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Culture - Lecture d’été

Cri d’amour, de solitude et de pardon avec Leonora Miano

« Ces âmes chagrines » est le huitième roman de l’écrivaine camerounaise Léonora Miano.

Edgar DAVIDIAN

 

Léonora Miano est diplômée en lettres de Valenciennes et installée en France depuis 1991. Une voix venue d’Afrique pour mieux vivre en... Occident!
Un roman parfaitement dans le sillage de son inspiration première où, à travers une fiction puisée au cœur de la réalité, se profilent les préoccupations à propos de son pays d’origine, mais aussi de l’Afrique, ainsi que de l’intégration des Noirs dans la vie européenne.
Ces âmes chagrines de Léonora Miano (Plon, 281 pages) est placé sous l’ombrelle d’une exergue exaltant l’amour. Exergue qui en dit long sur l’intention de la narration. Comme un indicateur du sujet traité, voici ces quelques lignes aux premières pages de l’ouvrage: «Quand je parlerai toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, je suis un airain qui résonne ou une cymbale qui retentit » (Corinthiens 1, 13, 1).
Ainsi s’ouvre cette quête et descente enfiévrées au cœur des passions humaines. Une histoire un peu abracadabrante qui rompt les digues et les amarres avec tout ce qui est linéaire et entreprend une fabulation trépidante, à la pulsation contemporaine, nerveuse, stridente et embrouillée.
Avec ses deux fils, Antoine et Maxime, différemment aimés, Thamar afronte le quotidien d’un monde difficile, aux frontières floues. Un monde qui a pour nom Continent, Le Nord, l’Hexagone et Intra-Muros, mais aussi un pays imaginaire, Mboasu, qui a sans nul doute toute l’allure et le profil du Cameroun...
Singulière géographie où l’action se concentre autour d’Antoine Kingué, dit Snow, qui souffre du désamour et de l’abandon de sa mère. Il nourrit haine et hargne pour tout ce qui l’entoure. Faire payer aux autres le prix de sa solitude devient une sorte de rageuse raison de vivre.
Mais les apparences ne sont pas toujours ce qu’elles sont, car l’émotivité à fleur de peau, les fantasmes, l’imagination vagabonde et les humeurs changeantes sont mauvaises conseillères pour tous ceux qui ont des bobos au cœur... L’obsession, l’acharnement à la destruction (de soi et des autres), la dépression, l’aigreur, le ressassement de la douleur ne sont jamais les solutions d’un état de misère, morale ou physique.
Comme un revers de médaille, il y a aussi des valeurs plus importantes, plus constructives et plus valorisantes: l’espoir, le pardon, l’élan vers autrui, la notion de ce qui est positif.
C’est tous ces thèmes, de lumière et d’ombre, de perdition et de salvation, d’harmonie et de contradiction, que brasse énergiquement l’écriture de l’auteure de L’intérieur de la nuit qui, en 2006, a raflé trois prix (prix René-Fallet, prix Louis-Guilloux et prix du Premier roman de femme).
Une écriture qui ne manque ni d’élégance (malgré certaines facilités populaires) ni de pertinence (beaucoup de pointes et de piques) pour une société qui banalise sans vergogne frustration et manque de dignité humaine.
Avec un sens évident de la révolte, vu l’inadmissible avec une électricité quasi absente dans les pays africains. Comparativement, nous Libanais, exclus du confort régulier et livrés aux groupes électrogènes privés et parallèles à ceux de l’État, nous sommes brusquement projetés en loge de luxe... Eh, oui !
Révolte aussi de la femme, exposée encore au machisme et à la liberté entravée par divers facteurs, aussi bien éducatifs que sociaux. Aux orties, par conséquent, son épanouissement. Sans oublier de mentionner les sournoises tricheries des valeurs occidentales pour gober «sérieusement» les flux d’immigrés qui jouent souvent perdants sur un échiquier généreusement semé d’embûches...
La poésie, parfois ardente et vive, a quelques rares éclats dans cette histoire sombre et un peu embrouillée. Une histoire utilisant, avec une sorte de jubilation parfaitement perceptible, une langue française corsée, malaxée sans mettre de gants et dont on ressent l’avidité d’un emploi fait, de toute évidence, de plaisir, d’une certaine emphase et de sensualité.

Edgar DAVIDIAN
 
Léonora Miano est diplômée en lettres de Valenciennes et installée en France depuis 1991. Une voix venue d’Afrique pour mieux vivre en... Occident! Un roman parfaitement dans le sillage de son inspiration première où, à travers une fiction puisée au cœur de la réalité, se profilent les préoccupations à propos de son pays d’origine, mais aussi de l’Afrique,...

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