars – à commencer par Walid Joumblatt – depuis l'équipée punitive du Hezbollah le 7 mai 2008.
Quinze ans plus tard, le régime Assad prouve, tous les jours – et ce n'est pas le petit Omrane el-Dashneek d'Alep et tous ses petits compagnons ensevelis sous les décombres qui susciteront, eux, un quelconque émoi de la part de la bien virtuelle communauté internationale – que les mauvaises habitudes sont les plus dures à abandonner. Si pour le Liban, c'est un éternel retour aux mêmes litanies sanglantes, avec les mêmes promesses d'avènements apocalyptiques en perspective, pour le peuple syrien, en revanche, c'est un anéantissement, une extermination au quotidien, dans un silence global de plus en plus lourd.


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commentaires (8)

Dans Beyrouth en effervescence, on se disputait tout le temps le pouvoir , et on était prêt à le prendre à tout prix, même quand les chars israéliens sont à proximité. Qui peut encore parier, par cette élection, au changement du cours de l’histoire, alors qu’on connait la suite. Un jour nous lirons, non pas des hagiographies, mais des HISTORIENS qui ont passé au scanner toute l’histoire de la guerre civile. Peut-être un jour, inchallah. Parmi cette belle brochette de personnalités interviewées, les déclarations d’un Abdel-Halim Khaddam ne manquent pas d’intérêt…

L'ARCHIPEL LIBANAIS

16 h 03, le 23 août 2016

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Commentaires (8)

  • Dans Beyrouth en effervescence, on se disputait tout le temps le pouvoir , et on était prêt à le prendre à tout prix, même quand les chars israéliens sont à proximité. Qui peut encore parier, par cette élection, au changement du cours de l’histoire, alors qu’on connait la suite. Un jour nous lirons, non pas des hagiographies, mais des HISTORIENS qui ont passé au scanner toute l’histoire de la guerre civile. Peut-être un jour, inchallah. Parmi cette belle brochette de personnalités interviewées, les déclarations d’un Abdel-Halim Khaddam ne manquent pas d’intérêt…

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    16 h 03, le 23 août 2016

  • Et dire que certains continuent de qualifier ce dictateur assassin et bourreau de son propre peuple": un héros... Qui se ressemble s'assemble ! Irène Saïd

    Irene Said

    17 h 57, le 22 août 2016

  • V’là à nouveau les chiens bääSSyriaNiques qui pensent se faire encore obéir !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    17 h 02, le 22 août 2016

  • Les syriens ont assassiné les pères, Kamal Joumblat et Rafik el Hariri (avec l'aide de leurs agents locaux), cela ne les gênerait pas de faire la même chose avec les fils, Walid et Saad. Ils ont déjà ouvert la voie à de multiples occasions car après avoir assassiné Bachir Gemayel, ils ont bien assassiné le neveu Pierre Gemayel. Et cela pour ne parler que des filiations.....

    Saleh Issal

    15 h 27, le 22 août 2016

  • Hautement subversif. Chapeau.

    FRIK-A-FRAK

    14 h 14, le 22 août 2016

  • "Quinze ans plus tard, le régime Assad prouve, tous les jours – et ce n'est pas le petit Omrane el-Dashneek d'Alep et tous ses petits compagnons ensevelis sous les décombres qui susciteront, eux, un quelconque émoi – que les mauvaises habitudes sont les plus dures à abandonner. Si pour le Liban, c'est un éternel retour aux mêmes litanies sanglantes, avec les mêmes promesses d'avènements apocalyptiques en perspective, pour le peuple syrien, en revanche, c'est un anéantissement, une extermination au quotidien, dans un silence global de plus en plus lourd.". Oui, bon, mais que fiche le Râââëéh-"béatitude" ?!

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 38, le 22 août 2016

  • REJ3ET HALIME LA 3ADETA IL ADIME...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 34, le 22 août 2016

  • Chapeau Mr chapeau !!!

    Bery tus

    01 h 02, le 22 août 2016

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