Il y a de la malice dans ces sept jours qui viennent de se terminer. Il y a des explosions.
Un : un attentat contre l’intégrité du Liban. Une intégrité sinon physique, territoriale, du moins morale. Une attaque menée par l’Iran. En Iran. Même à l’ère du tout électronique, même si les boîtes aux lettres n’ont plus besoin de facteurs pour déborder, même si les e-mails, les whatsapps, les BBM et les i-messages ont remplacé les enveloppes, cela reste important et imposant, un timbre. C’est une espèce de carte d’identité d’un pays, un timbre ; son outil de communication. Une de ses empreintes génétiques. Et ne voilà-t-il pas que ces bons ayatollahs commandent, ou cautionnent, c’est pareil, des timbres, iraniens donc, à l’effigie non pas de Rouhollah Khomeyni, d’Ali Khamenei, de Mahmoud Ahmadinejad, voire de Cyrus II ou Darius III, de grands souverains achéménides ; pas à l’effigie, non plus, de la reine Bûrândûkht ou du roi Ardachîr II, dit le bienfaiteur, mais des timbres reproduisant la carte du Liban frappée à l’effigie du Hezbollah. Le message est d’une simplicité enfantine : aux côtés, entre autres, de Qom, Zanjan, Khuzestan, Chahar Mahaal-o-Bakhtiari, Esfahan, Yazd et Alborz, ce Liban poupée de chiffon devient la 32e province iranienne. Une province gouvernée donc, c’est normal pour une théocratie, par le parti de Dieu. C’est insensé.
Deux : un attentat contre le convoi Karamé. Pas un attentat au sens classique du terme : rien de préparé, de prémédité ou de planifié comme cela a été le cas, par exemple, pour Wissam el-Hassan l’an dernier. Pas un attentat, mais une agression. Inadmissible, sans aucun doute, mais étrangement floue, étrangement brumeuse, cette attaque improvisée. Y a-t-il un problème sunnito-sunnite (ce serait le comble...) dans cette ville-Etna ? Y a-t-il un contentieux entre les Karamé et les islamistes de Tripoli ? Y a-t-il une volonté de rallumer, c’est tellement facile dans cette capitale septentrionale aux portes de la Syrie, tous ces feux mal éteints ? Au Liban plus qu’ailleurs, le hasard n’existe pas : l’agression contre le ministre de la Jeunesse et des Sports n’en reste pas moins une énième et indiscutable preuve de cette anarchie métastatique que tous les Marwan Charbel, tous les Fayez Ghosn et tous les Nagib Mikati du Liban n’arrivent pas à régler. Tripoli ville sans armes ? Le ministre de l’Intérieur est un petit rigolo. Ou un grand naïf. Si cette fameuse (et fumeuse) distanciation observée par l’exécutif libanais par rapport à la crise syrienne devait mourir, naturellement ou assassinée, c’est à Tripoli et uniquement à Tripoli qu’on l’enterrerait. Dans le sang.
Trois : un attentat contre les mœurs, les us, les coutumes, la loi. Et quelle loi : celle qui empêche deux jeunes personnes (hétérosexuelles) qui s’aiment de contracter au Liban un mariage civil. Khouloud Succariyeh (et son amoureux, Nidal Darwiche) se sont unis civilement parce qu’ils restent convaincus que cela est pour eux la meilleure façon de marcher à deux et de regarder à deux dans la même direction, égaux et véritablement partenaires. Leur geste, leur acte, leur chanson d’amour est un gargantuesque catalyseur pour la laïcité ; une bombe nucléaire sociétale : si elle explosait, si cette femme et cet homme devenaient les premiers mariés civils au Liban, si le ministère de l’Intérieur agréait cette union et la paraphait, les shrapnels seraient délicieusement incontrôlables. Il n’y a pas grand-chose à craindre : nous sommes loin d’être un pays civilisé, un pays en harmonie avec son temps ; loin, si loin, est-ce une bonne ou une mauvaise chose..., du Brésil par exemple, ce si catholique Brésil où, pour la première fois, une notaire de Tupa, à quelques centaines de kilomètres de São Paolo, a célébré il y a quelques mois l’union civile de trois personnes. Créant une controverse à peine égale à celle que ne manqueront pas d’engendrer Khouloud et Nidal.
Qui a dit qu’il ne fallait pas détruire pour (re)construire...
commentaires (9)
Economisons encre et salive! Y a pas de projets de province Iranienne au Liban. Les libanais auxquels on fait allusion ne sont pas de souche Iranienne et ne le deviendront pas par enchantement. dresser de temps à autre ça et là des épouvantails, fait partie d'une stratégie bien rodée, bien connue et sans aucun fondement chez nous (...) mais comme dit l'adage, "quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage". Le Liban est la patrie de tous les Libanais avec toutes leurs confessions et religions. Les plus intelligents d'entre nous savent qu'il est IMPOSSIBLE pour qui que ce soit, quelque soit son arsenal et son idéologie, de gouverner le pays sans les autres tout comme c'était le cas d'hier et c'est cas aujourd'hui. C'est d'ailleurs la particularité de ce beau pays. Alors soyons tranquilles et surs de nous même quelque la direction qui nous porte le vent...
Ali Farhat
12 h 00, le 19 janvier 2013