Les armes illégales, véritable obstacle à l’équilibre islamo-chrétien

Les milieux politiques sont actuellement occupés à tenter de réaliser le fameux équilibre entre chrétiens et musulmans via une nouvelle loi électorale. Mais cet objectif, qualifié de primordial pour l’entente et l’unité internes, est en réalité faussé. Car le véritable obstacle face à l’équilibre islamo-chrétien est constitué par les armes détenues par une partie non officielle. Tant que ces armes-là continueront d’être entre les mains du groupe chiite (le Hezbollah), aucun équilibre ne peut être possible. À quoi sert en effet aux chrétiens d’élire 64 députés au Parlement, s’ils doivent en définitive continuer à suivre la partie forte qui, elle seule, est en mesure de prendre les décisions à cause des armes en sa possession ?
Le débat actuel sur la scène politique est donc une fausse polémique qui cache le véritable problème de la vie politique libanaise.
Le véritable équilibre ne peut donc être assuré que lorsque l’État aura le monopole des armes sur son territoire et sera ainsi en mesure de protéger les citoyens. Il sera aussi réalisé lorsque le pluralisme sera respecté au sein d’une même confession. Car si une partie contrôle une confession et noue des alliances avec d’autres groupes qui devront suivre sa décision, on ne peut pas parler d’une situation politique saine et d’un véritable équilibre entre les chrétiens et les musulmans. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les propos sur un rééquilibrage nécessaire entre les chrétiens et les musulmans n’ont commencé à apparaître au grand jour que depuis que les armes sont apparues entre les mains du Hezbollah et que celui-ci a commencé à avoir le poids décisif dans toutes les grandes décisions. Le duo chiite a pu, grâce aux armes, monopoliser les sièges au Parlement et imposer ses conditions dans l’élection présidentielle et dans celle de la présidence de la Chambre, ainsi que dans la formation des gouvernements. En prenant en otage la communauté chiite, le duo Amal-Hezbollah a placé le pays devant l’équation suivante : si ses conditions ne sont pas acceptées, il refuse de participer au pouvoir et celui-ci deviendra contraire au pacte national.
La parité entre chrétiens et musulmans ne prend donc toute sa signification que lorsque toutes les confessions seront à égalité devant la loi et l’État, et lorsque la pluralité sera respectée au sein de chaque communauté. En d’autres termes, la parité ne sera pas réalisée par la loi électorale, mais par le jeu des alliances au sein d’une même communauté. Si Michel Aoun, Amine Gemayel et Samir Geagea s’allient entre eux, par exemple, ils pourront rafler tous les sièges chrétiens et les voix musulmanes dans les circonscriptions à majorité chrétienne ne seront plus déterminantes. C’est donc comme cela que la parité peut être réalisée et effective. L’expérience a d’ailleurs été tentée dans le passé, à travers le Helf tripartite, entre Camille Chamoun, Pierre Gemayel et Raymond Eddé, qui a remporté tous les sièges chrétiens à l’époque face aux listes chéhabistes alliées au courant nassérien qui effrayait les chrétiens.
L’idéal serait donc une alliance entre les pôles chrétiens Aoun, Gemayel et Geagea qui se sont mis d’accord pour accepter le projet de loi dit grec-orthodoxe. Seule une telle alliance peut assurer une véritable parité et les chrétiens pourront élire leurs représentants tout comme les chiites le font en amenant à l’hémicycle les représentants d’Amal et du Hezbollah. Le seul problème est que l’alliance entre les pôles chrétiens est quasiment impossible, tant qu’une partie des chrétiens sera avec l’axe syro-iranien et l’autre contre ce même axe. Ils devraient donc s’entendre pour mettre leur communauté à l’abri de la politique des axes. La parité ne sera en tout cas d’aucune utilité pour les chrétiens s’ils continuent à être divisés en petits blocs politiques. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé au fameux Helf lorsque ses chefs sont entrés en conflit au sujet de la politique interne, notamment autour du chef du Parlement de l’époque, Sabri Hamadé.
La force de la communauté chiite n’est donc pas seulement dans ses armes, mais elle est surtout dans son unité. Cette leçon devrait être méditée par les leaders chrétiens. La communauté chrétienne, et en particulier maronite, ne sera forte et puissante que si ses chefs sont unis sur des principes nationaux clairs qui préservent l’unité du peuple, du territoire et des institutions.