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Moyen Orient et Monde - Turquie / Focus

Kuleli, prestigieux lycée militaire à l’avenir incertain

Après le putsch avorté, la fermeture de toutes les écoles militaires a été ordonnée par décret. Que deviendra, dès lors, ce joyau architectural fondé en 1845 par le sultan Abdulmecid Ier ?

Avec ses tours jumelles et sa façade blanche brillante qui s’étire le long du Bosphore, le lycée militaire Kuleli est l’un des édifices ottomans les plus frappants d’Istanbul, un véritable symbole de puissance et de pérennité. Ozan Kose/AFP

Avec ses tours jumelles et sa façade blanche brillante qui s'étire le long du Bosphore, le lycée militaire Kuleli est l'un des édifices ottomans les plus frappants d'Istanbul, un véritable symbole de puissance et de pérennité.

Pourtant, après avoir servi pendant plus d'un siècle et demi à l'enseignement de l'élite militaire, l'avenir du célèbre bâtiment est plus que jamais menacé: il a joué un rôle important dans le coup d'État visant à détrôner le président Recep Tayyip Erdogan. Plusieurs officiers formateurs de l'école ont été impliqués dans la tentative de putsch manqué du 15 juillet, et l'établissement, fondé en 1845 par le sultan Abdulmecid Ier, n'existera plus sous sa forme actuelle. La fermeture de toutes les écoles militaires a été ordonnée par décret alors que les autorités cherchent à neutraliser toute influence du prédicateur Fethullah Gülen, accusé par Ankara d'être l'instigateur du putsch.

Les autorités turques ont libéré le mois dernier de prison 62 étudiants de Kuleli, des adolescents pris dans le putsch manqué. Sept, qui sont majeurs, restent derrière les barreaux. Certains étudiants ont expliqué à des médias turcs que leur hiérarchie leur avait demandé d'aller sur le pont du Bosphore, où a démarré l'insurrection, dans la nuit du 15 au 16 juillet, mais qu'ils n'avaient aucune idée de ce qui se passait. « Nous avons appris ce qui s'est vraiment passé quand la police est arrivée le lendemain matin pour nous appréhender. Nous avons été trompés », a expliqué un étudiant, Ali Akdogan, à l'agence de presse Anadolu.

 

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Gravé dans la mémoire d'Istanbul
L'avenir de Kuleli, le plus vieux lycée militaire en Turquie, est donc très incertain: reconversion en musée de la démocratie ou en hôtel de luxe, une idée qui a suscité l'ire des traditionalistes.
Tayfun Kahraman, président de la chambre des urbanistes d'Istanbul, décrit le bâtiment comme étant « emblématique » et « gravé dans la mémoire d'Istanbul ». « Dans ses utilisations futures, cette mémoire doit être protégée », a-t-il déclaré. Cet urbaniste souligne que le célèbre bâtiment dispose également de vastes parcs qui doivent être ouverts au public. « Il existe de nombreux exemples en Europe, comme par exemple le jardin du Luxembourg » à Paris. « C'est un jardin de palais », qui abrite le Sénat, « mais il est ouvert au public », indique M. Kahraman. « La même chose pourrait s'appliquer à l'école militaire Kuleli avec sa zone boisée à l'heure où Istanbul manque terriblement d'espaces verts », a ajouté le chef des urbanistes de la première métropole turque.

 

(Lire aussi : Les États-Unis n'ont joué aucun rôle dans le putsch en Turquie, "un point c'est tout")

 

Situé sur la rive asiatique du Bosphore dans le quartier historique de Cengelkoy, le lycée – dont la façade est spectaculairement éclairée la nuit – émerveille les touristes lors des croisières sur le sinueux détroit. L'école a été conçue par l'architecte arménien ottoman Garabet Balyan, qui a laissé un héritage extraordinaire à Istanbul comme le palais de Dolmabahçe, demeure des derniers sultans. Les casernes ont été transformées en hôpitaux pendant la guerre russo-ottomane (1877-1878). Le bâtiment a été utilisé par les Britanniques quand Istanbul a été occupée en 1920 puis octroyé à la communauté arménienne, pour être utilisé comme résidence pour les orphelins dont les familles ont été déportées pendant les hostilités de la Première Guerre mondiale. Après la guerre d'indépendance en 1924, le bâtiment a été remis aux Turcs dans le cadre du Traité de Lausanne et est devenu à nouveau une école militaire en 1925.

Les spéculations vont aujourd'hui bon train sur l'avenir du bâtiment. Le gouvernement islamo-conservateur a cependant déjà rejeté l'idée d'un hôtel cinq étoiles. « Pour l'amour de Dieu, qui a pondu l'idée de transformer le bâtiment de Kuleli en hôtel ? » s'est insurgé le ministre de la Défense, Fikri Isik, dans un entretien au journal Hurriyet. « Ce n'est pas d'actualité », a-t-il tranché. Pour Can Atalay, un éminent avocat, le bâtiment pourrait continuer d'assurer son rôle de patrimoine culturel. « Il a été conçu comme une école militaire et utilisé à cette fin depuis plus d'un siècle et demi, a-t-il déclaré. Il n'y a pas d'obstacle à ce que le complexe reste une école. »

 

 

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