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Économie - Finances publiques

Dépenses publiques : une facture de plus en plus coûteuse

Le ministère des Finances prévoit une nouvelle hausse de 12,5 % des dépenses publiques cette année, qui devrait creuser encore davantage le déficit et la dette, et entraver la capacité de l'État à investir.

Entre 2011 et 2015, les dépenses publiques ont augmenté de 15,2 % à 13,45 milliards de dollars, contre une hausse de seulement 2,6 % des recettes, à 9,58 milliards, selon le ministère des Finances. Photo C. Hd.

Alors que l'économie continue de tourner au ralenti depuis cinq ans – avec une croissance prévue par la Banque mondiale (BM) à 1,8 % en 2016 contre 1,5 % en 2015 – et que la dette publique s'envole – elle a encore grimpé de 5,5 % en 2015 –, la dégradation continue des finances publiques inquiète.

Entre 2011 et 2015, les dépenses publiques ont augmenté de 15,2 % à 13,45 milliards de dollars, contre une hausse de seulement 2,6 % des recettes, à 9,58 milliards. Conséquence, en cinq ans, le ratio du déficit public (en hausse de 68 % en valeur nominale sur la période) sur le PIB est passé de 5,8 % à 7,8 %, selon la BM. Quant au ratio de la dette publique (qui a augmenté de 31 % en valeur nominale entre 2011 et 2015), il est passé de 134 % à 139 % du PIB, selon le ministère des Finances.

Or, selon le rapport sur la situation économique et financière du Liban présenté mi-juillet en Conseil des ministres par le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, la situation devrait davantage s'aggraver cette année avec une hausse prévue de 12,5 % des dépenses publiques (à 15,21 milliards de dollars) et de 13,3 % du déficit (à 4,47 milliards). Conséquence, le rapport anticipe une hausse de cinq points du ratio dette publique/PIB dès 2016 et de 22 points en 2020 si rien n'est fait entre-temps pour inverser la tendance.

Dans son rapport, le ministre des Finances insiste donc sur « la nécessité de lancer une série de réformes (afin de procéder à) une restructuration des dépenses publiques ». D'autant que « plus de 77 % des dépenses sont non productives et sont uniquement consacrées soit à des rémunérations salariales et des allocations sociales, soit au paiement du service de la dette, ou encore aux transferts à EDL ».

 

(Pour mémoire : Khalil appelle à redresser les finances publiques et à voter le budget)

 

Recrutement communautaire
Pour le ministre, l'État doit d'abord adopter « une nouvelle approche de la grille des salaires », sur laquelle, comme pour les autres pistes de réformes, le rapport n'en dit pas davantage. En effet, le principal poste de dépenses publiques est dédié au paiement des salaires et des allocations sociales, avec 34 % du total des dépenses sur les cinq dernières années. Cette part « ne prend pas en considération les transferts aux prestataires de services, consacrés en grande partie aux frais de leurs effectifs, et qui, une fois comptabilisés, gonfleraient encore plus les dépenses salariales », note une source proche du ministère des Finances ayant requis l'anonymat. Des dépenses salariales qui sont aussi susceptibles « d'augmenter en cas d'adoption de la nouvelle grille des salaires (par le Conseil des ministres, qui ne l'a toujours pas fait, NDLR) ou de nouveaux recrutements, particulièrement dans les domaines militaire et sécuritaire », prévient le rapport du ministère.

Or, le « recrutement dans la fonction publique obéit essentiellement à des considérations politiques et communautaires plutôt qu'à des besoins ou des compétences spécifiques », observe le directeur exécutif du Consultation & Research Institute, Kamal Hamdan. Un mode de gestion des ressources humaines d'autant plus problématique qu'aux dépenses salariales viennent s'ajouter les allocations sociales et les retraites. Selon le rapport, « les retraites et les indemnités de fin de service ont représenté 14 % des dépenses et 3 % du PIB au cours des 5 dernières années ». « Le système de retraite au Liban n'est pas soutenable sur le long terme avec un taux de rendement sur les contributions qui varie entre 12 et 13 %, sachant que le taux qui garantit la soutenabilité du système est de 3 % », se désole la source proche du ministère des Finances.

Dans son rapport, le ministre pointe aussi du doigt « l'inflation du service de la dette », qui représente le deuxième plus grand poste de dépenses publiques. « Les dépenses en service de la dette ont enregistré une hausse progressive de 23 % durant les 5 dernières années », indique le document. Sur la seule année 2015, la hausse est de 6,5 %, à 4,46 milliards de dollars (33 % des dépenses totales). Si, pour Wissam Haraké, économiste à la BM, « cette hausse s'explique avant tout par celle du volume de la dette », pour M. Hamdan, elle résulte aussi du niveau des taux d'intérêt.

« La Banque centrale et cinq banques commerciales détiennent un monopole sur la politique des taux d'intérêt. Résultat, alors que le niveau d'inflation stagne et que les taux d'intérêt en Europe oscillent autour des 1 %, au Liban il est maintenu autour des 4 % », regrette-t-il. En 2015, les intérêts payés sur la dette libellée en livres libanaises – soit 62 % de la dette totale – avaient augmenté de 10 %, contre une hausse de 0,6 % des intérêts payés sur celle en dollars.

 

(Pour mémoire : Les ministres prennent la parole sur la crise économique, les actes attendront)

 

Investir davantage
Autre chantier de taille identifié par le rapport de M. Khalil, « une réforme sérieuse du secteur de l'électricité ». « L'État a transféré 10 milliards de dollars à EDL entre 2010 et 2015, ce qui pouvait suffire à la création de deux centrales (totalisant) 9 000 MW (et) pouvant assurer le double des besoins du Liban en électricité en 2020 », dénonce le document, avant d'ajouter que « réformer le secteur de l'électricité pourrait permettre d'économiser la totalité des transferts du Trésor à EDL, soit environ 1,13 milliard de dollars ».

D'autant que ce montant résulte d'une baisse exceptionnelle de 45,8 % de ces transferts par rapport à 2014, due uniquement « à la chute des prix du pétrole », souligne le document. « Cela fait deux décennies que le déficit budgétaire est en grande partie imputable au déficit d'EDL, la réforme du secteur de l'électricité est donc bien une priorité », commente M. Haraké. Si la question d'une privatisation totale du secteur est loin d'être tranchée, de nombreuses organisations internationales ont suggéré à plusieurs reprises d'augmenter la facture d'électricité dans le cadre d'une réorganisation.

Au-delà de la menace qu'il représente pour l'état des finances publiques, « le poids des dépenses courantes (...) limite la capacité (de l'État) à améliorer les infrastructures et créer à court terme des opportunités d'emplois pour les citoyens », observe enfin le rapport du ministère. En 2015, seulement 4 % des dépenses ont été consacrées aux investissements, qui ne représentent que 3 % du PIB.
« Réformer les dépenses publiques ne signifie pas nécessairement les réduire », commente M. Hamdan, qui estime que les marges de manœuvre dégagées permettraient de réaliser des investissements pour améliorer la qualité des services publics. « Si investir dans un projet de développement des transports publics nécessite un budget colossal au départ, cela permettra à terme de réduire les coûts du transport pour les citoyens ainsi que les 300 millions de dollars annuels d'indemnités de transport versées aux fonctionnaires », suggère-t-il par exemple.

 

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Triste folie pour un pays en faillite

Sabbagha Antoine

20 h 00, le 17 août 2016

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  • Triste folie pour un pays en faillite

    Sabbagha Antoine

    20 h 00, le 17 août 2016

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