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Moyen Orient et Monde - Le billet

Un troll n’est pas qu’un lutin du folklore scandinave

Illustration par Walter Stenström de « The boy and the trolls », une série d’histoires pour enfants.

Sur la scène, cinq intervenants. En face, réparties sur les gradins de l’amphi, quelque 200 personnes.
Sur la scène, l’un des intervenants prend la parole. Son voisin de droite, dos voûté, pouces concentrés, pianote sur son téléphone. Il twitte. Il twitte ce que son voisin est en train de dire et que le public entend. Le voisin de droite du voisin de droite twitte aussi. Il twitte la même chose.
Derrière la scène et donc face au public, un grand mur sur lequel sont projetés, grâce à un rétroprojecteur, les tweets relatifs à la conférence. S’y trouvent les tweets des intervenants twittant les propos de l’intervenant qui parle au public.
Sous la projection des tweets, une demoiselle traduit en langue des signes ce que l’intervenant dit et que ses voisins de droite twittent.
Dans le public, les auditeurs twittent ce que l’intervenant dit et parfois retwittent ce que les voisins de droite de l’intervenant ont twitté.
Les auditeurs malentendants twittent aussi.

La traductrice en langue des signes ne twitte pas.

Un membre du public pose une question sur l’« épistémologie de la plasticité ». Les tweets cessent. Les intervenants et les auditeurs ont les yeux rivés sur la traductrice en langue des signes.

* * *
Miranda a 34 ans. Cet après-midi-là, elle a opté pour des escarpins noirs à hauts talons, une jupe évasée en coton blanc et un haut bleu azur qui laisse ses épaules dénudées. Ses cheveux sont rassemblés en un chignon décontracté. Elle s’assoit sur la chaise en bois posée sur l’estrade, une chaise d’écolier. Il fait chaud. Ses pommettes rougissent un peu. En face d’elle, la quarantaine de personnes du public s’éventent avec le programme de la conférence. D’un geste un peu nerveux, elle ajuste une mèche folle. Pendant que son voisin la présente, elle se penche vers son ordinateur, presse un bouton, une image apparaît sur le mur derrière elle. Le rétroprojecteur, de nouveau.

Elle vérifie qu’elle est sur la bonne image, se retourne vers la salle, et de sa voix fluette où l’accent des Balkans donne de la consistance à l’anglais, elle commence à expliquer que pour lutter contre le crime organisé sans se faire trucider il faut savoir se protéger.
Sur le mur derrière elle, trois lettres en majuscule, TOR : The Onion Router.
Sur le programme, à côté de son nom : « investigator ».

* * *
Repères sémantiques du geek :
Un androïd(e) n’est pas un automate/robot de forme humaine.
Nokia est une blague.
Les applications sont natives.
Un serveur n’est pas forcément là pour passer les plats.
Un Troll n’est pas qu’un lutin du folklore scandinave.

* * *
Andy a perdu sa valise. Il l’a perdue à la gare. Il partait d’une gare en France, pour rejoindre une autre gare en France. Perdre ses valises entre deux gares françaises... Le summum du chic en 2012.
Andy a perdu sa valise, donc il le twitte. Au moment où d’un index érodé par plus de 137 000 tweets il presse, une nouvelle fois, « tweet », 71 500 personnes apprennent que Andy a perdu sa valise. C’est 166 fois plus que la population de Bibiche, en Moselle.
Quelques minutes plus tard, Twitter compte un nouveau-né : @andysluggage
La valise d’Andy se met à twitter dans un français cahoteux : « Ah, zut alors ! @acarvin. Je suis perdu. Alors, I shall have une croissant et cafe. »
Sur la scène, cinq intervenants. En face, réparties sur les gradins de l’amphi, quelque 200 personnes.Sur la scène, l’un des intervenants prend la parole. Son voisin de droite, dos voûté, pouces concentrés, pianote sur son téléphone. Il twitte. Il twitte ce que son voisin est en train de dire et que le public entend. Le voisin de droite du voisin de droite twitte aussi. Il twitte la...

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