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Liban - La situation

Dégradation du discours politique, dérapages sécuritaires, malaise social : des signes d’une inquiétante nervosité locale


Il ne saurait y avoir une kyrielle d’explications au scandaleux comportement du député hezbollahi Nawwaf Moussawi, hier, au Parlement. Face à l’implacable et ferme argumentation du député Samy Gemayel, qui s’élevait, fort à propos, dans le cadre du débat parlementaire dans l’hémicycle, contre les débordements miliciens du Hezbollah et les empiétements du parti pro-iranien sur les prérogatives et la mission des institutions étatiques, notamment en matière de télécommunications, M. Moussawi a perdu le nord et ses nerfs ont manifestement lâché. Un tel comportement colérique est généralement – en langage schématiquement psychologique – soit un signe de faiblesse (on compense la faiblesse par une attitude exubérante et une agressivité poussée à l’extrême), soit le reflet d’une profonde perturbation (aggravée par l’absence d’arguments susceptibles de convaincre), ou aussi l’expression d’un manque total d’éthique, de morale et de respect de l’individu.
Dans le cas spécifique de Nawwaf Moussawi, il est permis de penser que le député hezbollahi était hier manifestement à court d’arguments pour répondre d’une manière sereine et rationnelle aux critiques soulevées par Samy Gemayel. Car comme l’insinue souvent le député Kataëb du Metn-Nord en diverses circonstances, le Hezbollah a acquis le fâcheux réflexe de considérer que le pays est devenu sa propriété privée, que tous les individus et factions qui se positionnent en dehors de son cercle d’influence directe constituent en quelque sorte un « tiers État » face aux privilèges d’une « aristocratie » et d’une « noblesse » hezbollahies. Le secrétaire général du Hezbollah ne qualifie-t-il pas ses partisans de « gens les plus nobles » ?
Cette intolérance extrême à l’égard de « l’autre », érigée en quasi- doctrine politique, a été relevée hier, après la séance houleuse du Parlement, par le député Mouïne Merhebi (courant du Futur), qui a souligné que le comportement de Nawwaf Moussawi illustre le fait que le parti pro-iranien « rejette tout avis contraire au sien et ne tolère pas qu’une quelconque partie soulève avec lui le problème de ses armes ou celui des télécommunications » (allusion au réseau illégal que le parti chiite tente d’imposer manu militari à certaines régions du pays, sous couvert de « résistance » ).
Plus diplomate – positionnement politicien oblige – le député Ghassan Moukheiber n’a pu s’empêcher de « déplorer » l’attitude de M. Moussawi (pourtant son allié, du moins en théorie), s’élevant (sans mentionner toutefois le député hezbollahi) contre « le bas niveau du discours politique » apparu hier dans l’hémicycle.
Il reste qu’en lançant hier à la face de Samy Gemayel que « ma chaussure est plus respectable que vous », M. Moussawi a commis un grave impair qui ne manquera pas de provoquer, tôt ou tard, d’une façon ou d’une autre, un effet boomerang. Certes, le leader d’Amal, Nabih Berry, a tenté hier de résorber le choc en chargeant le député Ali Bazzi (membre du bloc parlementaire d’Amal) d’entreprendre une médiation « à la libanaise » entre Samy Gemayel et Nawwaf Moussawi. Mais le député Kataëb a refusé, semble-t-il, de se laisser prendre à ce jeu, exigeant des excuses publiques de la part du député du Hezbollah.

Dégradation politique, sécuritaire et sociale
Le comportement caractériel de M. Moussawi pourrait refléter aussi une perturbation profonde qui serait due aux bouleversements régionaux qui ne manquent pas d’ébranler l’allié de Téhéran sur la scène locale. Le soulèvement populaire en Syrie fragilise incontestablement le régime baassiste et par voie de conséquence ses têtes de pont au Liban, dont le Hezbollah. La nouvelle incursion d’une unité syrienne hier en territoire libanais, à la frontière nord avec la Syrie, et le comportement milicien des forces syriennes contre des civils libanais – comportement qui s’est soldé en soirée par une dizaine de blessés – illustrent le degré élevé de nervosité perceptible dans les rangs de l’axe syro-iranien. À ces débordements aux frontières s’ajoutent les soubresauts sécuritaires dans d’autres régions, notamment au Liban-Sud, comme le montre l’assassinat hier à Aïn el-Heloué de l’adjoint de l’équivalent de la police palestinienne (relevant du Fateh). Sans compter, à l’évidence, les tirs de roquettes en direction d’Israël, dont le secrétariat général du 14 Mars a fait assumer hier la responsabilité au Hezbollah. Autant d’indices sécuritaires qui pourraient être l’expression concrète de la perturbation que semblent vivre les dirigeants du Hezbollah.
Coïncidence ou pas, la réaction colérique de M. Moussawi hier est en outre intervenue alors que le New York Times se livrait à un grand déballage au sujet de ce qu’il a affirmé être le vaste, et juteux, trafic de stupéfiants et les pratiques de blanchiment d’argent auxquels se livre le Hezbollah à l’échelle internationale.
Reste à expliquer, à l’ombre de ce tableau, le comportement quelque peu incohérent du parti chiite face au malaise social croissant qui se manifestera aujourd’hui par une grève générale dans les établissements scolaires et par une marche pacifique dans le centre-ville. Le Hezbollah – à l’instar d’ailleurs de certains de ses alliés – a approuvé le dernier réajustement de salaires en Conseil des ministres, mais il a quand même appelé à une participation massive au mouvement de contestation prévu aujourd’hui pour rejeter cette même mesure qu’il a lui-même avalisé au sein du cabinet.
Face à de tels bouleversements et perturbations sur plus d’un plan, les abus de langage de Nawwaf Moussawi peuvent ainsi paraître dans une certaine mesure secondaires. Mais ils restent malgré tout significatifs d’un état d’esprit en tous points inconcevable.
Il ne saurait y avoir une kyrielle d’explications au scandaleux comportement du député hezbollahi Nawwaf Moussawi, hier, au Parlement. Face à l’implacable et ferme argumentation du député Samy Gemayel, qui s’élevait, fort à propos, dans le cadre du débat parlementaire dans l’hémicycle, contre les débordements miliciens du Hezbollah et les empiétements du parti pro-iranien sur...

commentaires (18)

Christian je t'envoie le reportage par mail. Anastase Tsiris

Anastase Tsiris

15 h 12, le 16 décembre 2011

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Commentaires (18)

  • Christian je t'envoie le reportage par mail. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    15 h 12, le 16 décembre 2011

  • waou...c'est vrai cette histoire de cybertrack????çà devient passionnant...on est en pleine science fiction...ils sont bons les savants iraniens quand même....si seulement les Aya n'étaient pas là...c'est fort,hein?

    GEDEON Christian

    13 h 41, le 16 décembre 2011

  • Kamel, en ce qui concerne le DRONE que j'avais qualifié de "Cheval de Troie ", les Américaons viennent de confesser que les Iraniens l'ont fait descendre chez eux en employant le Cybertrak ( système de téléguidage ). Je te tire le chapeau ! Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    10 h 15, le 16 décembre 2011

  • Pour moi, Kamel, un vrai dialogue Américano/Iranien devrait s'ouvrir urgemment. Tout sur la table. Les Iraniens devraient dépasser leurs appréhensions et penser avec leur tête et non aver leus sentiments. Les américains font des approches pour un tel dialogue. Un nouveau ( YALTA ) cher à toi et à moi, comme tu le sais, devrait voir le jour et déboucher sur d'éventuelles négociations et accords. Il n'y a pas d'autres issue. Une guerre contra l'Iran ne serait pas seulement désastreuse pour toute la région, mais aussi suicidaire pour tous. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    12 h 24, le 15 décembre 2011

  • Si les sio/yanky qui declarent a longueur de journee que la guerre c'est pour demain,la voulaient vraiment, ils n'auraient pas attendu 24h. Mais ma frayeur Tasso,est que je doute qu'il y ai des reveils apres une prochaine guerre, ni pour nous ni pour eux. Les "si je savais" se sont transformes en "je sais donc je detruits".Malheureusement, pour tous.

    Jaber Kamel

    09 h 58, le 15 décembre 2011

  • Kamel, je suis un petit point ( non pion ) sur l'échiquier International. A mon très humble avis, le drône est un cheval de Troie ( dans le sens technologique bien sûr ). Mais, mon avis ne veut pas dire que j'ai raison. Quand à ton analyse que les Ayatollahs et partisans veulent vraiment la guerre et la souhaitent, permets-moi d'en douter. Si vraiment ils la veulent, ils peuvent la déclencher. Les désillusions viennent après, car avant c'est l'élan du fanatisme qui transporte. Et les réveils, Oh les réveils, seraient très aigres et si catastrophiques, que les : SI JE LE SAVAIS ! ne servirait plus à RIEN... Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    08 h 48, le 15 décembre 2011

  • Serieusement Xtian et Tasso, la ,j'approuve votre analyse sur les forces centrifuges et l'allusion faite aux ayatollahs. Juste pour dire qu'a mon avis, la guerre est souhaitee par l'axe Iran/Syrie/Heszbollah, et non pas par les sio/yanky qui la redoutent comme la peste. Les gesticulations des sio/yanky ne font qu'eperonner le cheval ( velleites ) mais qu'au fond ils ne cherchent pas l'affrontement direct. En retour les forces qui s'opposent a eux attendent, voir souhaitent et prient que l'erreur vienne des autres, pour justifier une defense du monde arabo/islamique devant des masses arabes debarassees des dictateurs a la solde des sio/yanky. Voila pourquoi, les ben saoud, les ottomans et meme les irakiens sont mis a rude epreuve, tout comme le hezb par l'Iran et surement la Syrie. La guerre de troie aura t elle lieu ? Tasso qui est petri de mythologies grecques pourra le mieux nous le dire. Mais le drone Tasso, c'etait pas un cheval.

    Jaber Kamel

    08 h 16, le 15 décembre 2011

  • Christian, des voeux au gré des AYATOLLAHS... Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    06 h 34, le 15 décembre 2011

  • En vérité,le Hezb est soumis comme tout parti à des tensions centrifuges...voire à une certaine schizophrénie...le peuple du Hezb est et reste,j'en suis persuadé,intimement libanais...Ses dirigeants ne peuvent pas ne pas en prendre acte...et manifester en quelque sorte contre eux-même...c'est très intéressant à suivre,parceque de là viendra à mon sens le changement profond du Hezb et sa mutation en parti politique "pur",si j'ose...Nous devons tous appeler de nos voeux cette inévitable mutation.

    GEDEON Christian

    05 h 07, le 15 décembre 2011

  • Marie Joe, Christian, André, si le Général annule l'entente de Mar Mkhayel les deux églises et rejoigne la famille chrétienne toute entière, je suis pour que le Général guide cette Union Chrétienne. J'aurai confiance en lui, comme j'en avais encore quand il était à Paris. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    04 h 45, le 15 décembre 2011

  • Monsieur Sabbagha vous avez entièrement raison mais pour pouvoir présenter des excuses un minimum de politesse doit être à la base, reconnaitre ses erreurs et présenter des excuses tout une éducation à revoir, tout un art, une grandeur d'âme, men wen bi jiba hayde !!! Marie José Malha

    Marie Jose Malha

    04 h 39, le 15 décembre 2011

  • ........et de là l'urgence d'une réconciliation entre Maronites. Tous nos espoirs se concentrent sur Bkerke et sur la sagesse et le savoir faire de notre cher Patriarche Bechara Rai. Marie José Malha.

    Marie Jose Malha

    04 h 19, le 15 décembre 2011

  • Je ne peux qu'approuver le commentaire de M. jabbour. Marie José Malha.

    Marie Jose Malha

    04 h 09, le 15 décembre 2011

  • Mon cher André,la question est surtout,Rabié pense-t-il encore?Parceque là,les bornes sont largement dépassées,non?

    GEDEON Christian

    04 h 08, le 15 décembre 2011

  • Des excuses publiques de la part du député du Hezbollah, sont la seule issue pour ce parti s' il croit vraiment encore à la cohabitation et le respect des autres confessions . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    02 h 13, le 15 décembre 2011

  • Il n'y a qu'une "kyrielle d'explications au scandaleux comportement du député Nawwaf Moussawi, hier, au Parlement" : Arrogance, arrogance, arrogance... Veut-on un comportement plus en ce sens et plus incohérent d'un Hezbollah, qui d'un côté vote en Conseil des ministres contre son allié même, le CPL, pour son projet de réajustement des salaires, et d'un autre côté participe à la grève contre le réajustement qu'il a approuvé en Conseil des ministres ? Ce n'est pas pour rien que les 3/4 des Libanais disent que ce parti résiste en effet, mais contre son pays, contre l'Etat de ce pays et ses citoyens. Il a perdu toute crédibilité. Chez ses alliés mêmes ça commence. Tant pis pour lui. Il n'écoute que ce qui lui vient de l'Iran et du régime ébranlé de Damas, jamais ce qui lui vient comme avis et conseil de ses concitoyens.

    Halim Abou Chacra

    02 h 07, le 15 décembre 2011

  • J'approuve pleinement la réaction d'André Jabbour. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    01 h 59, le 15 décembre 2011

  • - - Je remarque un jeu dangereux , joué et interprété par le Hezb et ses représentants depuis quelques temps , contre les Maronites et leurs leaders en particulier ! Jamais un représentant de la résistance " Islamique " n'aura osé s'adresser à un Sunnite ou a un Druze , comme il l'a fait avec Sami Gémayel , lui disant que ses chaussures sont de loin plus honorables que lui ! C'est l'insulte suprême chez les Mahométans , et pourquoi ne sera-t-elle pas chez nous ? Sommes-nous devenus des Dhimmis sans qu'on ne le sache ! Ont-ils conclu un accord entre " eux " nous concernant .. !? En tout cas , le tandem J&B ont réussis leur mission arabe pour laquelle ils sont mandaté ... PS : Que pense Rabié de tout ça ?

    JABBOUR André

    00 h 28, le 15 décembre 2011

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