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Liban - Société

Femmes à la pompe à Saïda, opération marketing réussie

Des femmes pompistes dans une station d’essence. Une première au Liban. De quoi bouleverser les mentalités de la ville conservatrice de Saïda.

Amar, jeune pompiste de 19 ans, aussi discrète que déterminée.

La touche rose donne le ton. Couleur inhabituelle dans une station d’essence, où les tons sont généralement neutres. Queen Stations n’est pas une station d’essence traditionnelle. Sa réputation est d’ailleurs faite, non seulement au Liban, mais dans les pays arabes et jusqu’en France. Car elle emploie de jeunes femmes à la pompe, en journée comme en soirée. Sa gérante est aussi une femme. Elle est pourtant située dans la ville conservatrice de Saïda, sur la route principale du quartier bourgeois de Hlalyé. Autre particularité de la station, son supermarché de trois étages, qui dessert la région et ses environs et qui emploie une grande majorité de femmes.


Vêtues de sweat-shirts roses et de jeans, deux jeunes femmes s’affairent à servir les automobilistes. Elles font le plein, nettoient les vitres, encaissent les sommes dues, remplissent des reçus (roses), soucieuses de servir la clientèle le plus efficacement et le plus rapidement possible. Sous l’œil bienveillant du responsable de la pompe, un jeune homme aux yeux rieurs qui n’hésite pas à prodiguer conseils et encouragements. Avec l’assistance d’une poignée de jeunes gens, également vêtus de T-shirts roses, qui prennent la relève pour les tâches lourdes, lavent les voitures et assurent la livraison de mazout (dans une citerne grise et rose).

La curiosité du quartier
L’opération est désormais routinière pour les jeunes filles, banale pour la clientèle, même masculine, qui réagit positivement à ce concept avant-gardiste, une première au Liban. « Je suis un client inconditionnel de la station », affirme un automobiliste d’une trentaine d’années. « Pas seulement parce qu’elle emploie des filles, mais surtout parce que le service est de qualité. Je suis d’ailleurs convaincu qu’une femme doit travailler dans tous les domaines », poursuit-il, soulignant que « l’homme et la femme doivent s’entraider ». Mais certains clients ne peuvent s’empêcher d’avoir des réserves. Comme cette femme voilée qui applaudit au travail de jour des jeunes filles pompistes, « car elles doivent savoir se débrouiller dans la vie », mais estime, « en tant que musulmane », qu’elles ne devraient pas travailler de nuit.


Jugé bizarre, curieux ou amusant à l’ouverture de la station, le travail des femmes à la pompe n’étonne plus personne aujourd’hui à Saïda. « Au départ, nous étions la curiosité du quartier », raconte Aya, caissière de 20 ans du supermarché et étudiante, qui n’hésite pas à donner un coup de main à la pompe. « Mon entourage aussi se demandait pourquoi j’avais choisi de travailler là. » La jeune femme est convaincue que nombre d’automobilistes continuent d’affluer par curiosité. Elle se rappelle les quelques cas de propos déplacés, proférés par de très jeunes gens. « Mais les choses sont rapidement rentrées dans l’ordre, assure-t-elle. D’ailleurs, nous ne sommes jamais seules, mais travaillons conjointement avec des collègues hommes. D’autant que certaines tâches nécessitent un effort physique important. Et puis, le travail n’est pas une honte. Nous donnons le meilleur de nous-mêmes et sommes, en contrepartie, très bien traitées par la direction », souligne-t-elle, se prononçant en faveur de l’égalité entre l’homme et la femme.
La pompe ne désemplit pas. Jeunes femmes et jeunes gens se relaient auprès de la clientèle. Le concept semble avoir rencontré un vif succès depuis l’ouverture de la station, en février 2011. Il faut dire que l’artère, baptisée communément route de Jezzine, est très passante. Entre deux voitures, Amar, une blondinette de 19 ans, raconte avoir quitté un emploi de comptable pour travailler comme pompiste à Queen Stations. « J’habite le quartier et l’idée m’a plu, car c’est une nouveauté et le travail n’est pas routinier », indique-t-elle.


La jeune femme a surtout été attirée par l’attrayant salaire de 500 dollars par mois proposé aux femmes pour 8 heures de travail par jour, 6 jours sur 7. Nettement supérieur que son premier salaire. « Et puis le travail n’est pas fatiguant », assure-t-elle. Amar a toutefois dû tenir tête à ses parents, réticents de voir leur fille travailler dans une station-service. « Face à ma détermination, ils ont fini par accepter l’idée », dit-elle. Même si elle semble n’avoir pas froid aux yeux, l’adolescente affiche une certaine réserve et refuse de se faire photographier. « Je ne m’étais pas préparée », dit-elle, comme pour s’excuser, visiblement dérangée par l’engouement des médias pour l’affaire.

Embaucher davantage de femmes
Comment est né le concept véhiculé par Queen Stations ? « L’idée est venue du propriétaire du projet, Merhi Abou Merhi, homme d’affaires et mécène originaire de Saïda, très attaché à sa ville, soucieux de contribuer à son développement et d’embaucher une main-d’œuvre locale », explique la gérante, Samar Dakdouk. Elle-même avoue avoir travaillé aux États-Unis dans une station d’essence appartenant à ses frères. Elle s’est donc facilement pliée au jeu. « Désormais accepté par la société sidonienne, qui allie tradition et modernisme, mais qui demeure machiste, le concept fonctionne à merveille, constate-t-elle. Malgré de petits dérapages inévitables sans conséquences, au démarrage du projet », note-t-elle, notamment de la part de jeunes gens peu éduqués et peu habitués à voir des femmes travailler dans une station d’essence. En dépit aussi de l’inexpérience des femmes pompistes, qui se contentent, pour le moment, de faire le plein.


« Idéalement, elles devraient tout faire, au même titre que leurs collègues de sexe masculin, nettoyer les vitres, laver les voitures et exécuter d’autres tâches réservées aux hommes. Mais les jeunes gens, généralement tous étudiants, mettent un point d’honneur à ne pas les laisser se fatiguer », explique Mme Dakdouk.
L’objectif immédiat de la gérante ? Former les filles à laver les voitures et embaucher davantage de femmes, qui représentent l’atout essentiel de l’entreprise, car elles attirent la clientèle. Elle voudrait aussi rendre les employées polyvalentes, pour les encourager à travailler aussi bien au supermarché qu’à la pompe. Ferme et exigeante, mais adulée par les employés, hommes ou femmes, qui la surnomment affectueusement Queen, Samar Dakdouk est certaine d’y arriver bientôt. Même si les choses ne sont pas aussi simples qu’elles le paraissent. La gérante se heurte à la grande résistance des femmes à exercer cet emploi encore tabou, dans une société conservatrice. Et ce, malgré des salaires attractifs, supérieurs à ceux de leurs collègues masculins, d’une bonne centaine de dollars par mois.
Le défi est de taille. Queen Stations entend bien le relever et pourquoi pas ouvrir des succursales à travers le pays.


La touche rose donne le ton. Couleur inhabituelle dans une station d’essence, où les tons sont généralement neutres. Queen Stations n’est pas une station d’essence traditionnelle. Sa réputation est d’ailleurs faite, non seulement au Liban, mais dans les pays arabes et jusqu’en France. Car elle emploie de jeunes femmes à la pompe, en journée comme en soirée. Sa gérante est aussi...

commentaires (5)

C'est bien d'y avoir pensé Christian, tu me rassures.

Robert Malek

04 h 54, le 12 janvier 2012

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Commentaires (5)

  • C'est bien d'y avoir pensé Christian, tu me rassures.

    Robert Malek

    04 h 54, le 12 janvier 2012

  • Robert,Robert...tu veux qu'on se fasse éjecter du forum ou quoi?J'y ai pensé...juste pensé!On est un peu des sales gosses parfois...

    GEDEON Christian

    04 h 04, le 12 janvier 2012

  • La vanne est aussi facile que tentante, mais ça ne passerait pas. Tu as essayé Christian ?

    Robert Malek

    12 h 48, le 11 janvier 2012

  • Femmes à la pompe à Saïda un bon pas pour une ouverture d’ esprit tant souhaitée en espérant que dans le monde de la liberté la vente d’alcool sera de nouveau autorisée dans cette ville. Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    07 h 03, le 11 janvier 2012

  • - - Bravo Saïda qui a fait ça avant Achrafiéh , Jbeil et Jounieh !! Excellente idée de voir des jeunes filles ou femmes en T shirt rose , jeans et non voilée , vous faire le plein ou nettoyer votre pare brise dans un bled comme Saïda , où les intégristes refusent les boissons alcoolisées !! Pourvou que doure , comme disait Letizia Bonaparte ..

    JABBOUR André

    00 h 51, le 11 janvier 2012

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