« Absurde », « ridicule », « aveu d'échec »... Aucun mot n'est trop fort, dans la bouche des propriétaires de chiens, pour décrire l'interdiction décidée par le conseil municipal de Beyrouth de les promener dans trois axes principaux de la ville : la place Sassine, la corniche maritime et le Bois des Pins.
Le plus frappant, dans cette décision prise par le conseil, qui se réunissait mercredi au complet sous la présidence de Jamal Itani, c'est qu'elle n'invoque pas le problème de la propreté, c'est-à-dire l'obligation de ramasser les déjections canines (qui fait déjà l'objet d'une décision passée du mohafez de Beyrouth), mais plutôt la « volonté de rassurer les citoyens et les promeneurs ». En d'autres termes, selon le nouveau conseil municipal de la capitale, les chiens représenteraient un danger sécuritaire pour la population...
Comme on peut le lire sur sa page Facebook, la municipalité demande « au mohafez de Beyrouth de faire circuler des patrouilles afin d'interdire de se déplacer en moto sur les trottoirs, d'y installer les narguilés et d'y promener les chiens, dans tout le secteur de la corniche maritime, sur la place Sassine et dans le Bois des Pins », ajoutant qu'il faudra « placarder des annonces claires à ce sujet ». Le conseil municipal estime que le mohafez « devrait avoir recours aux forces de l'ordre, au besoin, en vue de faire exécuter cette décision ».
Il lui demande également de « confier au département de la police municipale de Beyrouth la mission d'effectuer des patrouilles régulières tout au long de la corniche, à la place Sassine et au Bois des Pins », afin d' « empêcher les abus et de rassurer les citoyens et les promeneurs ».
(Pour mémoire : Liban : Après le chat au micro-ondes, le chien sur le pare-brise...)
« Au lieu d'éduquer... »
Cette décision n'a pas encore été mise en application. Si elle se justifie parfaitement pour les motards, se défend également pour les fumeurs de narguilé qui squattent des trottoirs destinés aux piétons, elle reste, pour beaucoup, incompréhensible au sujet des chiens, surtout au regard de la raison invoquée, celle de « rassurer les promeneurs ».
La décision municipale aura suffi à déclencher la colère des associations de protection des animaux, qui se sont déchaînées sur leurs pages Facebook. « Ça suffit ! », s'exclame Beta. L'association appelle les nombreux propriétaires d'animaux qui l'ont appelée à bien noter ce qui suit : la décision n'a pas encore été appliquée et les contacts (de Beta comme d'Animals Lebanon, une autre association pour animaux) se poursuivent avec le mohafez et la municipalité pour régler cette situation. Animals Lebanon (AL) rappelle, également sur sa page, que les propriétaires de chiens doivent sans nul doute garder leurs animaux en laisse et nettoyer leurs déjections. « Mais la décision proposée ne punit que les propriétaires responsables, sans régler les problèmes sous-jacents », poursuit l'association. « Des propositions de solutions avaient pourtant été faites par AL et par Beta. »
Interrogés par L'Orient-Le Jour sur cette décision, des propriétaires (ou simplement des amoureux) d'animaux ne décolèrent pas. Christiane, qui a un chien et habite à Beyrouth, s'exclame : « C'est dramatique, pour moi tout est un danger public autour de moi, à part mon chien ! » Pour elle, « une telle décision est un aveu d'échec ». « S'il y a des gens qui ne ramassent pas les déjections canines ou qui promènent de grands chiens sans laisse, il faut les pénaliser. À quoi rime d'interdire tout bonnement de promener son chien ? »
Claude, elle aussi propriétaire d'un chien et habitant Beyrouth, estime que « le prétexte invoqué, celui de la sécurité, est ridicule ». « Je comprends qu'il y ait un réel problème de déjections canines. Surtout qu'il y a une vague d'acquisition de chiens en ville. Mais la sécurité ? Les chiens sont déjà en laisse, pourquoi constitueraient-ils une menace ? À mon avis, la municipalité esquive le problème et choisit l'interdiction au lieu d'éduquer les maîtres d'animaux et les pénaliser au besoin. »
Bertha, une autre habitante de Beyrouth qui a eu des chiens et aime les animaux, utilise elle aussi le terme « ridicule » pour qualifier cette décision municipale. « Les chiens ne posent aucun problème de sécurité s'ils sont tenus en laisse, ils ne sont une menace pour personne, dit-elle. Je suis choquée : cette décision témoigne d'une ignorance absolue. » Elle pense que « la véritable raison qui sous-tend cette décision est celle d'assurer la propreté des trottoirs. Mais alors, il suffirait de voter une loi pour obliger les propriétaires à ramasser les saletés de leurs chiens, ce qui serait une bonne idée par ailleurs ».
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commentaires (6)
Peut être faudrait il commencer par aménager des trottoirs et interdire aux voitures de squatter ces trottoirs. C'est plus urgent que les problèmes de chats et de chiens
sejean sejean
13 h 27, le 06 août 2016