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Moyen Orient et Monde - Le point

Le beurre et les parrains

Monsieur Chanel s’ennuie. Et il le fait savoir. « Le duel Sarkozy-Hollande est insipide. Nous avons eu pour commencer les primaires socialistes et maintenant il y a ça, un pas en avant, un pas en arrière, a-t-il jugé dans un interminable soupir d’homme que la politique insupporte. C’est comme le Boléro de Ravel. » Bien trouvé, même si cela doit susciter nombre de grincements de dents sur le banc des mélomanes. Et comme l’homme au catogan et au col Gladstone ne serait pas ce qu’il est, c’est-à-dire le grand, l’unique Karl Lagerfeld, il y est allé de son jugement sur la crise de l’euro, la coopération franco-allemande et la gestion des affaires du monde. Sur ce dernier point, il a son idée, originale comme il se doit. La politique, estime-t-il en substance, c’est trop sérieux pour être confiée à des politiciens. Il verrait bien, à l’Élysée, Bernard Arnault, le patron de l’empire du luxe LVMH. Et François-Henri Pinault à Matignon peut-être?...
Plus sérieusement, c’est l’ennui – et non pas le bon sens, n’en déplaise à Descartes – qui est, ces temps-ci dans le landernau politique, la chose du monde la mieux partagée. On bâille à se décrocher la mâchoire en écoutant la litanie des prescriptions homéopathiques, quand il faudrait des remèdes de cheval, pour guérir la planète de son anémie économique. On se pince, histoire de vérifier que l’on a bien entendu l’énoncé des solutions envisagées en haut lieu pour réussir enfin l’intégration des nouveaux venus en terre des Gaules. On ouvre de grands yeux étonnés quand le débat tourne autour des fameuses (et fumeuses) 35 heures qui n’ont pas fini de provoquer une saignée majeure dans ce grand corps malade qu’est devenue la France.
François Bayrou traduit un sentiment en passe de devenir général quand il invite ses concitoyens à mettre dehors « les naufrageurs ». Explication du président du MoDem (contraction de Mouvement démocratique) : « Le bateau a une brèche dans la coque et pendant ce temps-là, il y a la moitié de l’équipage qui se bat contre l’autre moitié en s’insultant », dans une allusion à la polémique sur les propos du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, relatifs aux civilisations.
Le tableau n’aura jamais été aussi sombre, en raison certes d’une crise à l’échelle planétaire doublée cet hiver d’une facture énergétique catastrophique, mais aussi et surtout d’une gestion calamiteuse des deniers publics. À cet égard, les chiffres contenus dans le rapport de la Cour des comptes sont particulièrement éloquents. Les efforts pour combler le déficit structurel des finances publiques auront été nettement insuffisants l’an dernier. Le trou dans le budget 2011 a atteint ainsi 90,8 milliards d’euros contre 148,8 milliards l’année précédente. Plus grave, la vente à partir de 2004 et jusqu’en septembre 2009 de 600 tonnes d’or, sur un total de 3 000 tonnes, n’a pas généré les résultats escomptés. Alors ministre de l’Économie, Nicolas Sarkozy croyait être en mesure de mieux disposer des réserves de change. Remplacer une partie de l’or détenu (sans intérêt) par la Banque de France par un panier de devises qui aurait amélioré la situation a été un mauvais calcul : la crise financière qui a débuté en 2007 a fait chuter les taux d’intérêt tandis que les cours de l’or grimpaient en moyenne de 20 pour cent par an, d’où pertes sur les deux tableaux.
Disons pour la défense de l’actuel chef de l’État qu’à l’époque, ils n’étaient pas nombreux ceux qui voyaient s’amonceler les nuages. Mais aujourd’hui les faits sont là, combien éloquents dans leur sécheresse : le pays a perdu son triple A, la récession frappe aux portes, le chômage frôle les 10 pour cent, c’est désormais l’Allemagne qui donne le la au sein de l’Union européenne. Et Nicolas Sarkozy risquerait de céder la place à François Hollande, sans pour autant, encore une fois, être responsable de la débâcle et sans certitude – au contraire même – que son éventuel successeur fera mieux.
Au fait, qu’adviendrait-il si, au soir du premier tour, le 22 avril, ce sont ces deux hommes qui se trouveront face à face? La question mérite d’être posée à l’heure où Marine Le Pen donne des signes d’essoufflement. À 72 jours du jour J, la candidate du Front national n’a pu réunir que 360 promesses de parrainage alors qu’il lui en faudrait 500. Du coup, les banques rechignent à lui avancer les fonds nécessaires à sa campagne, ce qui met en danger sa présence dans la course. La physionomie de la bataille pourrait ainsi s’en trouver bouleversée, étant entendu qu’il est impossible, en pleine campagne, de changer les règles du jeu.
On le voit, la « glorieuse incertitude », ce n’est pas seulement en sport qu’elle existe.
Monsieur Chanel s’ennuie. Et il le fait savoir. « Le duel Sarkozy-Hollande est insipide. Nous avons eu pour commencer les primaires socialistes et maintenant il y a ça, un pas en avant, un pas en arrière, a-t-il jugé dans un interminable soupir d’homme que la politique insupporte. C’est comme le Boléro de Ravel. » Bien trouvé, même si cela doit susciter nombre de grincements de...

commentaires (1)

C'est jamais facile de parler de la France, pays de la mode et du savoir bouffer, parce qu'on a toujours tendence à lui donner des circonstances atténuantes.Coluche disait quand on dit l'amérique aux américains, l'Algérie aux algériens, la Chine aux chinois, ça passe , mais dès qu'on dit la France aux français on est taxé de raciste, et pour cause, ce pays est une partie de l'humanité que nous portons en nous, et comme Jérusalem, si on ne peut pas la partager, certains seront prêts à la détruire.

Jaber Kamel

00 h 51, le 10 février 2012

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Commentaires (1)

  • C'est jamais facile de parler de la France, pays de la mode et du savoir bouffer, parce qu'on a toujours tendence à lui donner des circonstances atténuantes.Coluche disait quand on dit l'amérique aux américains, l'Algérie aux algériens, la Chine aux chinois, ça passe , mais dès qu'on dit la France aux français on est taxé de raciste, et pour cause, ce pays est une partie de l'humanité que nous portons en nous, et comme Jérusalem, si on ne peut pas la partager, certains seront prêts à la détruire.

    Jaber Kamel

    00 h 51, le 10 février 2012

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