Hassan Nasrallah d'abord, Nabih Berry ensuite, et pour terminer Mohammad Raad : on dirait que quelque chose bouge du côté de la présidentielle. Au moins sur le plan interne. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une initiative, mais plutôt d'une ouverture qui pourrait s'élargir et dégager la voie à l'élection d'un président.
Tout avait commencé dans le cadre de la dernière réunion de dialogue bilatéral entre les représentants du Hezbollah et ceux du courant du Futur à Aïn el-Tiné il y a près d'un mois. Nader Hariri avait alors demandé aux représentants du Hezbollah, en présence du ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, qui représente le président de la Chambre : Que pensez-vous de la désignation de Saad Hariri à la tête du gouvernement ?
Les représentants du Hezbollah avaient alors promis d'en parler avec leur direction. Les semaines ont passé et la réponse est finalement arrivée à travers le dernier discours de Hassan Nasrallah, lorsqu'il a dit que si le camp adverse accepte d'élire le général Michel Aoun à la présidence, le Hezbollah sera ouvert à toutes les possibilités sur le plan de la présidence du Conseil.
Le secrétaire général du parti a refusé d'en dire plus, mais il a ouvert une petite porte par laquelle le président de la Chambre s'est empressé de s'engouffrer. M. Berry a ainsi déclaré le lendemain qu'il est avec Saad Hariri, « qu'il soit oppresseur ou opprimé », et le chef du bloc parlementaire de la résistance, Mohammad Raad, a aussi abondé dans ce sens.
Dans l'impasse institutionnelle actuelle, mis bout à bout, ces indices ne peuvent pas passer inaperçus et les milieux politiques grouillent, ces quelques jours, d'interprétations et de supputations. Ce qui est sûr, c'est que, contrairement à l'habitude qu'il a prise depuis quelques mois, le chef du courant du Futur n'a pas immédiatement répondu aux propos du « sayyed ».
Ce qui est considéré comme le signe que ces propos font l'objet d'un examen sérieux au sein de ce courant. De plus, contrairement au contenu de ses précédents discours, Hassan Nasrallah n'a pas évoqué l'Arabie saoudite dans le dernier. Il avait été en effet critiqué pour les attaques lancées contre les dirigeants saoudiens qui avaient été considérées comme un torpillage de la candidature du général Aoun. Cette fois donc, le secrétaire général a soigneusement évité de parler du royaume saoudien pour ne pas donner au camp adverse des prétextes pour rejeter sa proposition.
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Désormais, la balle est donc dans le camp du Futur. Selon des sources proches de cette formation, Saad Hariri est actuellement en vacances en Sardaigne. Mais il compterait se rendre au Maroc avant la fin du mois, dans l'espoir de rencontrer les dirigeants saoudiens qui y passent l'été. Selon les mêmes sources, M. Hariri compterait évoquer cette question avec ses interlocuteurs saoudiens et sur la base de leur réponse, il définirait sa propre position, sachant qu'il devrait revenir au Liban à la fin du mois ou au début de septembre, avant la date fixée pour la prochaine séance d'élection présidentielle, le 5.
Le courant du Futur reste divisé sur la question, certains se déclarent optimistes sur un règlement rapide qui amènerait Michel Aoun à Baabda et Saad Hariri au Sérail et d'autres, au contraire, estiment que la pseudo-initiative de Hassan Nasrallah est un leurre, puisque, de toute façon, il n'y a pas d'autre possibilité que celle de désigner Saad Hariri à la tête du gouvernement.
En réalité, les milieux proches du 8 Mars craignent une réponse négative de l'Arabie saoudite qui ne serait pas prête à faire une concession au Liban sans obtenir une contrepartie dans au moins un des dossiers régionaux conflictuels. Pour les dirigeants saoudiens, Michel Aoun est l'allié du Hezbollah et ce dernier est considéré par les Saoudiens comme leur ennemi juré. À partir de cette constatation, si les dirigeants saoudiens devaient accepter l'élection du général Aoun à Baabda, ils exigeraient une compensation en Syrie, en Irak ou même à Bahreïn. Or, dans ces trois dossiers, c'est l'Iran qui est directement impliqué, et pour mener des négociations, il faudrait donc établir ne serait-ce qu'un début de dialogue, direct ou non, entre Riyad et Téhéran.
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Pour l'instant, rien n'indique qu'un tel dialogue soit possible. Ce qui signifierait que le blocage reste total. À moins que Saad Hariri ne réussisse à convaincre les dirigeants du royaume de l'importance, pour lui, pour le Liban et pour les intérêts saoudiens, qu'il revienne à la tête du gouvernement libanais, sachant que le passage obligé pour atteindre le Sérail est l'élection de Michel Aoun.
En lançant sa proposition, Hassan Nasrallah a donc réussi à modifier la donne politique. Accusé d'entraver l'élection présidentielle (notamment par le chef des Forces libanaises, Samir Geagea), il a fait un pas en direction du courant du Futur qui tient désormais entre ses mains la double clé de Baabda et du Sérail. Il a en même temps fait une concession, en renonçant à exiger un accord sur la future loi électorale (même si, pour Berry, un accord sur cette loi faciliterait l'élection présidentielle et l'entente sur la présidence du Conseil) et il n'a pas fixé de conditions à l'acceptation du retour de Saad Hariri à la présidence du Conseil. Pour le Hezbollah, en tout cas, si la proposition de Hassan Nasrallah faisait son chemin, un déblocage politique serait en vue. Sinon, on saurait désormais d'où vient le véritable blocage...
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commentaires (11)
plus ils sont incappables et steriles, plus ils sont designés à occuper les plus hautes instances de l'etat. ennemis et amis se melangent, alors qu'ils ne sont pas miscibles, afin de creer un etat sans tête ni mains .... Si un camp gagne qu'il choisit un premier ministre de son parti ou mm orientation politique arretez les MAGOUILLES vs n'etes plus credibles ... et le hezbollah se frotte les mains pour desagreger encore plus l'etat ...
Élie Aoun
17 h 16, le 17 août 2016