C’est tout un peuple qui a été danser et tirer en l’air comme s’il allait mourir de joie. Pour une première (et une dernière ?) fois, jeunes et vieux, musulmans et chrétiens, intellos et populos, pro-Fateh et pro-Hamas, radicaux et modérés, riches et pauvres, aux quatre coins du globe, tous les Palestiniens étaient égaux, immergés volontairement dans une espèce de ferveur collective absolument inédite. Émouvante au possible.
Même pour les Libanais. Des Libanais que le concept de cause palestinienne divise pourtant plus que tout : plus que 14 et 8 Mars, plus que les armes du Hezb ou le Tribunal spécial, plus que FL vs CPL, plus que sunnites contre chiites... Des Libanais bunkerisés, ghettoisés, qui dans leur fusion avec la cause, qui dans leurs surenchères débiles et malades de patriotisme palestinien, qui dans leur obsession raisonnable et infatigable pour le droit au retour, qui dans leur haine absolue pour les années de plomb pendant lesquelles Yasser Arafat et ses hommes n’en finissaient plus de dynamiter le Liban...
Il n’empêche : cette espèce d’empathie spontanée avec les spoliés de l’histoire, les Libanais l’ont fortement ressentie ; ils ont apprécié le symbole, aussi modeste soit-il ; ils ont commencé à espérer pour ce peuple qu’ils adorent et abhorrent également. Et pas que les Libanais... Même Barack Obama ne devait pas être très mécontent de cette leçon assénée à un Benjamin Netanyahu de plus en plus outrancier, de plus en plus criminel, de plus en plus colonisateur. Tous, sauf probablement les Iraniens et... le Hezbollah.
L’indéniable victoire diplomatique de Mahmoud Abbas, aussi modeste, encore une fois, soit-elle, est insupportable pour tous ceux que seul arrange un jihad palestinien tous azimuts contre Israël ; pour tous ceux qui ne peuvent (per)durer sans l’option militaire, sans la guerre ouverte, sans un Hanoi perpétuel. Cette victoire politique du peuple palestinien est un camouflet pour les ayatollahs de Téhéran, pour Hassan Nasrallah et ses hommes et pour les thuriféraires de l’agonisant régime Assad. Rien n’est pire pour ces gens-là que de prendre conscience que l’histoire peut s’écrire, ou se griffonner, autrement que par des Armageddon et des hécatombes ; rien n’est pire que cette preuve, monstrueuse, que personne n’a le monopole de la résistance. Que la résistance peut et doit, lorsque plus rien ne réussit, lorsque les morts sont pratiquement plus nombreux que les vivants, être éminemment politique.
Le oui de 138 pays, donc de l’Assemblée générale de l’ONU; le visage défait, littéralement, de l’ambassadeur israélien Ron Prosor lorsque s’est allumé le tableau d’affichage; l’hystérie de M. Netanyahu, qui s’est précipité pour annoncer la construction de 3 000 logements dans Jérusalem-Est : il est des acquis infiniment plus nobles et plus jouissifs que ces centaines de morts et d’orphelins tombés au pied de ce Pilier de Défense, plus efficaces aussi que centaines de millions de dollars de dégâts, plus retentissants et plus productifs surtout que ces victoires divines autoproclamées d’un Hezbollah-résistance désormais figé et empaillé, qui s’était réellement surpassé jusqu’en l’an 2 000, qu’Israël ait été chassé du Liban ou s’en soit retiré, mais qui n’a su que se transformer en la plus mortifère, la plus cannibale des milices.
P.S. : il est, sans transition, des anniversaires tellement sympathiques, tellement symboliques, qu’ils ne peuvent être occultés, ni ici ni ailleurs : demain dimanche, The Beirut Cellar fêtera ses 35 ans. Né dans/de la grande guerre du Liban, ce restaurant reste l’un des plus touchants exemples de résistance culturelle dans ce pays où ce mot, chaque jour un peu plus galvaudé, un peu plus prostitué que la veille, commence à perdre tout son sens. Joyeux anniversaire.
commentaires (8)
Naïf non un Mahmoud Abbas plus que jamais homme de dialogue optant pour la paix . Antoine Sabbagha
Sabbagha Antoine
10 h 07, le 01 décembre 2012