Rechercher
Rechercher

Culture - Préambule du Salon du livre...

Une leçon de musique par un homme politique...

Bruno Le Maire, un homme politique et néanmoins mélomane averti, parle de musique. En lice, dans ces plus de six cents ouvrages qui font qu’on se bouscule aux portillons des prix de la rentrée, « Musique absolue » (103 pages, Gallimard), cinquième opus mais premier roman d’un ex-ministre de l’Agriculture en France.

Bruno Le Maire.

Une approche inédite pour brosser le portrait de Carlos Kleiber, légendaire chef d’orchestre autrichien (ou argentin? Car l’énigme de sa nationalité, en fait, n’a jamais été tirée au clair), décédé en 2004.
Leçon de musique par un politicien qui en profite, en passant, pour asséner quelques pointes acérées pour le monde des gouvernants?
Sans nul doute, car le parallélisme des leaderships entre univers des notes et des mots est trop tentant. Mais ce qui est sûr, pour cet ouvrage oscillant entre conversation et biographie de Carlos Kleiber (lui qui n’a jamais donné d’interviews, a peu enregistré, fuyait les mondanités et les foules), il s’agit d’un amour fou pour la musique.
«La musique est ce qui me tire le plus facilement hors de la politique...» confie Bruno Le Maire (et on le comprend, vu sa prose frémissante de vie dès que les mots effleurent les contours d’une partition) qui plonge avec délectation et allégresse dans la fosse
d’orchestre.
Plongée vivace pour restituer, en toute application, l’originalité, la particularité et la grandeur «titanesque» de Carlos Kleiber, considéré non seulement comme un maestro génial, mais une mythique figure de la baguette.
Trame simple pour cette narration donnant la voix à un musicien qui joue sous la direction de Kleiber. Et surgissent, à travers des bribes de phrases, des instantanés du passé et un tissu romanesque sans sophistication, des images qui recomposent le puzzle d’une vie. Des images qui jettent la lumière sur la personnalité d’un être exceptionnel. Exceptionnel dans son perfectionnisme, son exigence, ses angoisses maladives de ne pas être à la hauteur des attentes des autres et de soi. Beaucoup ont associé ces peurs paniques aux coquetteries et caprices d’une diva (Callas toujours enrhumée ou en proie aux céphalées? Karajan dans son intransigeance) car, devant ses hantises et obsessions, il ne reculait pas devant une annulation de concert (multiples dans sa retentissante carrière) par exemple...
En sous-titre de l’ouvrage Musique absolue, comme une note en marge d’une page, la phrase «Une répétition avec Carlos Kleiber». Comme à dessein, l’auteur souligne le caractère singulier d’une répétition avec Kleiber. Un Kleiber en rupture avec «les fonctionnaires de la musique» et qui avait horreur qu’on «répète», c’est-à-dire reprendre mécaniquement une phrase. Il voulait surtout une direction qui convainc et non qui s’impose en dictature... Il cherchait surtout à creuser une partition, à étonner, à en tirer la substantifique moelle, à tenter de dégager les coins de nouveauté, la débarrasser des coins d’ombre et de routine... Il voulait du neuf. Il voulait donner du lustre à tout ce qui semblait rabâché.
«Son » Beethoven, «son» Verdi (surtout «sa» Traviata), «son» Strauss («son» Chevalier à la rose) restent des moments de magie pure. Et ce n’est pas pour rien que Domingo le désignait, en toute déférence, par «le magicien»...
Fils du prestigieux chef d’orchestre Erich Kleiber qui avait fui l’Allemagne et le nazisme pour jouer du Alban Berg, honni par la croix gammée, Carlos Kleiber abandonne des études de chimie entamées à Zurich pour revenir aux passions de son père : la direction d’orchestre. Il commence par le piano et les timbales avant de gravir les échelons, en toute fulgurance.
Infatigable voyageur, son talent est salué aussi bien à Berlin qu’à Munich, en passant par New York, Los Angelès, Tokyo, Stuttgart, Düsseldorf.
Si la politique porte à la vanité, la musique force à l’humilité. C’est dans cette optique que cette centaine de pages sont rédigées. Roman bref, au texte écrit avec élégance, avec pour thème central le portrait d’un grand musicien. Un musicien dans la lignée des Toscanini, Furtwängler, Karajan, pour ne citer que les têtes
d’affiche.
Non pas un portrait ciselé avec des dialogues à retenir le souffle, mais un portrait en touches légères comme une aquarelle rongée par le blanc du canson et des couleurs pastel aux transparences qui font un peu rêver ou laissent un peu sur la faim. Mais un portrait attachant d’un personnage certes génial, mais pour le moins ambigu (était-il, en fait, ange ou démon? comme s’interroge à juste titre Mauro Balestrazzi, l’un de ses biographes) qui donne surtout envie de renouer avec la musique telle que la concevait Carlos Kleiber. Dans cette lecture stimulante, quoi écouter pour mieux le (re)découvrir?
La magnifique version de La Traviata de Verdi, avec à l’époque la «viscontienne» mise en scène de Franco Zifferelli? La mort d’Isolde de Wagner? Plutôt, pour rester dans l’esprit de guide musical du livre, Freischùtz de Weber. Et, par-delà mesures ou silences, l’on tendra les oreilles pour mieux écouter, voir, à travers les notes de la partition, les esprits invisibles qui habitent l’opus et que le maestro voulait que ses musiciens perçoivent.
Musique absolue de Bruno Le Maire, pour un premier roman (tout en soulignant qu’il s’agit là du travail d’un romancier et non d’un musicologue), avec son sens de décrypter toutes les émotions de la musique, de lui restituer sa place dans l’histoire et sa force dans la vie des êtres et de la société, si ce n’est pas un coup de maître, il n’en est pas très loin.

« Musique absolue, une répétition avec Carlos Kleiber » de Bruno Le Maire, 103 pages, Gallimard, collection dirigée par Philippe Sollers, est en vente à la librairie al-Bourj.
Une approche inédite pour brosser le portrait de Carlos Kleiber, légendaire chef d’orchestre autrichien (ou argentin? Car l’énigme de sa nationalité, en fait, n’a jamais été tirée au clair), décédé en 2004. Leçon de musique par un politicien qui en profite, en passant, pour asséner quelques pointes acérées pour le monde des gouvernants? Sans nul doute, car le parallélisme des...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut