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Liban - Témoignage

Jennifer, la petite miraculée à la volonté de fer

Victime de l’attentat d’Achrafieh, sauvée par sa sœur aînée, Jennifer Chédid – Jenny pour ses proches – s’est réveillée dimanche du coma, après une intervention au cerveau. Une immense joie pour sa famille qui est aujourd’hui sans logement.

Le sourire d’une fillette courage, victime de l’horreur.

« J’ai envie de marcher. Je veux voir tout le monde. Je suis fatiguée de dormir. » Sa petite voix est encore mal assurée. Son visage tuméfié. Ses yeux fermés. Mais elle a une volonté de fer. Jennifer revient de loin. Étendue dans son grand lit d’hôpital, au sein de l’unité des soins intensifs de l’Hôpital libano-canadien, à Sin el-Fil, la fillette de 10 ans ne se tait plus, après deux jours de coma artificiel, démentant les rumeurs de sa mort, propagées par certains médias. « Reste un peu plus longtemps avec moi. » Elle tente de retenir sa mère, Nisrine, qui la rassure avec tendresse et fermeté. « Tu as besoin de calme et de repos, comme tous les autres malades », répond-elle, lui caressant la main. Une main qui porte encore les traces du drame qu’elle a vécu. Comme l’autre bras, totalement bandé. Comme tout son corps d’ailleurs, meurtri par les éclats de verre, minutieusement réparé et cousu par les chirurgiens. 

Le courage à 10 ans
La petite rescapée de l’attentat d’Achrafieh s’est réveillée dimanche de son coma, après avoir été opérée du cerveau, lui aussi touché par un éclat de verre. Hier, non seulement elle a réussi à s’alimenter quelque peu, mais elle tenait à comprendre ce qu’il lui est arrivé. « Je venais de rentrer de l’école. Je regardais ma montre. J’ai pensé qu’elle avait explosé, que j’avais été électrocutée. Mes cheveux se sont dressés. » Dans son esprit, la scène est confuse. « Je ne sais pas ce qui est tombé sur moi, je sais juste que c’était quelque chose de très fort », poursuit-elle encore. « Joujou m’a sauvée, puis un homme m’a portée », se rappelle-t-elle, évoquant sa sœur aînée, Josiane, 17 ans, qui l’a dégagée avec fureur des décombres. « ...De cet amas de pierres et d’éclats de verre que j’ai dégagés à la main avant de tirer Jenny vers moi pour la sauver et de la mettre dans les bras de mon père », comme le raconte cette dernière, encore choquée.

 

Jennifer lors de sa communion.

 

 

Jennifer, du haut de ses dix ans, tient des propos d’adulte. Elle ne se plaint pas. Un petit peu seulement. « J’ai mal à la jambe », finit-elle par dire à sa mère, sans plus. « Un peu de courage. Le Christ a beaucoup souffert. Toi aussi tu peux souffrir un peu. Tu sais combien je t’aime », lui dit-elle. La fillette acquiesce. « La seule chose qui me dérange, c’est le sifflement de cette machine », finit-elle par dire, évoquant l’équipement sur lequel elle est branchée. Amusées, les infirmières réagissent aussitôt. Elle les interpelle par leur nom, mais ne peut encore les voir. Elle arrive même à sourire, comme pour les remercier. Émouvante de force, comme sa mère d’ailleurs, qui remercie Dieu, la Vierge et Mar Charbel, d’avoir gardé sa fille en vie. 
Plus tard, Nisrine expliquera que la dose d’anesthésiant ayant été réduite, Jennifer ressent des douleurs jusque-là silencieuses. Attentive, l’équipe médicale est déjà au chevet de la fillette et ordonne une nouvelle radio. Jennifer doit d’ailleurs se reposer.

 

 

Bons pronostics médicaux
Sauvée, la fillette ? Fort heureusement. Mais le réanimateur du service des soins intensifs de l’hôpital affilié à l’USEK, le docteur Ayad Moghabghab, préfère effectuer davantage d’examens médicaux, notamment un scanner du cerveau, avant de se prononcer sur les capacités de récupération de Jennifer. « Elle est fantastique, étonnante de lucidité, et s’exprime comme une personne de 20 ans », observe-t-il. Il ajoute qu’après avoir été progressivement réveillée de son sommeil artificiel, la fillette a « complètement récupéré tant au niveau de sa conscience que sur le plan moteur ». « Pour le moment, tout va bien, assure-t-il. Elle parle bien et bouge tous ses membres. Mais il est encore trop tôt pour dire si elle aura des séquelles ou non. Il y a eu des lésions cérébrales, dues à l’éclat de verre qui a pénétré dans la boîte crânienne. Ce qui a provoqué des saignements au niveau du cerveau », explique-t-il. Le Dr Moghabghab, qui a exercé en France, avoue n’avoir jamais vu de telles lésions dues aux éclats de verre. « Le choc était tellement fort par endroits qu’elle en a eu les os brisés et les tendons déchirés », indique-t-il. Et de souligner que l’intervention chirurgicale au cerveau a permis de retirer l’éclat de verre et de résorber le saignement. « Nous espérons que la récupération physique sera totale et que Jennifer sera transférée dans sa chambre d’ici à 48 heures », dit-il. Reste à savoir si Jennifer gardera des séquelles psychologiques du drame. « Il est nécessaire qu’elle soit suivie à ce niveau. Elle a d’ailleurs déjà été vue par un psychologue », observe-t-il.

 

 

Le père, la soeur et la mère de Jennifer.



Dans le salon des urgences, à proximité des soins intensifs, la famille de la jeune miraculée est là, au grand complet, solidaire de sa petite Jenny. Son père, Richard, chauffeur et garde-malade, sa mère Nisrine, baby-sitter, et sa sœur, Josiane, également blessée à la plante des pieds et à la tempe. Mais aussi le benjamin, Zouzou, neveu de Nisrine, qu’elle élève comme son propre fils, et de nombreux proches. Depuis l’explosion, la famille dont le logement était sur le lieu de l’attentat, à Achrafieh, erre entre l’hôpital et la chambre d’hôtel où elle est logée au Padova, pour une semaine, par le Courant patriotique libre. « Nous savons que le chemin est encore long. Mais notre fille est en vie. C’est le plus important », dit Richard. Nisrine, elle, ne donne sa joie à personne. « Je n’arrive pas à croire que ma fille s’est réveillée et qu’elle parle. Nous avons tellement prié », observe-t-elle. Josiane, chapelet autour du cou, est pensive, triste, la larme à l’œil, visiblement traumatisée.


Saura-t-elle puiser son courage dans la force de cette petite sœur qu’elle a sauvée ?

 

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