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Moyen Orient et Monde - Turquie

Erdogan se pose en champion de l’union nationale

Après le putsch, le président enregistre une hausse spectaculaire de popularité dans les sondages, 68 % des citoyens se déclarant favorables à sa politique de purges.

Mercredi soir, après le rassemblement de soutien monstre de dimanche dernier à Istanbul, des dizaines de milliers de Turcs se sont réunis à Ankara pour écouter un discours du président Recep Tayyip Erdogan. Kayhan Ozer/Service de presse présidentiel turc/AFP

« Une nation, un drapeau, une patrie, un État. » Ce slogan politique des dernières années a été remis au goût du jour par l'homme fort de Turquie, Recep Tayyip Erdogan, comme un symbole de l'union nationale après le putsch raté.

Avant le coup d'État manqué du 15 juillet, difficile d'évoquer une union nationale avec l'opposition dans une guerre verbale constante avec le pouvoir, un pays polarisé à l'extrême par la rhétorique du chef de l'État et le Sud-Est à majorité kurde déchiré par la guerre civile. Cette union nationale s'est redessinée lors d'un rassemblement monstre à Istanbul, dimanche dernier, en présence des dirigeants de l'opposition, avec une marée humaine, tous solidaires « pour la démocratie ». La question est maintenant de savoir si M. Erdogan profitera de cette unité pour panser les plaies d'une nation très divisée et obtenir la révision constitutionnelle qu'il souhaite pour transformer la Turquie à sa mesure.

« L'ambiance dans le pays est à la nervosité et la morosité, mais aussi à l'union derrière Erdogan, commente Soner Cagaptay, directeur de programme au Washington Institute. À ce stade, Erdogan peut jouer un rôle de rassembleur. » Selon cet analyste, l'unité est née du caractère historique de la nuit du putsch raté, qui a vu des chasseurs pilotés par des mutins bombarder des cibles-clés comme le Parlement, lors d'un coup de force dont le prédicateur Fethullah Gülen, exilé aux États-Unis, a été accusé. « Le complot est probablement l'événement politique le plus traumatisant en Turquie depuis la chute de l'Empire ottoman », estime M. Cagaptay, notant qu'Ankara n'a pas subi une telle attaque militaire depuis l'invasion des hordes turco-mongoles de Tamerlan en 1402.

Ozgur Unluhisarcikli, directeur du bureau du German Marshall Fund à Ankara, souligne que l'ire des Turcs contre les auteurs du putsch a été déterminante dans leur soutien à la purge implacable qui s'est ensuivie sous l'état d'urgence. « Alors que beaucoup craignent que le président Erdogan n'utilise le coup d'État raté pour (...) construire un régime autoritaire, cette fureur a unifié la population derrière les mesures gouvernementales », dit-il. Ainsi, selon un sondage publié hier, M. Erdogan enregistre une hausse spectaculaire de popularité, près de deux Turcs sur trois (68 %) se déclarant favorables à sa politique après le putsch avorté ; ce qui représente une hausse de 21 points par rapport à juin, indique l'enquête de la société Metropoll.

 

(Pour mémoire : Marée humaine lors de l'ultime manifestation antiputsch à Istanbul)

 

Unité fragile
Signe d'une volonté de réconciliation, le président a abandonné les poursuites pour diffamation contre des personnalités de l'opposition, y compris le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), Kemal Kilicdaroglu, qui l'avait traité de « dictateur de pacotille ». Mais tandis que M. Erdogan a invité M. Kilicdaroglu et le chef de file des nationalistes Devlet Bahceli à son palais présidentiel pour des entretiens impensables il y a quelques semaines, un homme a brillé par son absence: Selahattin Demirtas, coprésident du Parti de la démocratie des peuples (HDP) prokurde. Celui-ci a été également écarté du rassemblement d'Istanbul, même s'il a sans équivoque condamné la tentative de putsch. Le gouvernement l'accuse de liens avec les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en lutte armée contre l'État turc.

« Erdogan jouera un rôle de rassembleur excluant le HDP et les nationalistes kurdes. Son attitude envers le HDP ne changera que si le PKK est vaincu », estime M. Cagaptay.

 

(Pour mémoire : Erdogan menace de ne pas appliquer sa part de l'accord avec l'UE)

 

Le dirigeant turc est confronté à l'énorme défi de maintenir l'union dans une course politique de longue haleine. Il veut apparemment rester au pouvoir jusqu'en 2024 et mener à bien ses ambitieux projets pour « une nouvelle Turquie », allant de lignes de train à grande vitesse à un canal de style Panama à Istanbul. Le projet politique qui lui est le plus cher reste celui d'une révision de la Loi fondamentale en faveur d'un régime présidentiel, qui consacrerait ses pouvoirs de président, une démarche très incertaine avant le coup. Mercredi, un cadre du Parti de la justice et du développement (AKP – au pouvoir), Abdulhamit Gul, a ainsi annoncé des pourparlers, dès cette semaine, avec l'opposition pour une nouvelle Constitution.
« C'est une unité fragile qui sera brisée au moment où le président Erdogan tentera de l'utiliser pour ses propres fins », prédit M. Unluhisarcikli.

Par ailleurs, sur le plan des purges, deux attachés militaires de l'ambassade de Turquie en Grèce, deux colonels rappelés à Ankara après le putsch avorté, ont pris un ferry avec leurs familles pour l'Italie et sont en délit de fuite, a annoncé hier le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu. Il s'agit des attachés naval et de l'air, Halis Tunç et Ilhan Yasitli. Ce dernier pourrait être réfugié aux Pays-Bas, où vit son frère. « Nous faisons en sorte de ramener en Turquie ces deux traîtres », a martelé M. Cavusoglu.

 

Pour mémoire

Poutine et Erdogan pour le rétablissement des relations économiques Russie-Turquie

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commentaires (4)

On sait plus si on doit l'appeler l'ex allié de l'occident ou le futur serviteur des résistances. Il est à la croisée des chemins, mais s'il devait franchir le rubicon les ex lui feront la peau. Le choix des prétextes est immense. On aura du kurde, du wahabite du militaire du communiste ou du gulent. .. Sur la bourse des valeurs occidentales sa côte est en position de liquidation. ...

FRIK-A-FRAK

12 h 45, le 12 août 2016

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Commentaires (4)

  • On sait plus si on doit l'appeler l'ex allié de l'occident ou le futur serviteur des résistances. Il est à la croisée des chemins, mais s'il devait franchir le rubicon les ex lui feront la peau. Le choix des prétextes est immense. On aura du kurde, du wahabite du militaire du communiste ou du gulent. .. Sur la bourse des valeurs occidentales sa côte est en position de liquidation. ...

    FRIK-A-FRAK

    12 h 45, le 12 août 2016

  • C'est vrai qu'il est un vrai champion de l'union nationale ... baïonnette au canon !!!! et gare à celui qui ne brandit pas le drapeau Turc lors des manifestations !!! Ce putsch sur mesure lui a permis de liquider même ceux qui n'ont pas participé à cette révolte Il est au pouvoir pour longtemps, l'armée muselée !!!! Il a le culot de donner des leçons aux européens Et Obama qui ferme les yeux sur ses extravagances russes ou autres , tout en étant adhérent à l'OTAN .... La région n'avait du MO n'avait pas besoin d'un nouveau dictateur.

    FAKHOURI

    12 h 42, le 12 août 2016

  • RASSEMBLEUR... EXCLUANT TEL ET TEL AUTRE... DIVISEUR PLUTOT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 40, le 12 août 2016

  • “Un sot ne voit pas le même arbre qu’un sage.” de William Blake

    FAKHOURI

    10 h 27, le 12 août 2016

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