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Moyen Orient et Monde - Éclairage / Syrie

« Nous redoutons d’autres attaques chimiques » à Alep-Est

Les médecins sur le terrain en Syrie ont été formés à la détection des signes cliniques liés aux armes chimiques, notamment par les équipes de l'UOSSM et les ONG présentes sur place.

Un homme à l’hôpital al-Qods, après une attaque chimique au chlore perpétrée par le régime sur un quartier d’Alep-Est. Abdelrahman Ismail/Reuters

Dans la soirée du mercredi 10 août, une attaque chimique a été perpétrée contre le quartier al-Zibdieh, à Alep est, sous contrôle des rebelles, selon une information de bureau des relations publiques de l'agence de la santé d'Alep. Quatre personnes sont décédées et plusieurs dizaines ont été intoxiquées. Selon le dernier communiqué de l'UOSSM (Union des organisations de secours et soins médicaux), la grande majorité des victimes sont des femmes et des enfants. Les premiers chiffres font état de la présence de 35 enfants âgés de moins de 10 ans dont 25 de moins de 5 ans parmi les blessés. D'après les premiers témoignages, au moins un baril de gaz chlore a été largué depuis un hélicoptère appartenant aux forces gouvernementales.

« Nous avons reçu le soir même 10 personnes à l'hôpital al-Zarzour. Elles ont toutes été exposées à une attaque chimique, que je crois être du chlore », affirme le Dr Bakry Maaz, orthopédiste, contacté via WhatsApp. L'hôpital de campagne al-Zarzour dans lequel il officie se trouve à 800 mètres du lieu de l'attaque, à al-Zibdieh. Le Dr Maaz est l'un des derniers médecins restés à Alep, et ce malgré la perte de son frère, le célèbre pédiatre Mohammad Maaz, tué par les bombardements sur l'hôpital al-Qods, le 27 avril dernier. « Trois personnes de la même famille sont décédées durant l'attaque de mercredi soir, une mère de 40 ans, un garçon d'environ 12 ans et une fillette de 5 ans », confirme-t-il.

Une vidéo postée sur le site de l'UOSSM, tournée dans l'enceinte de l'hôpital al-Zarzour, montre un médecin se tenant debout à côté du corps sans vie du petit garçon. « Nous avons tenté de le réanimer pendant 15 minutes, malheureusement il ne s'est jamais réveillé. Sa mère et sa sœur ont également perdu la vie dans cette attaque. Nous ne pouvons absolument rien faire pour traiter ce type de patients. La grande majorité des victimes ne survivra pas car nous ne sommes pas équipés pour traiter les blessures provoquées par les agents chimiques », dit-il.

 

 

« C'est la première fois qu'une attaque chimique sur Alep est confirmée. Il y en aurait eu une dans la vielle ville auparavant, mais nous n'avions pas pu établir confirmation », confie le Dr Houssam al-Nahas, coordinateur et expert chimique, biologique, radiologique et nucléaire au sein de l'UOSSM, contacté par L'Orient-Le Jour. Selon lui, l'utilisation du chlore ne fait pas de doute. « Des agents choquants ont été détectés à partir des symptômes des victimes, qui sont d'ordre respiratoire d'abord, comme la suffocation, la toux et l'hypoxie, mais également des irritations de la peau et des yeux », poursuit-il. Le chlore a notamment été directement suspecté à cause de l'odeur d'eau de Javel dans l'atmosphère.


(Lire aussi : Le cri d'alarme des médecins d'Alep)

 

Plus de masques
Yasser Hemeish gère la comptabilité centrale de l'ACMC (Aleppo City Medical Council) et il est depuis peu en charge des dépôts de médicaments et matériel médical. L'ACMC regroupe quatre hôpitaux de campagne et 8 centres médicaux. « Trois barils de chlore ont été largués sur le quartier en question. Entre 70 et 80 personnes ont été touchées », précise-t-il, via WhatsApp. La contamination au chlore se fait par inhalation et voie cutanée. « Les victimes atteintes ont été débarrassées de leurs vêtements, puis nettoyées immédiatement à l'eau et au savon.

Nous avons en stock de l'atropine (antidote généralement utilisé en cas d'attaque au gaz sarin) et de l'hydrocortisone (pour éviter la bradycardie). Mais nous n'avons plus de masques ni pour le personnel ni pour les civils », précise Yasser Hemeish. « Il n'y a pas d'antidote, mais des traitements », ajoute le Dr al-Nahas. Comme le chlore tend à s'évaporer rapidement, les risques de contamination sont minimes. « La plupart des hôpitaux n'ont pas la capacité technique suffisante permettant de recevoir un grand nombre de victimes en même temps, car la plupart d'entre elles ont besoin d'oxygène et certains auront besoin de soins intensifs. Avec ce siège qui dure et l'accumulation du travail, ce sera un véritable challenge en cas de nouvelle attaque », explique-t-il.

Les médecins sur le terrain en Syrie ont été formés à la détection des signes cliniques liés aux armes chimiques, notamment par les équipes de l'UOSSM et les ONG présentes sur place. « Depuis le début du conflit, les attaques chimiques sur les populations civiles sont régulières en Syrie. Nous les avons constatées et documentées à travers nos investigations en collaboration avec d'autres ONG et des médecins sur place », explique le Dr al-Nahas. 161 attaques chimiques documentées ont été recensées selon le rapport de la fondation américaine SAMS (Syrian American Medical Society) réalisé en collaboration avec l'UOSSM. Celles-ci ont fait 1 491 morts et 14 581 blessés.

(Lire aussi : Violences à Alep, l'Onu juge insuffisante la "fenêtre humanitaire" russe)

 

Violation des résolutions de l'Onu
Toujours selon le communiqué, 77 % des attaques chimiques ont été perpétrées après la résolution 2118 du Conseil de sécurité des Nations unies, votée en septembre 2013 suite au bombardement au gaz sarin sur la Ghouta le 21 août 2013. Cette attaque a fait près de 1 300 morts et des dizaines de milliers de victimes.

Cette dernière attaque au chlore à Alep a été commise en violation des résolutions 2118, 2209 et 2235 votées par le Conseil de sécurité, et de la Convention internationale sur les armes chimiques. L'émissaire de l'Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, a déclaré jeudi à Genève que ce n'était pas à lui « de trancher la question de savoir si elle a vraiment eu lieu, même s'il y a beaucoup de preuves tendant à démontrer que c'est le cas ».
Alors que le régime et ses alliés livrent une lutte sans merci contre une coalition de rebelles à Alep, la situation humanitaire y est au plus bas, et les 1,5 million d'habitants vivent dans l'angoisse. L'UOSSM dénombre 28 bombardements sur 18 établissements médicaux dans le nord de la Syrie.

« Nous redoutons d'autres attaques chimiques », s'inquiète Yasser Hemeish. Jeudi, Moscou a affirmé avoir décidé de suspendre chaque jour ses frappes durant trois heures, de 07h00 à 10h00 GMT, ce qui permettrait d'ouvrir une « fenêtre » pour l'entrée d'aide humanitaire. « Je ne crois pas en ce cessez-le feu, car la plupart sont faux. Jusqu'à présent nous n'avons pas de route sûre. Nous recevons plus de 50 bombes sur la tête par jour, donc nous ne sommes pas préparés en cas d'attaques chimiques », conclut-il. « Nous nous étions préparés aux attaques chimiques avant même que celle-ci se produise, mais nous avons manqué de temps. Nous continuerons à le faire », affirme le Dr Nahas.

 

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commentaires (2)

LE CHIMIQUE A L,OEUVRE... MAIS OU SONT LES NATIONS ?

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 24, le 13 août 2016

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Commentaires (2)

  • LE CHIMIQUE A L,OEUVRE... MAIS OU SONT LES NATIONS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 24, le 13 août 2016

  • Les attaques au chlore à Alep sont donc toujours commis en violation des resolutions et choquant de voir le monde assister sans bouger à ce grand carnage .

    Sabbagha Antoine

    08 h 13, le 13 août 2016

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