Rechercher
Rechercher

Liban - L’analyse

Le phénomène Assir ou la chronique de la surenchère ordinaire

Les phénomènes du type de cheikh Ahmad el-Assir, le monde arabo-islamique en produit des dizaines, régulièrement, depuis des décennies. Le personnage, il est vrai, ne manque ni d’intelligence ni de charisme, et son discours, dont chaque mot paraît jaugé et soupesé avec doigté, est du genre porteur. Pourtant, la finalité de son action suscite légitimement des interrogations.
L’arme principale qu’utilise le dignitaire islamiste pour mener son mouvement est la simplicité confondante de son message de révolte face au statut particulier acquis au Liban par le Hezbollah, son arsenal militaire, ses îlots de souveraineté exclusive, son influence grandissante sur l’État et la culture de l’illégalité qu’il contribue largement depuis des années à répandre dans le pays. De ce point de vue, la phraséologie d’Ahmad el-Assir fait mouche et pas seulement au sein de la communauté sunnite. Il y a quelques jours, un député chrétien, Joseph Maalouf (FL), a tenu à son sujet des propos qui laissent transparaître une dose de sympathie.
Il faut dire qu’après des débuts quelque peu confus, le cheikh sunnite de Saïda a vite su ajuster, non sans finesse, son discours à l’égard des chrétiens, allant jusqu’à chanter, lors de son passage très médiatisé à Beyrouth, l’hiver dernier, des louanges à l’égard de la présence chrétienne au Liban.
Dernièrement, il a intégré à son discours anti-Hezbollah des éléments se rapportant directement à la relation conflictuelle entre ce dernier et les chrétiens, comme l’affaire des terrains de Lassa. Voir un chef intégriste de Saïda prendre plusieurs fois de suite la défense des intérêts fonciers de l’Église maronite est une chose assez rare pour qu’elle passe inaperçue.
C’est qu’Ahmad el-Assir doit se souvenir des terribles dégâts matériels, psychologiques et politiques causés par les hordes qui envahirent Achrafieh le 5 février 2006, sur fond de protestation contre les caricatures danoises du Prophète. En bon tacticien qu’il est, il a visiblement cherché à dissocier son image de ce désastre et y a, dans une mesure qui reste à déterminer, réussi.
Ces jours-ci, son souci apparent de ménager le président de la République et son ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, dont il dit que c’est « un homme qui voit avec les deux yeux, et pas un seul », participe également de cette volonté d’amadouer les chrétiens.
Plus subtilement encore, le dignitaire intégriste tente de s’approprier la symbolique de la révolution du Cèdre. Ses multiples références à la « jeunesse du 14 mars 2005 » sonnent comme un appel à tous les désabusés de ce mouvement pour qu’ils s’unissent – en quelque sorte sous sa bannière – officiellement contre l’adversaire honni, le Hezbollah, mais officieusement peut-être, contre les actuels dépositaires de la révolution du Cèdre, en particulier le courant du Futur.
À regarder les choses de plus près, la formation haririenne ne semble-t-elle pas être la véritable cible d’Ahmad el-Assir ? On pouvait douter de cela il y a encore quelques semaines. Mais après les déclarations exagérément virulentes tenues par le cheikh vendredi dernier en riposte à l’attitude du chef du bloc du Futur, Fouad Siniora, qui s’était opposé au procédé qu’il utilise, le blocage des routes, le doute n’est plus permis.
Accuser le Futur d’adopter face au Hezbollah une « politique d’aplatissement » et de « brader le sang de Rafic Hariri » relève de la même logique que celle qui conduisait Hafez el-Assad à accuser Yasser Arafat de « brader la Palestine », ou qui pousse la République islamique persane de vitupérer contre les Arabes parce qu’ils sont mous face à Israël et le Hezbollah de distribuer les insignes de félonie à tous les Libanais qui ne partagent pas sa conception du conflit avec l’État hébreu.
Le règne de la surenchère, hélas, est constant dans la vie politique libanaise et arabe, et Ahmad el-Assir n’en est qu’un avatar. Non pas que l’on doive considérer que nul autre que le courant du Futur et les autres acteurs du 14 Mars est apte à défendre les principes de la révolution du Cèdre. Ce qui est certain, c’est qu’il y a quelque chose dans l’action du cheikh qui le rend, lui, inapte à tenir ce rôle. Et cela va bien au-delà de son background islamiste.
Ahmad el-Assir affirme que son mouvement est « pacifique ». Peut-on considérer comme une action « pacifique » le blocage d’une artère principale reliant une ville à son environnement immédiat ? La question mérite d’être posée.
Mais au-delà du pacifisme, il y a bien plus grave. La révolution du Cèdre portait en elle un principe fondateur sans lequel elle ne signifie rien, c’est celui du rétablissement, ou plutôt de l’établissement au Liban d’une culture de la légalité. En se faisant coupeur de routes, Ahmad el-Assir s’identifie aux méthodes de ceux qu’il prétend combattre. Et cela n’a plus rien à voir avec l’esprit du 14 mars 2005.
Les démocraties ont mis beaucoup de temps à vaincre les totalitarismes. Mais si elles ont fini par les vaincre, c’est parce qu’elles ne les ont pas imités, parce qu’elles sont restées des démocraties.
Les phénomènes du type de cheikh Ahmad el-Assir, le monde arabo-islamique en produit des dizaines, régulièrement, depuis des décennies. Le personnage, il est vrai, ne manque ni d’intelligence ni de charisme, et son discours, dont chaque mot paraît jaugé et soupesé avec doigté, est du genre porteur. Pourtant, la finalité de son action suscite légitimement des interrogations. L’arme...

commentaires (6)

Bien que Mr. Assir n'est pas mon plat du jour, bien que je pense qu'il jour le jeu du Hezbollah, bien que ..., je pense qu'une telle action est non seulement légitime, puisque que pacifique et dans les normes de la loi, mais tout le peuple Libanais dans son ensemble se doit de bloquer toutes les routes jusqu'à ce que le Hezbollah dépose les armes. Apres cela nous pourrons alors discutailler pour se mettre d'accord sur une loi électorale juste et applicable, puis aux élections et par la suite aux amendements de la constitution afin de bâtir un Etat et enfin peut être une Nation! Bass waynnnnnnn el 7elm!!! Tant que nous avons des Assir et des Hassan Nasrallah, ntor ya gd... ta yetla3 el 7ashish....!!!

Pierre Hadjigeorgiou

08 h 43, le 04 juillet 2012

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Bien que Mr. Assir n'est pas mon plat du jour, bien que je pense qu'il jour le jeu du Hezbollah, bien que ..., je pense qu'une telle action est non seulement légitime, puisque que pacifique et dans les normes de la loi, mais tout le peuple Libanais dans son ensemble se doit de bloquer toutes les routes jusqu'à ce que le Hezbollah dépose les armes. Apres cela nous pourrons alors discutailler pour se mettre d'accord sur une loi électorale juste et applicable, puis aux élections et par la suite aux amendements de la constitution afin de bâtir un Etat et enfin peut être une Nation! Bass waynnnnnnn el 7elm!!! Tant que nous avons des Assir et des Hassan Nasrallah, ntor ya gd... ta yetla3 el 7ashish....!!!

    Pierre Hadjigeorgiou

    08 h 43, le 04 juillet 2012

  • Ahmad el-Assir s’identifie comme une nouvelle star des printemps arabes et veut à partir de Saïda vaincre les totalitaires pour forger une place de leader ...Les grands responsables de cette ville lui accorderont-il ce privilège ?Feuilleton à suivre . Nazira.A.Sabbagha

    Sabbagha A. Nazira

    08 h 06, le 04 juillet 2012

  • La surenchère des armes suspend toutes les autres et met en cause radicalement la démocratie sa tolérance n'est qu'un assoupissement mortel...ce qui donne à Ahmad el-Assir sa légitimité....

    Beauchard Jacques

    02 h 37, le 04 juillet 2012

  • Assir ce n'est pas comme l'EDL ...il ne manque pas de jus...de là a se prendre pour la fée... -cas rabat joie - il n'y a qu'un courant alternatif...

    M.V.

    23 h 46, le 03 juillet 2012

  • Qu'on me permette de revenir au "Perspective" de M Michel Touma hier, intitulé : Triple causalité politique. C'est la meilleure démonstration que j'ai lue à ce jour des causes du phénomène Ahmad al-Assir : 1-Arrogance politique illimitée du Hezbollah, en particulier à l'égard du courant sunnite modéré, le Futur, qui détient l'appui de 70% de la communauté sunnite du Liban. 2-Association aveugle du général Aoun à cette arrogance. 3-Confusion par le courant du Futur entre "modération et hibernation politique". L'analyse ci-dessus de M Fayad aboutit à un dilemme devant lequel se trouve le courant du Futur et l'ensemble du 14 Mars : "s'identifier ou ne pas s'identifier aux méthodes du Hezbollah" qui vont à l'encontre de la légalité ? On prône la suprématie totale de l'Etat sans armes parallèles et illégales, donc un Etat de droit, donc respect absolu de la légalité, donc on ne fait rien d'illégal. Mais que faire lorsque cette posture n'est interprétée par le Hezbollah et ses annexes que comme "aplatissement politique" ? En plus, avec un chef politique dont l'absence est trop prolongée, inexpliquée, devenue injustifiable et que les adversaires se plaisent à interpéter comme lâcheté ? En attendant la réponse, surgit Ahmad al-Assir et donne la sienne.

    Halim Abou Chacra

    22 h 47, le 03 juillet 2012

  • Maalouf aurait mieux fait de la fermer...mais il semble que c'est de famille...Amin Maalouf,que tout le monde encense,trouve que Saladin,Salah El Dine était un mec formidable...pas moi..c'était avant tout l'ennemi des uatres musulmans...les chiites..le plus drôle da,s l'histoire,c'est que cette référence fantasmée des "arabes" était....kurde...

    GEDEON Christian

    22 h 05, le 03 juillet 2012

Retour en haut