La question est d’abord de savoir si le pouvoir au Liban se fonde sur le principe du vainqueur et du vaincu, ou si, au contraire, il consacre l’inverse selon la formule ni vainqueur ni vaincu.
Historiquement, le Liban avait connu une polarisation aiguë entre le Bloc national et le Bloc destourien, qui a abouti à un divorce total entre les leaders des deux blocs. Une fois élu président, le général Fouad Chéhab avait adopté la politique de ni vainqueur ni vaincu lors de la formation du premier gouvernement, une ligne qui a été suivie jusqu’à la consécration de la tutelle syrienne au Liban. C’est alors que les chrétiens et les musulmans parmi les Libanais qui réclamaient la liberté et l’indépendance se sont transformés en « vaincus », le pouvoir de fait étant détenu à l’époque par la force de tutelle et ses alliés.
Après la fin de cette tutelle, les Libanais se sont divisés entre 8 et 14 Mars, croyant que le camp qui sortirait victorieux des élections avec une majorité des voix pourra prendre le pouvoir, la minorité se retrouvant de ce fait dans l’opposition selon les règles du jeu démocratique. Ce cas de figure ne s’est toutefois pas concrétisé lorsque, ayant perdu les élections, les forces du 8 Mars ont refusé le gouvernement de la majorité, insistant sur la nécessité de prendre part à l’exécutif au nom de l’union nationale. C’était un moyen pour la minorité de barrer la voie au monopole de la prise de décision par la majorité, les forces du 8 Mars ayant obtenu le fameux tiers de blocage qui a servi à faire obstruction à toute décision qu’elles contestaient.
Par la suite, il s’est avéré que la raison qui a poussé la majorité à se soumettre aux conditions placées par la minorité n’est autre que le fait que cette dernière comprenait un parti armé, le Hezbollah, qui a clairement laissé entendre que si le langage parlé n’était pas compris, il était possible de lui substituer celui des armes.
Ainsi, il est devenu désormais nécessaire pour les Libanais de s’entendre sur la formule à adopter pour gouverner le pays, et choisir entre l’alternance au pouvoir, selon laquelle le camp victorieux aux élections gouverne seul, ou l’équation ni vainqueur ni vaincu qui suppose la formation d’un gouvernement d’union nationale de manière à ne pas permettre à une partie de monopoliser la prise de décision. Il est utile de rappeler que dans ce dernier cas de figure, la bataille électorale perd ainsi toute son acuité. Elle est même vidée de son sens puisque, de toute manière, le vainqueur se retrouve à pied d’égalité avec le vaincu, les deux parties se retrouvant côte à côte à exercer le pouvoir. Mais quelle que soit l’équation adoptée, il va sans dire qu’aucune partie n’a le droit de brandir les armes pour faire face à l’autre, créant ainsi un déséquilibre politique et confessionnel notoire.
Reste la question de savoir à quoi servent les armes puisque, de toute manière, le Liban ne saurait être gouverné par un seul parti, une confession ou un camp, et qu’aucune faction ne peut éliminer l’autre.
commentaires (7)
M. Sabat, je suis profondément persuadé que rien, absolument rien, de constructif ne pourra se faire au Liban avec la présence des armes. Comment peut-on être objectif, sensé, efficace, cohérent avec soi-même et les autres quand on se met autour d'une table avec des armes ?! Que le Hezbollah se rassure puisqu'il a peur pour ses armes, personne ne va les lui arracher, c'est à lui et à l'Etat libanais de mettre au point un processus de désarmement du parti. Comment voulez-vous sinon que les Libanais mettent "en commun leur intelligence innée et leur sens de l'initiative pour bâtir ensemble un Liban meilleur pour tous" comme vous dites ? C'est impossible. En revanche je suis d'accord avec vous sur, je dirais moi les fanatiques.
Robert Malek
14 h 07, le 16 mars 2012