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Liban - Tribune

Lettre ouverte au général Michel Aoun

Cher général Aoun

Le quinzième anniversaire de la réconciliation de la Montagne, réalisée au début du mois d'août 2001, est une occasion d'initier une réflexion sur le comportement politique du leadership chrétien à l'époque de la tutelle syrienne, certes, mais également dans le contexte présent. Cette réconciliation druzo-chrétienne avait alors reflété la première ouverture publique et largement médiatisée du patriarche maronite Nasrallah Sfeir en direction de l'islam politique libanais. La démarche historique du cardinal Sfeir avait revêtu un caractère particulièrement audacieux qui manque malencontreusement à certains leaders chrétiens actuels.

La ligne de conduite responsable (au plan national) du patriarche Sfeir avait déjà été mise en évidence lorsqu'il avait souligné que « les chrétiens sont les serviteurs du Liban, mais le Liban ne peut pas être au service des chrétiens seulement ». Telle était l'idée sage du cardinal Sfeir, présentée comme le fer de lance face aux tentatives des prosyriens, qui proposaient à l'époque à notre « Panoramix » local une loi électorale qui « favoriserait » la présence chrétienne, à travers par exemple la remise en liberté du leader des Forces libanaises, Samir Geagea, ou encore la réouverture de la MTV... avec, en retour, une seule exigence : celle de ne plus hausser le ton face à la présence de 40 000 soldats syriens présents sur le sol libanais.
Le troc consistait, cher général, à céder sur le terrain de la souveraineté pour obtenir des « intérêts » chrétiens !
Ce troc avait été bel et bien refusé par l'Église maronite, qui sut ainsi éroder, par la patience, la persévérance et la clarté du choix politique, rien moins qu'une montagne.

 

(Lire aussi : Pour Alice Chaptini, les barrières communautaires ont été surmontées, à deux ou trois exceptions près)

 

Depuis, cher général, vous avez instauré une nouvelle approche.
Vous avez considéré que la souveraineté du pays n'est pas remise en cause par les armes du Hezbollah, que les troupes syriennes se trouvaient d'ores et déjà en dehors du pays en 2005, et que le moment était venu de remettre les pendules à l'heure concernant le partage du pouvoir avec l'islam au plan local, perçu comme naguère « bénéficiaire » de la mainmise syrienne, et pourtant toujours doté d'un appétit démesuré malgré le retrait des troupes assadiennes !

Cet islam était bien entendu un islam sunnite que l'on retrouve dans le secteur bancaire, ainsi que dans le monde des affaires, par exemple... en ville, plus précisément dans la Cité, en d'autres termes.
« L'autre » islam, selon vous, l'islam chiite, serait notre allié potentiel pour soustraire les fameux « droits » prétendument spoliés par les sunnites aux chrétiens et les rendre à ces derniers.
Pour vous, cher général Aoun, les accords de Taëf, perçus comme une pure « invention sunnite saoudienne », avaient fait des chrétiens libanais des « citoyens déclassés », au profit de « sunnites surclassés ».

À partir de ce nouvel axiome, vous n'avez eu de cesse, cher général, d'inviter les chrétiens à mener, 11 ans durant, une pseudo-croisade politique contre les sunnites, représentés principalement par le camp Hariri, et inlassablement montrés du doigt comme coupables, dans le but de recouvrer les droits « spoliés ».
Pour améliorer les conditions de votre bataille, vous n'avez pas, cher général, hésité à vous allier avec le Hezbollah, devenu le bouclier qui « défend les intérêts des chrétiens » et leur assure même « une garantie sécuritaire » face à un islam sunnite perçu comme l'incarnation même de Satan sur terre.
C'est dans cette perspective que vous tentez aujourd'hui, cher général, d'imposer votre candidature à la présidence de la République.

 

(Lire aussi : La reconstruction de l'église Saint-Élie de Brih, fruit du mariage entre tradition et modernité)

 

Cette candidature n'est d'ailleurs pas présentée comme émanant d'un intérêt personnel de votre part. Si le général Aoun se présente en effet à la présidentielle, c'est pour « l'intérêt des chrétiens », ni plus ni moins, martelez-vous !
Et, partant, si le général Aoun n'est pas élu, cet échec constituera une perte pour l'ensemble des chrétiens, due au refus des « mauvais musulmans » (sunnites) et en dépit des efforts des « bons musulmans » représentés par le Hezbollah...

Cher général Aoun, il est temps que cela vous soit dit noir sur blanc et sans détour : votre approche diamétralement opposée à celle du patriarche Sfeir est celle qui est responsable du vide présidentiel et, partant, du blocage institutionnel général. Votre position a été utilisée par le Hezbollah pour annuler dans un premier temps toute possibilité d'élire un président de la République et pousser le pays, dans un deuxième temps, vers un remodelage des accords de Taëf et une nouvelle assemblée constituante.
Cher général, vos performances n'ont pas aidé le Liban, et encore moins les chrétiens – ni en 1989 ni aujourd'hui.

En vous transmettant mes salutations les plus cordiales, je vous invite, cher général, à réévaluer votre expérience. Il n'est jamais trop tard. Si l'histoire n'aime pas les retardataires, elle reste néanmoins plus clémente avec eux qu'avec ceux qui ratent toutes les occasions.
Gardez surtout à l'esprit que ceux qui ont considéré les armes palestiniennes et syriennes comme illégales, ne sauraient à présent percevoir les armes iraniennes différemment, pour le simple plaisir de satisfaire votre ambition personnelle.
Veuillez recevoir, cher général, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Farès SOUHAID
Coordinateur général du 14 Mars

 

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Le quinzième anniversaire de la réconciliation de la Montagne, réalisée au début du mois d'août 2001, est une occasion d'initier une réflexion sur le comportement politique du leadership chrétien à l'époque de la tutelle syrienne, certes, mais également dans le contexte présent. Cette réconciliation druzo-chrétienne avait alors reflété la première ouverture...

commentaires (16)

C,EST DIT... ET TRES BIEN DIT !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 58, le 08 août 2016

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Commentaires (16)

  • C,EST DIT... ET TRES BIEN DIT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 58, le 08 août 2016

  • Cher Docteur Souaid, Vos propos adressés à Michel Aoun demeurent d'une exquise courtoisie à l'égard de l'homme responsable de tant de malheurs pour les chrétientés du Liban. Michel Aoun, et son public, n'ont pas compris que le Hezbollah leur faisait jouer le rôle, peu glorieux, de porte-voix de la haine d'une faction de l'Islam (chiite en l’occurrence) contre l'autre faction (sunnite). Le Hezbollah n'a jamais exprimé publiquement et directement cette haine multiséculaire. Il prend toujours soin à proclamer son souci de préserver la paix civile contre l'ennemi (l'Israël sioniste et les autres sionistes arabes, curieusement tous sunnites ou presque mais qui constituent autant d'Israëls). Le Hezbollah a toujours affirmé haut et fort qu'il tient à éviter la discorde (al fitna) au sein de l'Islam; et que son action, en Syrie par exemple, s'inscrit dans ce noble but. C'est Michel Aoun qui accepte, ainsi que ses aficionados, de clamer chrétiennement cette haine inter-musulmane, donnant ainsi l'impression que tout le problème du Proche-Orient est celui de la protection des chrétiens en danger à cause des seuls sunnites.

    COURBAN Antoine

    07 h 13, le 07 août 2016

  • Perplexe!

    Chammas frederico

    22 h 27, le 06 août 2016

  • Merci....pour cette lettre ciblee...

    Soeur Yvette

    18 h 34, le 06 août 2016

  • Tres tres pertinent. Comme vous avez raison !!!! Que la personne concernee lise et relise votre lettre. Quant a vous tous nos Amis Libanais | Ne lachez pas - Tenez bon . Il y va de l avenir de notre Liban tres aime Vos amis de Suisse

    Kelotamam

    18 h 09, le 06 août 2016

  • Je suis chrétien je dis : oui, Rifi Président Qu'il envoie N.Berry à la retraite Qu'il licencie tous ces "politiques" qui prétendent légiférer !!! Qu'il exige le désarmement du Hezbollah, Qu'il envoie M.Aoun à la retraite, accompagné de Bassil Qu'il modernise notre armée, seul organisme légitime pour nous défendre Mais , au fait, pour nous défendre de qui?

    FAKHOURI

    15 h 32, le 06 août 2016

  • Je me répète : M.AOUN "Président" c'est la fin du Liban. A 83 ans, il ne peut rien apporter de constructible pour le Liban Par contre, les membres de sa famille prendra le pouvoir et le "grandissime Généra" qui a fuit son pays au moment ou il en avait besoin, ne pourra que radoter les discours imposés par le Hezbollah, alias Iran Cette lettre ouverte n'est qu'une nième rappel d'un passé peu glorieux

    FAKHOURI

    15 h 14, le 06 août 2016

  • PAPA OÙ EST TU PAPA RIFI. ACHRAF RIFI PRÉSIDENT.

    Gebran Eid

    15 h 12, le 06 août 2016

  • Merci Monsieur Souhaid d'avoir dit haut et fort ce que de nombreux Libanais pensent, a tort? Dieu seul sait, mais a raison plus probablement. Vous avez ecrit ce que grand nombre de Libanais, chretiens et autres, pensent differemment du grandissime General!

    Bibette

    14 h 16, le 06 août 2016

  • Belle lettre prémonitoire qui s'adresse au futur Président de la république libanaise en l'honneur du Phare Aoun , qui a le mérite d'expliquer aux huluberlus ce que sera la nouvelle politique du Liban nouveau sous la gouvernance de notre Commandante Kheneral Michel Aoun. Bravo Mr Souhaid pour cette allégeance anticipée, le Phare Aoun saura en tenir compte le jour venu.

    FRIK-A-FRAK

    13 h 39, le 06 août 2016

  • Le General pense que la raison du plus fort est toujours la meilleure! Il s'allie au plus fort pretendant assurer une couverture aux chrétiens. Et le Hezbollah dans sa démarche anticonstitutionnelle et anti Libanaise se voit légitimité par son alliance avec celui qui se prend pour le père protecteur des chrétien. qui n'a pas réussi à se débarrasser de ses craintes 58tardes et qui entretient des simulacres d'angoisses associées a la présence armée palestinienne sunnite...! Ce faisant il fait pire! Les palestiniens n'avaient pas de patron et étaient une bande de milices armées violentes éphémères à présent retranchées dans leurs derniers camps...Mais le Hezbollah, lui, a un géant et puissant patron l'Iran qui est fait pour perdurer et face auquel le General se plie en quatre faisant figure de fourmille! Le General oublie-t-il que le Liban est envahi par une masse de déplacés Syriens sunnites pacifistes pour l'instant ? Dans cette situation la sagesse d'un homme de son âge serait de se comporter tout simplement en Chrétien neutre refusant l'implantation des uns et les armes des autres sinon les armes finiront par s'abattre sur tous!

    Bibette

    13 h 38, le 06 août 2016

  • Bien envoye Mr.Souhaid

    Sursock Georges

    12 h 39, le 06 août 2016

  • AH, si seulement ILS- c a d TOUS LES POLITIQUES- changeaient de disque - UN SEUL refrain ressasse par tout ce beau monde: toujours l'autre a blamer - jamais d'autocritique sincere . Si seulement , a defaut - ils se taisaient - NOUS n'en serions que plus tranquilles .

    Gaby SIOUFI

    10 h 34, le 06 août 2016

  • Comment peut'on raisonnablement vouloir élire à la Présidence du Liban un homme qui, de connivence avec le soi-disant "parti de DIEU" (quel DIEU ?) bloque sans vergogne depuis plus de 2 ans l'élection présidentielle, uniquement parce qu'il a décidé que ce sera LUI ou personne ? Et certains pensent encore lui confier le destin du Liban ? Si cela tourne mal pour lui, il pourra à nouveau se réfugier en France ou ailleurs...mais ceux qui n'en ont pas les moyens: les chrétiens, sunnites, druzes et chiites...où iront-ils ? Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 24, le 06 août 2016

  • pendant la petite enfance, le petit humain se croit le centre du monde. La "pensée magique" lui laisse à penser qu’il suffit de demander, exiger, attendre ou simplement vouloir quelque chose pour qu’elle arrive selon son propre désir. L’éducation familiale, puis scolaire, a pour rôle de décentrer l’enfant de lui-même: il doit apprendre à partager, patienter, renoncer, tenir compte de l’autre ; il doit accepter la frustration pour être socialisé. En cas d’échec – ou pour d’autres raisons – il demeure un adulte égocentrique, dans la "toute puissance" du moi. Il est dans l’incapacité de prendre en compte un point de vue différent du sien. Il a toujours raison, ne comprend pas son entourage. Souvent, il n’entend pas exactement ce qui lui est dit: il choisit dans le discours de l’autre ce qui lui est favorable. Votre tribune Mr Souhaid n'est d'aucune utilité, l'égocentrique a deja decidé qu'elle nuirait a son plaisir matinal et ne sera, en consequence, pas lue.

    George Khoury

    07 h 43, le 06 août 2016

  • oufff !! ca c'est envoyer papapa ...

    Bery tus

    05 h 49, le 06 août 2016

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